Un rapport du Sénat recommande de doter les forces françaises de drones d’attaque « sacrifiables »

Le sujet des drones intéresse particulièrement les parlementaires en ce moment. Ainsi, le 7 juillet, les députés de la commission de la Défense se pencheront sur les conclusions d’une mission d’information sur « la guerre des drones » tandis que le Sénat publiera un rapport intitulé « Les drones dans les forces armées ». Et, pour faire bonne mesure, les sénateurs Olivier Cigolotti et Marie-Arlette Carlotti présenteront leurs travaux relatifs à la récente guerre du Haut-Karabakh, où de tels engins ont fait preuve d’une efficacité redoutable, comme, du reste, en Libye et dans le nord de la Syrie.

Lors de ces conflits, de nouveaux mode opératoires reposant sur l’emploi de drones bon marché – comme les Bayraktar TB2 et Kargu-2 turcs ou les Harop israéliens – sont apparus, que ce soit pour guider des tirs d’artillerie, lancer des attaques saturantes, pénétrer les défenses aériennes adverse ou bien encore pour leurrer ces dernières.

Ces engagements ont été « marqués par l’utilisation massive de drones tactiques et de petits drones, présentant la particularité d’être des matériels moins élaborés et moins coûteux que ceux habituellement utilisés par les puissances occidentales. Des puissances régionales comme la Turquie et l’Iran [rejoignant Israël et la Chine] se sont en effet lancées dans la production à grande échelle et l’exportation de drones ‘bon marché’, qui prolifèrent aujourd’hui, notamment au Moyen-Orient », a ainsi résumé le sénateur François Bonneau, co-auteur du rapport récemment examiné par la commission des Affaires étrangères et de la Défense.

Or, les rapporteurs ont fait le constat que les forces françaises ne sont pas protégées de la menace induite par cette évolution de l’emploi de tels drones, dont la vitesse réduite et la faible signature radar les rend difficilement détectables. « Il est donc urgent d’acquérir une capacité de défense sur ce segment », a ainsi fait valoir le sénateur Bruno Sido.

Ce thème sera d’ailleurs l’objet de la visite que doit faire Florence Parly, la ministre des Armées, au centre DGA « Essais de missiles » de Biscarrosse, le 6 juillet. À cette occasion, elle fera le point sur la stratégie de lutte anti-drones [LAD] et assistera à une démonstration de destruction d’un drone par laser.

Actuellement, il existe plusieurs solutions – déjà mises en oeuvre ou encore en cours de développement – en matière de lutte anti-drone. En 2017, le marché MILAD [Moyens mobiles de Lutte Anti-Drone] a été remporté par CS Group, ce qui a permis d’acquérir 18 systèmes de détection/neutralisation et une trentaine de fusils brouilleurs Nerod. L’armée de l’Air & de l’Espace a par ailleurs développé le système BASSALT, avec l’entreprise Hologarde tandis que la Section technique de l’armée de Terre [STAT] planche sur l’ARLAD [adaptation réactive de lutte anti-drone]. Enfin, il est aussi question du système PARADE [protection déployable modulaire anti-drones], pour lequel une enveloppe de 350 millions d’euros doit être débloquée.

Cependant, souligne Bruno Sido, il « faut dire que la lutte anti-drones est un sujet particulièrement complexe et évolutif » car « elle met en oeuvre de nombreuses solutions technologiques dont aucune, prise individuellement, n’est complétement satisfaisante, tant pour la détection que pour la neutralisation ».

Se protéger des coups est une chose… Mais pouvoir en donner en est une autre. Aussi, le rapport préconise « d’envisager de doter nos forces armées d’une capacité nouvelle de drones « bon marché » et « consommables », c’est à dire « potentiellement ‘sacrifiables’ sur le champ de bataille ».

« Aussi bien les conflits récents que les développements technologiques envisagés par nos partenaires montrent qu’il s’agit d’une capacité d’avenir à ne pas négliger si nous souhaitons que nos armées puissent tenir leurs rangs dans les guerres futures », a expliqué le sénateur Cédric Perrin, l’un des co-auteurs du rapport. Et d’ajouter : « C’est une nécessité pour se préparer aux conflits de haute intensité dans lesquels la suprématie aérienne qui aujourd’hui nous est acquise deviendra une exception ».

Ces drones « sacrifiables » pourraient donc être « utilisés, à la place ou en compléments des moyens aériens classiques pour pénétrer les défenses aériennes de plus en plus robustes », a développé M. Perrin.

« À cet effet, nous pourrions envisager d’acquérir : des micro-drones simples destinés à servir de leurre ou à mener des attaques saturantes, des micro-drones armés [non autonomes], des drones d’attaque eu plus gros [de type mini-drones] capables d’emporter une charge d’explosifs, comme les munitions télé-opérées, qui sont à la frontière des drones et des missiles », a détaillé le sénateur.

À noter que le général Éric Vidaud, le commandant des opérations spéciales [COS] a déjà fait part de son intérêt pour les « munitions télé-opérées » lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale.

Selon M. Perrin, la Base industrielle et technologique de défense [BITD] a la « capacité de produire de tels systèmes, même si pour l’instant elle ne le fait pas, en l’absence de demande ». Reste donc à trouver les budgets pour en commander…

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