Centrafrique : La France suspend son aide militaire et l’ONU veut des garanties sur la sécurité des Casques bleus

Depuis que la Russie s’intéresse de très près à la Centrafrique et qu’elle y a renforcé son influence via l’envoi de paramilitaires employés par la société militaire privée [SMP] Wagner, la France fait l’objet de campagnes de désinformation visant à dénigrer ses actions dans ce pays.

« Leur système de désinformation est très bien fait. Il alimente le recours aux mercenaires russes en Afrique. Le meilleur exemple en est donné par la République centrafricaine, où ce discours anti-Français a permis de légitimer une présence de mercenaires prédateurs russes au sommet de l’État avec un président Touadéra qui est aujourd’hui l’otage du groupe Wagner », a ainsi résumé le président Macron, selon des propos rapportés par le Journal du Dimanche [édition du 30 mai]. Et d’ajouter : « Ce groupe russe s’empare des mines, et par là même du système politique. C’est cela, la réalité. »

Le mois dernier, encore, le Quai d’Orsay a déploré l’instrumentalisation, par les autorités centrafricaines et de leur soutien russe, de l’arrestation d’un ressortissant français, accusé de détenir une « énorme quantité d’armes et de munitions ». Selon des sources humanitaires, l’intéressé avait été employé comme garde du corps par plusieurs organisations présentes en Centrafrique.

« Nous déplorons l’instrumentalisation manifeste de cette arrestation et relevons que les informations personnelles de cette personne ont été immédiatement rendues publiques par le biais de réseaux de désinformation liés à la promotion d’intérêts bien identifiés qui sont habitués à viser la présence et l’action de la France en République centrafricaine », a ainsi dénoncé le ministère français des Affaires étrangères.

Quoi qu’il en soit, pour Paris, la coupe est pleine. Après avoir annoncé la suspension de sa coopération militaire avec les Forces armées maliennes [FAMa], suite au coup de force politique du colonel Assimi Goïta, la France a indiqué qu’elle en avait fait de même avec la Centrafrique.

« À plusieurs reprises, les autorités centrafricaines ont pris des engagements qu’elles n’ont pas tenus, tant sur le plan politique envers l’opposition que sur le comportement vis-à-vis de la France, qui est la cible d’une campagne de désinformation massive en Centrafrique », a justifié le ministère des Armées auprès de l’AFP. « Les Russes n’y sont pas pour rien, mais les Centrafricains sont au mieux complices de cette campagne », a-t-il continué.

À noter que cette décision a été annoncée après un grave incident ayant opposé l’armée tchadienne aux forces centrafricaines [FACA] et aux mercenaires russes de la SMP Wagner, le 30 mai. Pour rappel, N’Djamena a affirmé avoir perdu six soldats tchadiens dans l’attaque du poste avancé de Sourou, situé dans le sud-ouest du Tchad. Et cinq d’entre-eux auraient été « enlevés » puis « exécutés ».

Dans le détail, l’aide budgétaire de 10 millions d’euros accordée à Bangui a été suspendues et les militaires français détachés auprès du ministère centrafricain de la Défense ont été rappelés à Paris. Dans le même temps, les actions de formation et d’entraînement assurées par les Éléments français au Gabon [EFG] au profit des FACA ont été interrompues. En revanche, la participation française à la mission européenne EUTM RCA n’a pas été remise en cause, tout comme celal à la Mission multinationale intégrée des Nations unies pour la stabilité de la République centrafricaine [MINUSCA].

Justement, s’agissant de cette dernière, le Conseil de sécurité de l’ONU a demandé aux autorités centraricaines ainsi qu’à « toutes les forces présentes » en Centrafrique de « prendre toutes les mesures appropriées pour renforcer la sécurité » des Casques bleus, via une déclaration adoptée à l’unanimité lors d’une réunion à huis clos convoquée le 7 juin par la France, le Kenya, le Niger et la Tunisie.

S’il n’identifie pas les « forces présentes », ce texte semble cependant viser implicitement les « instructeurs militaires » envoyés en Centrafrique par Msocou ainsi que les mercenaires de la SMP Wagner. Et il ne précise pas non plus les incidents qui ont motivé la tenue de cette réunion du Conseil de sécurité. En revanche, la déclaration rappelle que « des attaques contre des Casques bleus des Nations Unies peuvent constituer des crimes de guerre. »

Cela étant, et selon une source diplomatique citée par l’AFP, la MINUSCA serait la « cible et d’attaques médiatiques sur le terrain. » Fin mai, Jean-Pierre Lacroix, le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les opérations de maintien de la paix, avait insisté sur la nécessité de « faire tous les efforts pour qu’il n’y ait pas d’incidents graves qui pourraient conduire à des blessés ou à des morts chez nos collègues, militaires, policiers ou civils ».

Et d’ajouter : « Cette déconfliction est absolument nécessaire avec les autres éléments en uniforme, qu’il s’agisse des forces armées centrafricaines ou de leurs partenaires bilatéraux. Ce n’est pas toujours facile, nous avons signalé [au Conseil de sécurité] qu’il y a eu plusieurs cas préoccupants de difficultés notamment rencontrées avec les forces armées centrafricaines et leurs partenaires. »

En attendant, le froncement de sourcil de Paris n’a eu aucun effet sur le sort du ressortissant français arrêté en mai. En détention provisoire depuis un mois, il vient d’être officiellement accusé, ce 9 juin, « d’espionnage, de détention illégale d’armes de guerre et de chasse, d’association de malfaiteurs, d’atteinte à la sûreté de l’État et de complot ». Il risque les « travaux forcés à perpétuité » selon Éric Didier Tambo, procureur général près la Cour d’appel de Bangui.

Photo :  Formation de soldats centraficains par les EFG © État-major des armées

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