Budget : Un député de la majorité appelle à oser le « quoi qu’il en coûte » pour les armées

L’an passé, à cette époque, la question était de savoir si, à l’instar de son homologue allemand, le ministère des Armées allait bénéficier du plan de relance de l’économie, doté de 100 milliards d’euros, que préparait alors le gouvernement. Et cela d’autant plus que deux rapports parlementaires venaient de souligner les difficultés que risquaient d’avoir certaines entreprises de la Base industrielle et technologique de défense [BITD], fragilisées par les conséquences de la pandémie de covid-19… Le tout s’accompagnant du risque de perdre des compétences et des savoir-faire indispensables à l’autonomie stratégique de la France.

Finalement, hormis une enveloppe de 600 millions d’euros pour anticiper, notamment, la commande de trois avions A330 [devant être transformés en ravitailleurs par la suite], d’un avion léger de surveillance et de reconnaissance [ALSR] et de 8 hélicoptères H225M Caracal, le plan de relance ne profita pas aux Armées comme certains l’avaient espéré, l’accent ayant été mis sur la transition écologique [30 milliards], la compétitivité des entreprises ainsi que l’innovation [35 milliards] et la « cohésion sociale et territoriale ».

« Depuis 2017, au ministère des Armées, c’est plan de relance tous les jours », fera valoir Mme Parly, la ministre des Armées, quelques jours après la présentation du plan gouvernemental. Et d’insister : « Nous avons un socle extrêmement solide qui s’appelle la LPM [Loi de programmation militaire]. 110 milliards d’euros injectés dans l’économie entre 2019 et 2023 […] : c’est l’équivalent en 5 ans d’un plan de relance pour les seules questions de défense. Et si nous nous projetons jusqu’en 2025, c’est 180 milliards d’euros qui seront consacrés à ces besoins. C’est un effort absolument colossal ».

Effectivement, depuis que la LPM 2019-25 est entrée en vigueur, la remontée en puissance des forces armées a été amorcée, avec la livraison des blindés Griffon, la mise en service du standard F3R du Rafale [et le lancement du F4], la commande des patrouilleurs outre-Mer, le coup d’envoi donné au porte-avions de nouvelle génération [PA NG] ainsi qu’au renouvellement des composantes de la dissuasion nucléaire, la livraison du sous-marin nucléaire d’attaque Suffren, etc. Sans compter l’effort sur les petits équipements et le « plan famille ».

En outre, la trajectoire financière de la LPM est respectée à l’euro près, même si le gouvernement s’est affranchi de certaines de ses dispositions, comme celles relatives au financement des surcoûts liés aux opérations extérieures et au missions interieures [article 4]. Ou encore celle concernant l’actualisation de ce texte [article 7], le Parlement n’y étant pas été associé comme il s’attendait à l’être.

Cela étant, depuis quelques semaines, il est question de donner un nouveau coup de fouet à l’économie française. Ainsi en mai, s’il a fermé la porte à un second plan de relance, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a évoqué une « plan d’investissement sur le long terme ». Puis, un mois plus tard, il a parlé « d’investissements complémentaires », qui concernerait « l’hydrogène », les « batteries électriques », « le cloud », « l’espace », et la « formation ».

Lors de son adresse aux Français, le 12 juillet, le président Macron a annoncé un « plan d’investissement » pour « bâtir la France de 2030 » et « faire émerger dans notre pays et en Europe les champions de demain qui, dans les domaines du numérique, de l’industrie verte, des biotechnologies ou encore dans l’agriculture, dessineront notre avenir ».

Le lendemain, M. Le Maire a précisé qu’il remettrait au président Macron des « propositions » d’ici la fin juillet. « C’est le moment d’investir tout simplement parce que cette pandémie va rebattre les cartes des rapports de force mondiaux dans les mois, plus d’ailleurs que dans les années, qui viennent », a-t-il justifié, précisant que ce plan porterait « à la fois » sur les « compétences humaines », le capital, les nouvelles technologies et les innovations de rupture ».

Membre de la majorité [et de la commission de la Défense à l’Assemblée nationale], le député [LREM] Fabien Gouttefarde a quant à lui estimé qu’il faudrait en profiter pour procéder à un « renforcement exceptionnel de la LPM, à l’image de ce qui a été décidé » par l’Allemagne, en « complément du plan de relance européen ».

Et de suggérer, dans une tribune publiée par Air&Cosmos, d’allouer à la mission « Défense » un « supplément exceptionnel de recettes » [SER] qui « ne changerait pas fondamentalement la situation des finances publiques, plus de 424 milliards d’euros ayant été engagés par l’État depuis mars 2020 pour aider l’économie ».

« Ce SER pourrait abonder d’abord certains programmes existants, offrant encore plus de souplesse à la LPM et trouvant des traductions immédiates au sein des forces », lesquelles sont aux prises avec des réductions temporaires de capacité, estime le député. Ensuite, il s’agirait, via des démonstrateurs, d’acquérir et d’affermir « des compétences dans le domaine de l’hélicoptère de combat à grande vitesse, du drone de combat, furtif et apte à opérer depuis la mer, du navire autonome », poursuit-il.

Enfin, cela permettrait le lancement d’une « seconde vague de programmes en coopération européenne », après celle initiée en 2017. « Je propose [qu’elle] concerne des produits différents, mais de nature à augmenter progressivement les compétences et la charge de travail des entreprises françaises, et européennes », comme « l’avion d’entraînement futur, le drone spatial, sorte de X37B franco-européen, l’avion bimoteur de transport tactique et l’hélicoptère très lourd », avance M. Gouttefarde.

Une telle approche se justifie, selon lui, par le « choc de la pandémie et ses conséquences » car la « complexité stratégique du monde issu de ce choc nous oblige […] à oser soutenir largement et nos armées et nos entreprises, lesquelles, en retour, doivent s’engager à embaucher » car c’est « en ramenant le taux de chômage à son plus bas niveau que la croissance absorbera la dette, renforçant encore davantage la souveraineté de notre pays ».

« Osons le ‘quoi qu’il en coûte’ pour nos armées » car « l’essence même du projet du président nous y incite », conclut M. Gouttefarde. Sera-t-il entendu?

Photo : Dassault Aviation

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