Pour le moment, aucune solution satisfaisante n’est en vue pour la motorisation de l’EuroDrone

Normalement, un accord relatif au futur drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] européen [ou EuroDrone] aurait dû être trouvé entre les industriels concernés [Airbus, Dassault Aviation et Leonardo] et les États clients [Allemagne, France, Italie, Espagne] à la fin de l’année 2019.

Seulement, les discussions – « viriles » – ayant traîné en longueur faute de pouvoir s’entendre sur les coûts, ce n’est qu’en novembre de l’année dernière qu’un projet de contrat a été finalisé. Restait alors à obtenir le feu vert du Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand. Ce qui a été fait en avril dernier. Alors que les premiers exemplaires de cet EuroDrone ne seront pas livrés à l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE], au mieux, avant 2028 [soit avec trois ans de retard], ce programme n’en a pas fini avec les difficultés. Pour rappel, il avait été mis sur les rails en 2013, avec Airbus comme maître d’oeuvre…

En effet, alors que l’on s’attendait à voir le contrat Eurodrone être notifié aux industriels assez rapidement après sa validation par les députés allemands, l’Espagne a fait savoir qu’elle aurait besoin de temps pour s’engager financièrement.

« Quand je dis que le contrat est notifiable d’ici à l’été, il faut que l’Espagne s’engage sur le financement de ce programme », s’était d’ailleurs impatientée Florence Parly, la ministre française des Armées, dans un entretien donné à La Tribune en mai dernier. « Cette capacité de financement dépend des délais de ratification des plans de relance et donc de la vitesse avec laquelle les fonds européens du plan de relance vont parvenir à l’Espagne », avait-elle toutefois précisé.

Pour autant, tout ne sera pas réglé dans les détails… étant donné qu’il n’y a pas encore d’accord, pour le moment, sur la motorisation de l’EuroDrone qui, selon les spécifications adoptées à la demande de l’Allemagne, devra être doté de deux turbopropulseurs [pour une masse d’environ dix tonnes… soit cinq fois plus que MQ-9 Reaper américain].

Deux motoristes sont sur les rangs : le français Safran et l’Italien Avio. Et aucun des deux ne propose de solutions satisfaisantes, selon Joël Barre, le Délégué général pour l’armement [DGA], qui s’en est ouvert lors d »une audition à l’Assemblée nationale, le 15 juin [le compte-rendu vient d’être mis en ligne, ndlr].

« La première priorité est de lancer le projet Eurodrone […] dans la foulée du système de combat aérien du futur. J’espère que nous allons y arriver. Il restera à faire des choix d’équipements, dont celui du moteur, si tout se passe comme nous l’imaginons, au dernier trimestre 2021 », a-t-il commencé par rappeler.

« Il devrait y avoir deux propositions sur la table, celle d’Avio et celle de Safran Helicopter Engines, dont on me dit que du point de vue financier, des performances et des exigences d’interfaces, elles sont déjà hors du cadre de la recherche du maître d’œuvre du MALE, Airbus », a ensuite expliqué M. Barre.

Si la solution proposée par Safran est en dehors des clous, on pourrait donc penser que celle soumise par Avio a tout pour s’imposer…. Sauf qu’elle ne correspond pas non plus étant donné qu’elle relève de la réglementation américaine sur le trafid d’armes au niveau international [ITAR – International Traffic in Arms Regulations]. Cette dernière permet à Washington de contrôler les exportations d’équipements militaires dès qu’ils contiennent des composants fabriqués aux États-Unis.

Or, a continué Joël Barre, « si la proposition Avio est soumise à la réglementation ITAR, elle est inacceptable pour les quatre pays coopérants ». Aussi, a-t-il continué, il « faudra juger sur pièces sur la base des deux propositions ».

Cela étant, la Direction générale de l’armement n’a pas anticipé cet aspect dans ce programme, considérant, comme l’a expliqué le DGA, que la « valeur ajoutée technologique et industrielle résidait […] d’abord dans les équipements de mission et de communication ». Et d’ajouter : « Nous en avons exigé l’attribution à la partie française sans compétition, mais nous ne l’avons pas exigé pour le moteur, car nous pensions que cela ne se justifiait pas. »

« Il revient à Safran Helicopter Engines d’être le meilleur face à Avio, y compris en prenant en compte le critère ITAR si la proposition Avio se révèle trop dépendante de General Electric. La question se posera au dernier trimestre de cette année », a poursuivi M. Barre.

Cependant, la Direction générale de l’armement aide « Safran Helicopters Engines à formuler la proposition la plus compétitive et attractive possible », y compris financièrement. « Nous leur avons suggéré de rapprocher leur projet de moteur d’un futur moteur susceptible de remplacer les moteurs Pratt & Whitney sur les avions Daher », a confié le DGA.

Par ailleurs, le bien fondé de l’EuroDrone suscite toujours quelques doutes… Doutes exprimés dans le rapport que le Sénat vient de publier au sujet des « drones dans les forces armées ».

La « question des performances reste posée compte tenu des choix technologiques réalisés et du rythme rapide de l’innovation. Son poids de 10 tonnes, sa double motorisation – imposée par l’Allemagne – ne vont-ils pas à l’encontre de l’exigence de furtivité ? Soulignons, à cet égard, qu’au moment où les premiers systèmes Eurodrone seront livrés, les États-Unis seront sur le point de mettre en service le successeur du Reaper, un appareil censé être plus endurant, plus furtif et plus intelligent que ce dernier », est-il affirmé dans ce document.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]