À son tour, la Cour des comptes allemande émet des réserves au sujet du Système de combat aérien du futur

En janvier 2020, alors que la phase 1A du Système de combat aérien du futur [SCAF] tardait à être lancée, dans l’attente du feu vert que devait alors donner la commission des Finances du Bundestag [chambre basse du Parlement allemand], les généraux Philippe Lavigne, Ingo Gerhartz et Javier Salto Martinez-Avial, respectivement chefs d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE], de la Luftwaffe et de l’Ejército del aire, signèrent une tribune pour afficher leur soutien à ce programme d’armement.

Les arguments développés par ces trois généraux ont-il influencé les députés allemands? Rien n’est moins sûr… En tout cas, ils finirent par donné leur accord à la poursuite du projet SCAF… mais en y mettant des conditions, certains considétant qu’il donnait une part trop belle aux industriels français aux dépens de ceux d’outre-Rhin.

Plus d’un an après, la situation est identique, à la différence qu’il s’agit désormais de lancer la phase 1B du programme, laquelle ouvre la voie à la mise au point d’un démonstrateur, et que les sommes en jeu sont autrement plus conséquente… puisqu’il est question d’environ 4 milliards d’euros. Après des négociations difficiles entre les industriels impliqués et un coup de pression mis par Berlin, le Bundestag doit cependant donner à nouveau son feu vert le 23 juin prochain.

Et comme pour la fois précédente, les généraux Lavigne, Gerhartz et Martinez-Laval ont de nouveau montré leur attachement au SCAF en recontrant, ensemble, les trois principaux partenaires industriels du programme, à savoir Dassault Aviation, Indra et Airbus.

« Les dernières informations sur les études conceptuelles leur ont été présentées par Airbus SAU à Madrid [Espagne], puis par Airbus GmbH à Manching [Allemagne], et enfin par Dassault Aviation à Saint-Cloud ». L’équipe internationale étatique de la CPT [Combined Project Team] basée à Arcueil leur a également exposé les progrès enregistrés récemment sur le projet », relate le ministère des Armées, via un communiqué publié le 18 juin. Et d’ajouter : « Cette rencontre leur aura permis de partager leurs avis opérationnels sur le projet Next Generation Weapon System [NGWS] au regard de ses avancées au sein du SCAF. »

La même source avance également que les trois généraux « ont réaffirmé l’importance à leurs yeux du travail réalisé en équipe par les représentants opérationnels et techniques des trois nations, afin de représenter les positions et intérêts nationaux dans le projet ». En outre, soulignant que le développement de démonstrateurs est une « étape capitale dans l’élaboration d’un système de systèmes opérationnellement supérieur et interopérable », ils ont dit souhaiter « déjà voir le projet entrer dans une nouvelle phase, pour mesurer les résultats des premières démonstrations concrètes » tout en réaffirmant « leur ardent soutien à ce projet majeur afin d’en faire une success-story européenne ».

Un tel message s’adresse essentiellement aux députés allemands… Et, pour lever les réticences certains pourraient nourrir à l’endroit de ce projet, notamment au regard de son coût, le général Gerhartz s’est dit partisan de l’ouvrir, « en temps voulu », à d’autres pays, comme le Royaume-Uni et l’Italie, impliqués de leur côté dans le programme Tempest, qui se veut un concurrent du SCAF.

Ce soutien réaffirmé par les trois généraux sera-t-il suffisant pour convaincre la commission des Finances du Bundestag, à qui revient le dernier mot? Rien n’est moins sûr… d’autant plus que, récemment, deux notes internes émanant du ministère allemand de la Défense ont émis de sérieuses réserves sur le SCAF.

Ainsi, l’Office fédéral des équipements, des technologies de l’information et du soutien en service de la Bundeswehr [BAAINBw], a fait valoir que les « structures et les règles » du programme ne vont pas dans le sens des « intérêts » de l’Allemagne et qu’elles « satisfont presque exclusivement les positions françaises ». Quant à la second note, évoquée par Der Spiegel, elle estime que un « fort positionnement français » signifierait que l’objectif de « développer un avion de chasse de sixième génération serait manqué » et que le projet se résumerait à une « approche Rafale Plus avec des fonds budgétaires allemands et espagnols. »

Une troisième note a récemment été adressée aux députés allemands. Et, cette fois, c’est la Cour fédérale des comptes [Bundesrechnungshof] qui a émis des réserves au sujet du SCAF. À commencer par le fait qu’il est demandé aux parlementaires de débloquer une somme conséquente [4,45 milliards d’euros] sans qu’un accord final ne puisse leur être présenté [seul un accord de « principe » a été obtenu en mai par les trois pays, ndlr]… Et cela, alors que la participation allemande au projet n’est pas financée à l’heure actuelle [comme 11 autres programmes d’armement conduits par le ministère allemand de la Défense…]

En outre, la Cour fédérale des comptes critique également les restrictions concernant l’usage des résultats des recherches menées dans le cadre du SCAF, ces derniers ne pouvant être utilisés en dehors du  programme qu’avec l’accord des industriels et des pays partenaires.

Enfin, les contrôleurs financiers allemands sont réservés sur le développement d’un second démonstrateur [pour tester la furtivité au sol, ndlr] en Allemagne et recommandent de réaliser une analyse de sa viabilité économique.

Quoi qu’il en soit, la Cour reconnaît « l’importance politique » du programme et laisse aux députés allemands le soin de voter en conscience.

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