Des indices suggèrent que la Chine augmente significativement la taille de son arsenal nucléaire

En décembre 2016, et alors que Donald Trump n’avait pas encore été investi président des États-Unis, le « Global Times », journal affilié au Parti communiste chinois, avait estimé que Pékin devait accroître sensiblement son arsenal nucléaire et accélérer la mise en sercice du nouveau missile intercontinental DF-41 afin de protéger ses intérêts dans le cas où la Chine serait acculée par les États-Unis « d’une manière inacceptable ».

Ce quotidien a depuis réaffirmé cette position à plusieurs reprises. Comme en mai 2020. Ainsi, sous la plume de son rédacteur en chef, Hu Xijin, il avait en effet avancé que la Chine devait disposer jusqu’à 1’000 têtes nucléaires afin de « dissuader les États-Unis de poursuivre leurs ambitions stratégiques à l’étranger ». Un point de vue qu’il a réaffirmé un an plus tard. « Le nombre d’ogives nucléaires » de l’Armée populaire de libération [APL] « doit atteindre la quantité qui fait frissonner les élites américaines si elles envisagent de s’engager dans une confrontation militaire avec la Chine », a-t-il écrit, le 27 mai dernier.

Et c’est exactement ce qu’est en train de réaliser Pékin. Ainsi, dans un rapport publié en septembre 2020 [.pdf], le Pentagone a ainsi indiqué que la Chine entendait doubler son arsenal nucléaire d’ici dix ans. D’où, d’ailleurs, la volonté de l’administration Trump d’inclure Pékin dans les discussions portant sur la prolongation du traité de désarmement nucléaire New Start.

Puis, en juin dernier, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm [Sipri] a évalué la taille de l’arsenal nucléaire chinois à 320 armes nucléaires. Soit une hausse de +20% en deux ans.

En matière d’armement nucléaire, les intentions chinoises sont difficiles à déchiffrer. En juillet 1963, Pékin avait proposé de proclamer « l’interdiction et la destruction complètes, radicales, totales et résolues des armes nucléaires ». Un an plus tard, la Chine réalisait son premier essai nucléaire, dans le cadre d’un programme lancé en 1953, avec l’appui de l’Union soviétique [appui qui prit fin en 1959, ndlr].

Au début des années 2010, sa doctrine nucléaire affirmant qu’elle n’aurait pas recours à sa force de frappe en premier, la Chine avait de nouveau assuré qu’elle ne se lancerait pas dans une course aux armements tout en se réservant cepandant le droit de moderniser son arsenal. À l’époque, la presse chinoise fit état de la construction d’un réseau de souterrains visant à protéger ses armes stratégiques afin de pouvoir être en mesure de riposter.

« Ce réseau de tunnels, qui pourrait dépasser 5’000 km de long, sert à transporter des armes et des forces nucléaires. […] Au moment où nous nous efforçons de rendre notre armement nucléaire plus transparent, la Chine construit ce système souterrain afin de rendre son arsenal nucléaire encore plus opaque », avait dénoncé Mike Turner, alors président du sous-comité des forces stratégiques américaines à la Chambre des représentants.

En février, et selon l’imagerie satellitaire, la Federation of American Scientists [FAS] a fait état de la construction d’au moins 16 nouveaux silos de lancement de missiles sur la base militaire de Jilantai [Mongolie intérieure]. Et, au regard de leurs dimensions, ils pourraient accueillir des missiles balistiques intercontinentaux DF-41 et DF-31AG [dont la portée serait de 14’000 km]. Jusqu’à présent, la composante sol-sol de la dissuasion chinoise reposait sur le missile DF-5 et ses variantes…

Mais la base de Jilantai n’est pas la seule à être en chantier. Ainsi, selon, encore une fois, l’imagerie satellitaire, la Chine serait en train de construire 119 silos de missiles près de Yumen dans la province de Gansu. C’est, en tout cas, ce qui ressort de l’analyse faite par le James Martin Center for Nonproliferation Studies du Middlebury Institute of International Studies.

« Nous pensons que la Chine développe ses forces nucléaires en partie pour maintenir une dissuasion qui puisse survivre à une première frappe américaine, et pour vaincre la défense antimissile des États-Unis. Cependant, nous ne savons pas réellement si la Chine a l’intention de remplir tous les silos de missiles nucléaires », a analysé Jeffrey Lewis, du Center for Nonproliferation Studies, dans les colonnes du Washington Post.

Pour le quotidien américain, « l’acquisition de plus de 100 nouveaux silos de missiles […] représenterait un changement historique pour la Chine, un pays qui possèderait un stock relativement modeste de 250 à 350 armes nucléaires. » Et d’ajouter : « Le nombre réel de nouveaux missiles destinés à ces silos est inconnu mais pourrait être beaucoup plus petit. La Chine a construit des silos factices par le passé ».

Par ailleurs, la finalité de deux réacteurs nucléaires appelés « China Fast Reactor 600, actuellement en cours de construction sur l’île de Changbiao [province du Fujian] interroge étant donné qu’ils sont censés rejeter d’importantes quantités de plutonium. De quoi permettre à la Chine de disposer d’environ 1’300 têtes nucléaires d’ici 2030, estime un rapport du Nonproliferation Policy Education Center [NPEC], récemment publié [.pdf].

Quoi qu’il en soit, la multiplication des sites de lancement de missiles balistiques à capacité nucléaire ainsi que, avec le Type 096, l’expansion de la flotte chinoise de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] préoccupent les États-Unis. Ces « informations […] suggèrent que l’arsenal de la Chine va s’accroître plus vite et à un niveau plus élevé, que ce qui était attendu auparavant », a commenté Ned Price, le porte-parole de la diplomatie américaine. « Cela soulève des questions sur les intentions de la Chine et, pour nous, cela confirme l’importance de maintenir des mesures concrètes pour réduire les risques nucléaires », a-t-il ajouté, estimant que ces éléments « mettent en lumière le fait que Pékin semble se détourner de décennies d’une stratégie nucléaire fondée sur la dissuasion minimale. »

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