Général Burkhard : Il faut envisager toutes les hypothèses d’engagements, « même les plus durs »

Lors de ses dernières interventions publiques en qualité de chef d’état-major des armées [CEMA], en plus de plaider en faveur de la « singularité militaire », gage d’efficacité des forces françaises, le général François Lecointre a insisté sur l’accumulation des menaces qui pèsent sur l’Europe en général et la France en particulier.

« Nous avons tous le devoir de faire prendre conscience à nos concitoyens que le monde qui les entoure est un monde violent et qu’ils vont être rattrapés par cette violence très rapidement, quoiqu’il arrive, qu’ils le veuillent ou non », a-t-il ainsi déclaré au Sénat. Et d’ajouter : « On ne peut pas faire d’impasse sur la protection de nos intérêts stratégiques et sur le rang de la France dans le monde.

Plus tard, dans un entretien donné au Figaro, le général Lécointre [désormais en 2e section] a précisé son propos. Les Français « ont déjà souffert de cette violence à travers le terrorisme. Ensuite, les confrontations avec des acteurs régionaux – Turquie, Iran, Russie – vont être de plus en plus dures et de plus en plus fortes. Elles se rapprochent de nous. La France ne peut imaginer qu’elle va rester à l’écart comme dans une bulle protégée », a-t-il expliqué, insistant sur le fait que si on veut « préserver notre liberté », il faut s’en donner les moyens.

En outre, interrogé par le quotidien La Croix, le général Lecointre semble tenir pour inéluctable une confrontation dans la région Indo-Pacifique. « Dans la confrontation qu’il va y avoir entre la Chine et les États-Unis, dans laquelle l’ensemble des nations vont être sommées de choisir un camp, il faut que nous sachions proposer une voie médiane sans trahir la relation d’amitié et d’alliance très forte que nous avons avec les États-Unis », a-t-il dit.

Ayant élaboré une « vision stratégique » afin de préparer l’armée de Terre au combat dit de « haute intensité » quand il en était le chef d’état-major, le successeur du général Lecointre, le général Thierry Burkhard, ne pouvait que mettre l’accent sur les « évolutions de la conflictualité », dans son ordre du jour n°1, diffusé le 21 juillet.

« Les évolutions de la conflictualité nous obligent collectivement à envisager toutes les hypothèses d’engagements, même les plus durs. Les incertitudes géopolitiques nous rappellent que la vocation première des armées, directions et services est de protéger tous les Français, défendre notre pays contre la dangerosité du monde et porter ses valeurs en agissant au plus tôt contre la détermination de nos adversaires », a affirmé le nouveau CEMA, après avoir assuré qu’il était attaché, comme son prédécesseur, à la « singularité militaire ».

« Ensemble, il nous faut être prêts à intervenir sur tous les champs de bataille, aussi bien physiques qu’immatériels. Ensemble, il nous faut poursuivre nos missions sur les théatres d’opérations, nous préparer aux chocs futurs et envisager les transformations à venir. Ensemble, nous relèverons les défis stratégiques. Nous les relèverons en façonnant les armées dont la France a besoin », a conclu le général Burkhard.

Devant les parlementaires, le général Lecointre avait expliqué que l’on devait « équiper les armées car nous avons besoin d’armées modernes et parce que le contexte géostratégique l’exige ». Or, avait-il poursuivi, « la première partie de la Loi de programmation militaire [LPM] ne me semble pas suffisante pour moderniser les armées car elle permet d’abord de réparer et de consolider le modèle. C’est une tâche ingrate qu’assume l’exécutif que de devoir faire un effort budgétaire important sans constater pour autant une modernisation mais cet effort est nécessaire pour atteindre l’ambition 2030 ».

Et, selon lui, les ajustements de la LPM en cours visent « à doter les armées de capacités pour agir dans de nouveaux champs répond à cette exigence de modernisation, mais nous n’y sommes pas encore » étant donné que les « programmes que nous n’aboutirons que dans les années 2030 ou 2040 ».

Quant au général Burkhard, il avait livré sa vision des choses dans un entretien donné à France Culture, quand il était encore CEMAT. « On ne peut pas se préparer à quitter l’asymétrie. Des adversaires chercheront encore à nous combattre de manière asymétrique. Mais aujourd’hui, on ne peut plus se permettre de se préparer [seulement] sur ce plan, et il faut envisager un retour à des conflits de haute intensité – c’est une question de volume, d’unités mobilisées, mais aussi de menaces auxquelles nous sommes confrontées. Cela implique de changer de changer d’échelle dans l’entraînement que l’on conduit », avait-il expliqué.

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