Un député suggère de développer « rapidement » un Rafale dédié à la guerre électronique

Au regard de l’évolution du contexte international et de la conflictualité, les états-majors évoquent désormais régulièrement le scénario d’un éventuel « engagement de haute intensité » contre un adversaire aux capacités équivalentes [voire supérieure?]. Ce qui pose la question de la liberté d’action dans des environnements contestés et des moyens nécessaires pour contrer les stratégies de d’interdiction et de déni d’accès [A2/AD].

La capacité à entrer en premier sur un théâtre a toujours été l’une des priorités des forces françaises. Seulement, aucun programme spécifique visant à les doter de moyens de suppression des défenses aériennes [SEAD – Suppression of Enemy Air Defenses] n’a été lancé depuis le retrait des missiles anti-radar AS-37 Martel à la fin des années 1990.

À l’époque, et avec la fin de la Guerre Froide, il était considéré que l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] n’aurait plus besoin d’une telle capacité dans la mesure où les probables futurs engagements des forces françaises se feraient dans des environnements dits « permissifs », c’est à dire sans véritable opposition aérienne.

Or, cela n’a pas toujours été le cas, comme l’a montré l’opération Harmattan, conduite en Libye, en 2011. En effet, les troupes du colonel Kadhafi diposaient de capacités de défense aérienne qui, même si elles étaient anciennes, auraient pu causer des pertes aux forces aériennes françaises [AAE et aéronautique navale, ndlr], comme en a témoigné le capitaine de frégate Jean-Marc Molina, alors pilote d’avion de patrouille maritime Atlantique 2 à l’époque.

Doté de la suite de guerre électronique SPECTRA [Système de protection et d’évitement des conduites de tir du Rafale], un Rafale est en mesure de voler à très basse altitude pour échapper aux radars adverses, dont il peut connaître l’OdBE [ordre de bataille électronique] grâce au renseignement d’origine électro-magnétique [ROEM] obtenu par d’autres capteurs. Et éventuellement utiliser de l’Armement Air Sol Modulaire [AASM], comme cela fut le cas contre les batteries SA-3 et SA-8 des forces gouvernementales libyennes lors de l’opération Harmattan. Mais cela suppose une prise de risque que peu sont prêts à accepter…

Quoi qu’il en soit, étant donné la prolifération des capacités A2/AD, qui, par ailleurs, évoluent sans cesse, la question de doter l’aviation de combat française de nouveaux moyens SEAD se pose.

La Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 l’a d’ailleurs brièvement évoquée, en parlant de « faire un effort particulier au profit des capacités permettant de susciter un effet d’entraînement au profit de nos partenaires ». Et, dans un document de prospective publié en 2019, AAE a affirmé son ambition de « disposer le plus rapidement possible d’armements capables de neutraliser les défenses aériennes ennemies », via notamment des munitions de longue portée pouvant évoluer en essaim. Mais pas seulement.

« Parallèlement, il faut développer les capacités de détection de ces cibles à très grande distance, déterminer leur position précise, pouvoir les suivre lorsqu’elles sont mobiles, puis les atteindre
alors qu’elles sont en mouvement, de jour comme de nuit, y compris par mauvais temps », a expliqué l’AAE.

Alors que, en novembre 2018, et pour les besoins de la Royal Air Force [et éventuellement ceux de la Luftwaffe], Airbus Defence & Space avait présenté une version SEAD de l’Eurofighter Typhoon reposant sur l’intégration du missile air-sol SPEAR EW de MBDA, doté d’une charge de guerre électronique pour brouiller les systèmes de détection ennemi, l’idée d’en faire de même avec le Rafale se fait jour.

Du moins, elle a été suggérée par le député Jean-Christophe Lagarde [UDI] dans une question écrite adressée au ministère des Armées et dont le texte a été publié par le Journal Officiel de ce jour.

S’il « reste un domaine où le [Rafale] n’est pas bien armée et où l’armée de l’Air et de l’Espace ne l’est pas davantage, c’est celui de la guerre électronique et de la suppression des défenses anti-aériennes adverses », commence par rappeler le député.

« Certes, le Rafale dispose d’une certaine furtivité et d’un système d’autoprotection ‘SPECTRA’ réputé performant contre les radars et les missiles adverses, mais il ne dispose pas, à proprement parler, de la capacité à neutraliser les défenses anti-aériennes avancées ennemies en brouillant leurs radars de recherche et de tir et en les éliminant à l’aide de munitions antiradiations comme peuvent le faire certains appareils [le EA-18G Growler américain que les Allemands vont acheter pour remplacer leurs Tornado] », poursuit M. Lagarde.

« Aussi, face à l’accélération du réarmement mondial et à la montée du risque de conflits de haute intensité », le député a donc demandé à la ministre des Armées, Florence Parly, « si le gouvernement envisage de demander à Dassault Aviation de développer rapidement un Rafale de guerre électronique dont l’armée de l’Air et de l’Espace a besoin et qui pourrait, certainement, constituer une réussite à l’export ». Reste maintenant à attendre la réponse du ministère des Armées…

Photo : Missile SPEAR EW © MBDA

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