Otan : La clause de défense collective pourra être activée en cas de menaces hybrides et d’attaques dans l’espace

Comme cela avait été le cas pour le cyberespace, en 2016, l’espace est désormais considéré par l’Otan comme étant un domaine opérationnel à part entière, au même titre que les milieux terrestres, navals et aériens.

Cette décision avait été motivée par « l’arsenalisation » de l’espace [et non pas par la militarisation, qui a commencé dès les débuts de conquête spatiale, ndlr], avec le développement d’armes anti-satellites [laser, missiles, cyberattaques, objets manoeuvrants, etc]

« Notre approche restera défensive et pleinement conforme au droit international. L’Otan n’a pas l’intention de placer des armes dans l’espace. Mais nous devons nous assurer que nos missions et opérations bénéficient du soutien approprié », avait alors expliqué Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, en novembre 2019.

Le sommet de l’organisation qui vient de se tenir à Bruxelles [14 juin] a de nouveau souligné « l’importance croissante » de l’espace pour « la sécurité et la prospérité » des Alliés, ainsi que pour la « dissuasion et la défense assurées par l’Otan ».

Et de considérer que les « attaques en direction de l’espace, en provenance de l’espace, ou dans l’espace représentent un réel défi pour la sécurité de l’Alliance, dont l’impact pourrait menacer la prospérité, la sécurité et la stabilité des pays et de la zone euro-atlantique, et qu’elles pourraient avoir sur les sociétés modernes un effet tout aussi dommageable que celui d’une attaque conventionnelle ».

Aussi, tirant les conséquences de sa décision d’en faire un domaine opérationnel, l’Otan estime que de telles attaques « pourraient conduire à l’invocation de l’article 5 » du Traité de l’Atlantique Nord. En clair, une action hostile contre un satellite d’un pays membre serait susceptible d’activer la clause de défense collective.

Pour rappel, l’article 5 oblige les pays membres de l’Otan à prendre des mesures au cas si l’un des leurs est attaqué.

S’agissant de l’espace, le communiqué précise qu’il « reviendrait au Conseil de l’Atlantique Nord de décider, au cas par cas, des circonstances d’une invocation de l’article 5 à la suite de telles attaques. »

Par ailleurs, un autre domaine, à savoir celui des activités dites « hybrides », est désormais couvert par l’article 5.

Ce que l’on appelle la « guerre hybride » est un ensemble d’actions menées sous le seuil de déclenchement d’un conflit, tout en étant le plus souvent difficilement attribuables, en vue d’obtenir un avantage stratégique. Cela passe par des opérations d’influence, des ingérences dans des processus électoraux, des déploiements de groupes armés irréguliers, des actions clandestines [sabotage, assassinats ciblés, par exemple], des cyberattaques ou bien encore par l’intimidation militaire et des pressions économiques.

Le recours à de tels procédés n’est pas nouveau… En revanche, le rythme de telles actions tend à s’accélérer et à gagner ampleur depuis maintenant plusieurs années. Et la Russie est régulièrement accusée de se livrer à de telles activités, comme cela a encore été le cas lors du sommet de Bruxelles.

« Outre ses activités militaires, la Russie a par ailleurs intensifié ses activités hybrides visant des pays membres ou partenaires de l’Otan, y compris par l’intermédiaire d’acteurs agissant pour son compte », lit-on dans le communiqué publié à l’issue.

« Il s’agit notamment de tentatives d’ingérence dans les élections et les processus démocratiques de pays de l’Alliance, de pressions et de pratiques d’intimidation sur les plans politique et économique, de vastes campagnes de désinformation, d’actes de cybermalveillance, et de sa complaisance à l’égard des cybercriminels qui sévissent depuis son territoire, y compris ceux qui prennent pour cible des infrastructures critiques, et en perturbent le fonctionnement, dans des pays de l’Otan »,  poursuit le texte, qui évoque aussi les « activités illégales et destructrices menées par les services de renseignement russes […] certaines ont causé la mort de concitoyens et engendré d’importants dégâts matériels ».

En 2018, un rapport du député britannique Lord Jopling, remis à l’occasion d’une session de l’Assemblée parlementaire de l’Otan [AP-Otan], avait plaidé en faveur d’un « article 5bis » dans le traité de l’Atlantique Nord afin de donner la possibilité de faire jouer la clause de défense collective en cas d’attaques hybrides contre un allié.

« En ces temps de guerre hybride, il faut se rabattre sur l’article 3, qui évoque la collaboration et l’assistance mutuelle sans aller jusqu’à la défense collective, et sur l’article 4, qui oblige les Alliés à se consulter lorsque la sécurité de l’un d’eux est menacée. L’action collective est fonction d’une évaluation unanime de la menace, évaluation que les tactiques hybrides de la Russie visent à empêcher », avait expliqué Lord Jopling.

Désormais, les actions hybrides relevèront également de l’article 5. C’est ce qu’a en effet été décidé lors du sommet de Bruxelles.

« Bien que la réponse à apporter à des menaces hybrides incombe en premier ressort au pays pris pour cible, l’Otan est prête, sur décision du Conseil, à aider un Allié à n’importe quelle étape d’une campagne hybride menée contre lui, notamment en déployant une équipe de soutien pour la lutte contre les pratiques hybrides », est-il affirmé dans le communiqué final.

Et ce dernier d’ajouter : « Dans des cas relevant de la guerre hybride, le Conseil pourrait décider d’invoquer l’article 5 du traité de Washington, comme pour une attaque armée. »

Ce qui veut dire qu’il est question de baisser le seuil suspceptible de donner lieu à l’activation de la clause de défense collective… Et donc de réhausser la dissuasion contre les menaces hybrides.

« À titre individuel, les Alliés peuvent envisager, lorsqu’il y a lieu, d’attribuer les activités hybrides et de répondre de manière coordonnée, étant entendu que l’attribution est une prérogative relevant de la souveraineté nationale », est-il encore précisé dans le texte.

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