La Marine nationale craint une réduction de sa flotte de Rafale M à l’horizon 2030/35

Il y a maintenant vingt ans, la Flotille 12F commençait à recevoir les dix premiers Rafale M au standard F1 destinés à la Marine nationale, lesquels ne disposaient alors que de capacités « air-air ». Quant à l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE], elle mit en service ses premiers exemplaires en 2006, au sein de l’Escadron de chasse 1/7 Provence [alors basé à Saint-Dizier, ndlr]. Mais ces derniers étaient au standard F2, c’est à dire qu’ils avaient à la fois des capacités « air-air » et « air-sol ».

Ayant également reçu des Rafale M F2, la Marine nationale décida de mettre sous cocon les dix premiers avions au standard F1 qui lui avaient été livrés quelques années plus tôt. L’idée était alors de disposer d’une flotte homogène et de « rétrofiter » ces appareils directement au standard F3 qui n’allait alors pas tarder à être opérationnel.

Une telle opération supposait d’apporter plus de 2’200 modifications au Rafale M F1 afin de pouvoir ensuite lui installer les équipements du standard F3. Les appareils ainsi modifiés furent par la suite livrés à la Flottille 17F, qui put alors abandonner ses Super Étendard Modernisés [SEM]. Le dernier exemplaire fut réceptionné en 2017, de même que le Rafale M46, lequel est donc le plus récent actuellement mis en oeuvre par la chasse embarquée.

Normalement, au terme de la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25, la Marine nationale devrait disposer de 42 Rafale M, tous portés au dernier standard [F3R, récemment déclaré pleinement opérationnel], pour équiper les flottilles 11F, 12F et 17F à raison de 12 exemplaires chacune. Trois appareils sont affectés à Saint-Dizier et trois autres sont en réserve pour les périodes de maintenance. À noter que la cellule prévue pour le Rafale M47 a été récupérée par la Direction générale de l’armement [DGA] à des fins de tests.

Seulement, et par rapport à celle de l’AAE, qui va bénéfier de nouveaux avions pour compenser la vente d’appareils d’occasion à des États tiers, la flotte « Rafale » de la Marine nationale est plus ancienne. Et l’écart ne pourra aller qu’en grandissant dans les années à venir étant donné que l’Aéronautique navale ne recevra pas d’avions neufs.

Dans un entretien donné à La Tribune, l’amiral Pierre Vandier, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], a indiqué que ce sujet fait actuellement l’objet de discussions avec l’État-major des armées [EMA].

« La Marine est effectivement la première à avoir eu à disposition des avions Rafale, elle sera logiquement la première à les perdre par l’usure du temps », a relevé l’amiral Vandier. D’autant plus que les contraintes physiques subies par les avions embarqués font qu’ils ont généralement tendance à « s’user » plus vite. D’où, d’ailleurs, les tests de la DGA avec la cellule du M47.

« La Marine garde ses avions depuis le début de leur mise en service et n’a pas eu d’avions neufs. Toutes la mise à niveau de notre flotte de Rafale s’effectue par retrofit », a ensuite rappelé le CEMM. Ce qui fait qu’il « y aura des effets de ciseau » à l’horizon 2030/35. En effet, a-t-il continué, la « conjonction des retrofit et la disparition des avions les plus anciens peuvent aboutir à un problème de format, qui est de 42 appareils ».

En outre, a fait observer l’amiral Vandier, « l’âge moyen de la flotte de l’armée de l’Air est en train de diverger avec notre flotte. Nous allons avoir beaucoup de vieux avions par rapport à ceux de l’armée de l’Air. Pour rester dans la course des standards, nous devons donc retrofiter plus d’appareils ».

Effectivement, l’AAE recevra des Rafale au dernier standard alors que la Marine nationale aura à moderniser les siens… La solution pourrait passer par une commande de Rafale M neufs. En tout cas, la question peut se poser.

« Nous sommes en train, avec l’armée de l’Air, de voir quelles sont les conséquences de l’export du Rafale en Croatie afin de rebâtir un plan à cinq/sept ans pour savoir ce dont la Marine a besoin. Post-LPM, en 25/30, la question se posera mais le format ne changera pas », expliqué l’amiral Vandier, qui, au passage, n’a pas évoqué le sujet – majeur – du SCAF [Système de combat aérien du futur].

Pourtant, lors du débat particulièrement animé concernat l’ajustement de la LPM, la semaine passée, au Sénat, la ministre des Armées, Florence Parly, a assuré que les 12 Rafale d’occasion commandés par la Croatie « seront compensés à notre armée de l’Air et de l’Espace ». Sans doute qu’une discussion au Parlement sur l’actualisation de la LPM, comme le prévoyait d’ailleurs l’article 7 de cette dernière, aurait permis d’y voir plus clair…

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