Compensation des Rafale de l’AAE vendus à la Croatie : Le général Lavigne préfére la qualité à la quantité

Initialement, la Loi de programmation militaire 2019-25 avait fixé à 129 le nombre d’avions de combat Rafale que devait mettre en oeuvre l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE]. Soit 27 appareils de plus par rapport au début de l’année 2019.

Et quand, en janvier 2021, la Grèce a fait le choix de se procurer 12 Rafale d’occasion, une commande a rapidement été passée par le ministère des Armées auprès de Dassault Aviation pour maintenir l’ambition qui avait été définie trois ans plus tôt pour l’AAE.

Or, avec la décision de la Croatie de se doter également de 12 Rafale de seconde main, rien ne dit, pour le moment, que l’AAE disposera bel et bien du nombre d’avions requis d’ici 2025. Certes, tant que le contrat avec Zagreb n’a pas été signé, aucune nouvelle commande ne peut être notifiée à Dassault Aviation pour remplacer à l’unité près les appareils cédés. Cependant, il y a du flou dans les intentions du ministère des Armées dans ce dossier…

Alors que la décision de la Croatie venait à peine d’être officialisée, le général François Lecointre, désormais ex-chef d’état-major des armées [CEMA], avait souligné le « besoin de masse » de l’AAE, « à la fois pour pouvoir engager des unités de combat mais aussi pour entraîner ses personnels et leur faire acquérir des qualifications ».

Et d’ajouter, lors d’une audition à l’Assemblée nationale : « Aujourd’hui, je n’ai pas de réponse à la question de savoir comment assurer l’équilibre entre les contraintes sur la ressource humaine, la préparation opérationnelle de l’armée de l’Air pour ses missions tant sur le territoire national qu’à l’extérieur, et l’ambition 2030 et la façon dont nous pourrons l’atteindre. La réflexion est en cours ; nous trouverons des solutions. Celles-ci ne passeront pas nécessairement par la réalisation de l’objectif nominal de 171 Rafale à horizon 2025 ».

Le 15 juin, devant les mêmes députés, le Délégué général pour l’armement [DGA], Joël Barre, indiqua que deux solutions étaient considérées. La première consistait à utiliser la recette tirée de la vente des 12 Rafale à la Croatie pour améliorer les capacités de ceux encore en parc.

« Il s’agirait en outre de doter le plus rapidement possible nos Rafale d’équipements de mission encore plus performants, en augmentant les livraisons de pods TALIOS [système optronique d’identification et ciblage à longue portée] de désignation laser, le nombre de radars à antenne active AESA et le parc des optiques frontales dotées de voies visibles et infrarouges » et « grâce à ces 400 à 500 millions d’euros de ressources extrabudgétaires, nous pourrions obtenir ainsi quatre-vingts Rafale pleinement dotés de ces capacités à l’horizon 2025 », avait ainsi détaillé M. Barre.

Quant à la seconde, elle avait le mérite de la simplicité : remplacer les 12 avions cédés à la force aérienne croate par des Rafale portés au dernier standard [F4] à l’horizon 2026. Mais pour cela, avait dit M. Barre, il fallait « dégager un milliard d’euros supplémentaire sur la Loi de programmation militaire, alors que la recette de cession est estimée entre 400 et 500 millions d’euros ».

Une semaine plus tard [soit le 23 juin], face à des sénateurs mécontents de la décision du gouvernement de ne pas soumettre au Parlement une loi d’actualisation de la LPM comme prévu, la ministre des Armées, Florence Parly, laissa entendre que les Rafale cédés à la Croatie seraient « compensés » à l’AAE. Et même d’insister : « Nous passerons cette commande. Où est le problème? ».

Sauf que, le 30 juin, le chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE], le général Philippe Lavigne, n’a pas dit exactement la même chose aux députés [le compte-rendu de son audition vient d’être publié, ndlr].

« Des études sont en cours au sein du ministère des armées pour prendre en compte l’impact de ces livraisons [à la Croatie, ndlr]. À cet égard, il est nécessaire d’améliorer la qualité de notre flotte. Tous nos Rafale ne sont pas équipés de radars à antenne active. En avoir davantage est nécessaire pour conserver notre supériorité opérationnelle. De même, les nouveaux pods TALIOS sont d’une qualité très supérieure aux anciens pods de désignation laser. Il nous en faut davantage, eu égard au nombre de nos missions et de nos entraînements », a en effet déclaré le CEMAAE, accréditant ainsi l’idée que la première solution avancée par le DGA tenait alors la corde.

« Notons que le nombre de Rafale augmentera entre 2022 et 2025, puisque nous verrons la livraison de trente-neuf appareils, vingt-sept au titre de la tranche 4T2 et douze en remplacement des appareils vendus à la Grèce », a ensuite enchaîné le général Lavigne. Ce qui fait que l’AAE en aura 117 exemplaires et non 129, comme le prévoit la LPM.

Quand est-ce que les appareils cédés à la Croatie seront compensés?… « En temps utiles », a dit le général Lavigne, en soulignant que « l’ambition 2030 était conservée ». C’est à dire que l’AAE devra disposer de 185 Rafale à cet horizon. « C’est primordial […] pour conserver notre supériorité opérationnelle, pour garantir une liberté d’action et pour accomplir toutes nos missions, en particulier la dissuasion nucléaire aéroportée et la posture permanente de sûreté », a-t-il affirmé.

Dans un rapport publié le 18 juin, la Commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense avait mis en avant « l’équation complexe de la disponibilité opérationnelle d’un parc [de Rafale] réduit de 9% ». Et d’ajouter : « La réduction capacitaire ne trouve à ce stade pas de réponse […], sauf à améliorer l’activité du parc existant et prolonger la durée de vie des Mirage 2000-5, au prix d’un surcoût en EPM [Entretien programme du matériel] et MCO [Maintien en condition opérationnelle] ».

Justement, s’agissant des Mirage 2000, le général Lavigne a estimé que la « haute intensité » suppose de les « remplacer par des Rafale, capables d’effectuer simultanément des combats aériens et des attaques au sol, équipés de radars multi-cibles à la capacité de détection accrue […] et de missiles air-air à longue portée, Meteor, qui nous confèrent la supériorité aérienne. D’autant plus, a-t-il insisté, que « la poursuite de la montée en puissance qualitative et quantitative du Rafale est en ce sens primordiale pour les armées ».

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