Airbus et Boeing de nouveau en compétition pour livrer des avions ravitailleurs à l’US Air Force?

Au début des années 2000, le Pentagone lança un appel d’offres afin de remplacer les avions ravitailleurs KC-135 Stratotanker et KC-10 Extender de l’US Air Force. Attribué à Boeing, qui avait alors proposé le KC-767, le marché fut dans un premier temps suspendu àa la suite de soupçons de corruption, avant d’être annulé en 2006.

Une nouvelle procédure fut donc mise en route pour l’achat de 179 avions ravitailleurs. Et ce fut Airbus [EADS à l’époque] qui, associé à Northrop Grumman, remporta la mise avec le KC-45, une version de son A330 MRTT « Phénix ». Seulement, Boeing ne s’avoua pas pour autant vaincu. Contestant ce choix sur le terrain judiciaire, le constructeur américain obtint gain de cause grâce [ou à cause] d’un « vice de procédure ».

Et, à l’issue d’un troisième appel d’offres, marqué par maints rebondissements, Boeing fut déclaré vainqueur avec le K-46A « Pegasus », un avion qui, bien que dérivé du B-767, n’existait alors que sur la planche à dessin. Pour s’imposer, l’industriel avait alors consenti un généreux rabais…

Dans le détail, une première commande – à prix fixe – de 3,5 milliards de dollars fut donc notifiée à Boeing pour la livraison de 18 avions ravitailleurs KC-46A Pegasus d’ici à 2017. Puis une seconde devait suivre, l’US Air Force devant compter 179 appareils de ce type à l’issue de la première tranche de ce marché.

Seulement, le développement du KC-46A ne se passa pas comme prévu, alors que l’on pouvait penser qu’elle allait être sans histoire. En effet, Boeing dut faire face à une succession de problèmes techniques [système de distribution du carburant défectueux, câblage électrique pas aux normes, etc], ce qui l’obligea à provisionner près de 5 milliards de dollars dans ses comptes pour y faire face. Et le premier avion fut livré en janvier 2019.

Pour autant, Boeing connut d’autres difficultés par la suite. Lors des essais préliminaires, des « débris » et des « corps étrangers » furent découverts dans certains compartiments des avions que l’US Air Force venait de recevoir. Ce qui donna lieu à une suspension des livraisons. Puis neuf problèmes « critiques » furent identifiés sur le KC-46A, dont un concernant le « Remote Vision System » [RVS], c’est à dire le système de caméra permettant de contrôler le transfert de carburant.

En mars 2020, le chef d’état-major de l’US Air Force, qui était alors le général David Goldfein, expliqua que, sauf absolue nécessité, il n’était pas question d’engager des KC-46A dans des opérations de guerre tant que ces défauts ne seraient pas corrigés.

Un an plus tard, l’US Transportation Command [US TRANSCOM], le commandement chargé d’assurer la projection des forces américaines, tira la sonnette d’alarme. Les retards du KC-46A pour devenir pleinement opérationnel et remplacer les KC-135 etKC-10 « mettent en péril la capacité des États-Unis à exécuter efficacement les opérations quotidiennes et les plans de guerre », avait-il en effet déploré, en février dernier.

Depuis, les travaux ont progressé, la pleine capacité opérationnelle de l’appareil étant maintenant attendue pour 2023. En outre, l’US Air Force envisage d’installer à bord de ses KC-46A l’Advanced Battle Management System [ABMS], une sorte de nacelle permettant l’échange d’informations entre les systèmes de communication IDFL [Intra-Flight Data Link] du F-22A Raptor et Multi-Function Advanced Datalink system [MADL] du F-35, l’un et l’autre étant… incompatibles.

Quoi qu’il en soit, et comme la commande de 179 avions ravitailleurs passée en 2011 auprès de Boeing est insuffisante pour remplacer la totalité des KC-135 et des KC-10, il est prévu de notifier d’autres contrats.

On aurait pu penser que, logiquement, Boeing allait les obtenir sans problème. Mais ce ne sera pas le cas. En effet, le 16 juin, l’US Air Force a publié un avis de marché concernant l’acquisition de 140 à 160 avions ravitailleurs supplémentaires, dans le cadre du programme KC-Y.

Selon ses spécifications, l’industriel retenu à l’issue de cette procédure – qui prévoit un appel d’offres susceptible d’être lancé en 2022 – devra être en mesure de livrer entre 12 à 15 appareils par an. Et ne seront acceptés à y participer que les avions-ravitailleurs qui ne sont pas en cours de développement.

En clair, tout laisse à penser que Boeing et Airbus vont de nouveau s’affronter pour fournir aux forces américaines les avions ravitailleurs dont elles ont besoin. Mais les circonstances ne seront plus exactement les mêmes qu’il y a dix ans.

Conformément aux promesses faites à l’époque, le constructeur européen a inauguré une usine à Mobile [Alabama], où il y assemble des A320 et des A220. Et il s’est associé à Lockheed-Martin pour proposer au Pentagone une solution basée sur l’A330 MRTT afin de « remédier aux déficits capacitaires identifiés et de satisfaire aux exigences des ravitailleurs de nouvelle génération, capables d’opérer dans les environnements complexes des futurs théâtres d’opérations. »

Pour la suite, l’US Air Force prévoit de lancer le programme KC-Z, qui vise à mettre au point un avion ravitailleur de nouvelle génération. Des études allant dans ce sens devraient commencer l’an prochain.

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