Le Sénat a voté contre la déclaration du gouvernement sur l’ajustement de la Loi de programmation militaire

Si l’on s’en était tenu aux dispositions prévues dans son article 7, la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 aurait dû faire l’objet d’une « réactualisation » d’ici la fin 2021 afin de préciser les dernières annuités de sa trajectoire financière « en prenant en compte la situation macroéconomique », l’objectif étant de porter le montant du budget des Armées à 2% du PIB en 2025.

Seulement, les conséquences économiques de la crise sanitaire provoquée par la covid-19 ont brouillé les cartes. L’objectif des 2% du PIB est en effet d’ores et déjà atteint [la richesse nationale ayant chuté de 8% en 2020…] sans que la remontée en puissance des armées ne soit achevée. Et cela, alors que les menaces se sont accentuées, comme l’a relevé la Revue stratégie actualisée, publiée en janvier dernier.

Aussi, faute de visibilité sur ce que sera la « situation macroéconomique » en 2024 et 2025, le gouvernement a estimé qu’une actualisation de la LPM ne s’imposait pas. En revanche, il est question d’y apporter des ajustements devant se décliner selon trois axes, à savoir « Mieux détecter et contrer », « Mieux se protéger » et « Mieux se préparer ».

En vertu de l’article 50-1 de la Constitution, et donc sans engager la responsabilité du gouvernement, le Premier ministre, Jean Castex, a donc soumis au vote du Parlement une déclaration pour confirmer cet ajustement et passer outre les dispositions de l’article 7 de la LPM.

À l’issue d’un débat qui s’est tenu le 22 juin, l’Assemblée nationale a largement voté en faveur de la déclaration défendue par M. Castex et la ministre des Armées, Florence Parly, avec 345 voix « pour » et seulement 52 voix « contre ».

Si les discussions dans l’Hémicycle ont pu donner lieu à quelques échanges à fleurets mouchetés, l’ambiance aura été beaucoup plus électrique au Sénat, où Mme Parly était attendue de pied ferme, en particulier par les membres de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, lesquelles ont vivement critiqué l’approche du gouvernement.

« Le Gouvernement nous propose aujourd’hui un débat de quelques heures sur le sujet. C’est très insuffisant, et cela ne peut être que le point de départ pour une discussion plus approfondie avec le Parlement, compte tenu de l’importance des sommes en jeu et du fait qu’il en va de la sécurité des Français », avait estimé son président Christian Cambon [LR], après la publication d’un rapport évaluant à 8,6 milliards d’euros les surcoûts non prévus par la LPM.

« Cette méthode qui consiste à tenir le Parlement à l’écart est inacceptable, et incompréhensible vu le soutien que le Sénat avait apporté à la LPM en 2018 », avait renchéri le sénateur Jean-Marc Todeschini.

Cependant, Mme Parly a contesté les conclusions du rapport de la commission.

« J’entends beaucoup de discours qui me semblent relever du mythe, à moins que ce ne soit un test sur nos capacités de lutte contre la désinformation! », a-t-elle lancé. « Vous vous êtes référés au rapport d’information de la commission des affaires étrangères et de la défense. Il demeure introuvable à l’exception de quelques pages de synthèse disponibles en ligne, et je n’ai pas eu la chance d’en être destinataire. Je regrette la focalisation sur les 5 % du verre vide quand il est à 95 % plein », a-t-elle poursuivi.

« La synthèse parle de 8,6 milliards d’euros de surcoûts. ‘Ces montants ne représentent en aucun cas un surcoût net sur l’enveloppe de la LPM’, lit-on cependant à sa cinquième page. Nous voilà rassurés ! Et pour cause, puisque je vous le dis clairement : il n’y a pas 8,6 milliards d’euros de surcoûts », a encore insisté Parly, dont l’intervention aura été rythmée par de vives protestations émises par les sénateurs, notamment ceux du groupe « Les Républicains ».

Par ailleurs, a continué la ministre, il « semble que [le] rapport de [la] commission fasse plutôt référence à des décalages. » Or, a-t-elle dit, ils « sont totalement assumés ». Et de relever d’autres « erreurs », comme par exemple le « surcoût du programme de frégate d’intervention », lequel « n’existe pas » car « bous avons seulement anticipé d’une année la commande de la troisième frégate, prévue un an avant la fin de la LPM, afin d’assurer la continuité du plan de charge de Naval Group de Lorient. »

« Ce que nous dénonçons ce ne sont pas ces ajustements […] c’est le manque de transparence », a fait valoir Cédric Perrin [LR]. « S’il y a des dépenses supplémentaires, il faut discuter de manière lucide et en toute transparence des économies ou sacrifices à réaliser par ailleurs », a-t-il ajouté. « Bien sûr, oui, les circonstances ont changé, mais dans un sens défavorable […] C’est précisément pour cela qu’il fallait une loi! », a insisté M. Cambon, rappelant que le Sénat avait largement soutenu la LPM 2019-25.

Quoi qu’il en soit, le Sénat a refusé, à large majorité [236 voix « contre », 46 voix « pour »] de soutenir la déclaration du gouvernement. Dans le détails, les sénateurs LR, PS et CRCE s’y sont opposés, le texte ayant été soutenu par les groupe RDPI à majorité En Marche et RDSE à majorité radicale. À noter que M. Cambon s’est abstenu.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]