Patrouille maritime : Paris est sur le point de « reconsidérer la poursuite » de sa coopération avec Berlin

Le ministère allemand de la Défense n’aura pas perdu de temps. À peine une semaine après que le Bundestag a donné son feu vert, l’Office fédéral des équipements, des technologies de l’information et du soutien en service de la Bundeswehr [BAAINBw] a signé une Lettre d’offre et d’acceptation concernant l’achat de cinq avions de patrouille maritime P-8A Poseidon auprès du constructeur américain Boeing.

« Cette acquisition, d’un volume d’environ 1,1 milliard d’euros, répond au besoin urgent de maintenir une capacité de reconnaissance maritime à longue portée et de lutte sous-marine aéroportée », a justifié le ministère allemand de la Défense.

Cette acquisition de P-8A Poseidon doit permettre de remplacer les P-3C Orion de la MarineFlieger, dont le retrait anticipé a été annoncé en 2020. Et cela, sans attendre la concrétisation du programme MAWS [Maritime Airborne Warfare System], censé être mené dans le cadre d’une coopération franco-allemande.

Dans le détail, le MAWS vise à développer un « système de systèmes » reposant sur un avion de patrouille maritime relié à un ensemble de capteurs [drones, satellites, sémaphores, etc] et doté de capacités de détection et de guerre électronique améliorées [radars, sonars, bouées acoustiques, liaisons de données; etc].

Pour autant, la ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, a assuré que l’achat de P-8A Poseidon ne remettrait pas en cause le programme MAWS. Et d’affirmer qu’elle y reste même « attachée ». Seulement, elle semble bien la seule à y croire…

Ainsi, dans un entretien donné à La Tribune, en mai dernier, la ministre française des Armées, Florence Parly, a estimé que les P-8A Poseidon ne pouvaient « pas être un ‘gapfiller’ dans l’attente du MAWS ». Et d’ajouter : « C’est donc de ce sujet qu’il nous faut maintenant nous entretenir avec nos partenaires allemands. Dès lors que c’est un projet de coopération, cela doit le rester parce que c’est un engagement fort qui a été pris il y a quatre ans. Nous allons rapidement clarifier ce sujet avec l’Allemagne ».

Cela étant, le sujet avait déjà été « clarifié » avec le refus par Berlin d’une proposition française consistant à céder à la MarineFlieger quatre avions de patrouille maritime Atlantique 2, portés au standard 6, c’est à dire des capacités les plus modernes.

Lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 15 juin dernier, Joël Barre, le Délégué général pour l’armement [DGA] a commencé à en tirer les conséquences. « Concernant l’avion de patrouille maritime MAWS, dont nous avions engagé l’étude en compagnie de nos amis allemands, nous risquons fort d’être déçus après leur choix, préannoncé par les Américains, de l’avion Boeing P-8A. Même si les Allemands nous le présentent comme une solution transitoire, une livraison du P-8A à l’Allemagne en 2025 remet en cause le besoin initialement commun du MAWS à l’horizon 2035 », a-t-il dit aux députés.

Aussi, a-t-il continué, « si la décision allemande d’achat du P-8A se confirme, je crains donc que celle-ci nous contraigne à reconsidérer la poursuite de la coopération pour ce projet. » Or, elle a été confirmée…

En octobre, M. Barre avait indiqué qu’une « étude de faisabilité et d’architecture système » concernant le MAWS allait être notifiée au groupement THED, formé par le français Thales et les entreprises allemandes Hensoldt, ESG [Elektroniksystem] et Diehl. Puis, une seconde étape, concernant le développement d’une nouvelle « plateforme aérienne » allait ensuite suivre, avec Dassault Aviation et Airbus.

Reste que Mme Parly semble vouloir croire encore à cette coopération franco-allemande au sujet du MAWS. « Il y a une vision que nous ne partageons pas complètement sur le fait de satisfaire un besoin intermédiaire », a-t-elle dit, le 2 juillet, lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de défense [AJD]. Mais « il est trop tôt pour dire ce qui va se passer […]. Je mets toute mon énergie pour faire en sorte que les choses aboutissent », a-t-elle ajouté.

Photo : Marine nationale

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