Char du futur : « Nous sommes soumis à des impératifs industriels de notre partenaire allemand », explique le général Lecointre

Ces derniers mois, le Système de combat aérien du futur [SCAF] a monopolisé l’attention en raison des tensions entre les industriels des trois pays concernés [France, Allemagne et Espagne] et des réserves allemandes au sujet du partage industriel et des questions de propriétés intellectuelles.

Aussi, l’autre projet franco-allemand, pourtant lancé au même moment, le MGCS [Main Groud Combat System], est passé au second plan alors qu’il connaît des turbulences assez similaires. Et cela au point que son financement n’a pas été inscrit à l’ordre du jour de l’ultime séance de la commission des Finances du Bundestag avant les élections fédérales de septembre prochain.

Pour le moment, le MGCS en est à la phase d’étude de définition de l’architecture du système [SADS Part 1], laquelle a fait l’objet d’un contrat notifié en mai 2020 à un groupement formé par Nexter et Krauss-Maffei Wegmann [réunis au sein du holding KDNS, ndlr] ainsi que par Rheinmetall. Afin de respecter la stricte égalité entre industriels français et allemands, le programme a été divisé en neuf lots, attribués à parts égales entre les trois industriels.

Le mois dernier, la ministre des Armées, Florence Parly, a admis dans les colonnes de La Tribune que ce projet ne « progressait pas pour le moment au rythme souhaité par tous ». Et d’ajouter : « Rheinmetall a vis-à-vis de ses deux partenaires industriels Nexter et KMW des exigences en contradiction avec les conditions » qui avaient été initialement posées.

L’un des points de blocage se situe au niveau de l’armement de ce char franco-allemand, Rheinmetall souhaitant imposer une tourelle dotée d’un canon de 130 mm/L51 associé à un « chargeur automatique de pointe » alors que Nexter propose le concept innovant « Ascalon » [Autoloaded and SCALable Outperforming guN], lequel repose sur un canon utilisant des munitions télescopées, stockées et intégrées dans une tourelle à charement automatique.

Mais tel n’est pas le seul point de désaccord. En effet, l’Allemagne, qui assure la direction du programme, souhaiterait intégrer d’autres partenaires. À commencer par le Royaume-Uni… Et il est question d’organiser une « conférence », en septembre, avec plusieurs pays afin de créer une « vague d’initiative ». Or, la France s’y oppose, comme l’a rappelé le général François Lecointre, lors de sa dernière audition au Sénat en tant que chef d’état-major des armées [CEMA].

« Nous cherchons actuellement à éviter une coopération étendue tous azimuts à des partenaires notamment tchèques, polonais ou autres, avant d’avoir réussi à bien construire le partenariat franco-allemand », a ainsi déclaré le général Lecointre, qui a également pointé la responsabilité des industriels allemands dans le blocage actuel.

« Sur le successeur du Leclerc, le MGCS, nous n’avons pas fait de grand pas en avant car nous sommes soumis à des impératifs industriels de notre partenaire allemand », a-t-il en effet affirmé. Pour autant, et alors que l’armée de Terre recevra ses premiers chars Leclerc rénovés en 2022, le général Lecointre se veut raisonnablement optimiste.

« Malgré tout, il devrait y avoir un déblocage de cette situation car, à partir des années 2030-2035, toute la communauté Leopard va devoir remplacer ses propres engins. Dès lors, nos partenaires allemands devront faire l’effort de débloquer la situation et de lancer un vrai successeur au Leopard et au Leclerc », a-t-il expliqué aux sénateurs. Et de préciser que « nous apportons aux Allemands une compétence qu’ils n’ont pas, qui est celle de la numérisation de l’espace de bataille ». Un domaine dans lequel « la France a une avance tant technique et technologique que conceptuelle », a-t-il souligné.

Justement, pour le CEMA, cette numérisation de l’espace de bataille est sans doute l’élément le plus important du MGCS.

« Sur le char du futur, qu’est-ce qui apportera la supériorité opérationnelle principale? La qualité du canon, du guidage du tir, la mobilité, la qualité de protection, la numérisation qui permettra de relier l’ensemble des plateformes pour produire des effets de combat? Je n’en sais rien », a-t-il commencé par dire. En revanche, a-t-il continué, « j’ai travaillé dans les bureaux qui s’en préoccupent dans les états-majors. Ils fixent les priorités, comme actuellement la capacité à travailler en liaison permanente entre plates-formes et à faire du combat distribué. »

Aussi, a poursuivi le CEMA, « nous veillons donc à avoir un progrès technologique différencié. De ce point de vue, les Français sont leaders en Europe. Nous avons une intelligence de compréhension de nos systèmes d’armes – qui deviennent de plus en plus des systèmes de systèmes – qui est assez unique en Europe. »

Pour rappel, l’armée de Terre et la Direction générale de l’armement [DGA] planchent actuellement sur programme Titan, lequel reposera notamment sur un « cloud de combat » devant améliorer la connectivité des systèmes terrestres. Il y est aussi question de nouveaux types d’armements [à énergie dirigée, à haute vélocité], d’intelligence artificielle [exploitation des données, aide à la décision] et de systèmes robotisés, que ce soit pour appuyer les combattants et/ou renforcer l’effet de masse.

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