Le ministère des Armées investit dans l’informatique quantique, via une participation au capital de Pasqal

En informatique, un « bit » [binary digit] est l’unité de mesure de base de l’information, avec laquelle on peut réaliser des opérations logiques grâce à un microprocesseur. Et elle ne peut prendre que deux valeurs : 0 ou 1. En 1981, le physicien Richard Feynman eut l’intuition d’utiliser la théorie quantique pour démultiplier la puissance de calcul des ordinateurs.

La physique classique décrit différemment un corpuscule [atome, particule] et une onde [lumière]… ce qui fait que ses lois ne sont pas pertinentes au niveau microscopique. Ce qui n’est pas le cas avec la théorie quantique, puisqu’elle ne différencie pas le corpuscule de l’onde. Il est alors question d’une « onde-corpuscule », susceptible de se trouver simultanément dans plusieurs états différents [c’est la « superposition »]. Qui plus est, deux particules peuvent être liées par leur état, quelque soit la distance qui les sépare.

Aussi, l’enjeu est d’exploiter les propriétés quantiques de la matière, comme la superposition et l’intrication d’états, pour faire en sorte qu’un bit puisse prendre à la fois la valeur 0 et 1. On parle alors de qbit. Seulement, il faut composer avec le « phénomène de décohérence », c’est à dire avec la perte des effets quantiques au moment de passer à l’échelle macroscopique.

Cela étant, des progrès sont régulièrement accomplis. Mais beaucoup d’annonces faites dans ce domaine sont à prendre avec précaution. En février, une entreprise chinoise a ainsi dévoilé un « ordinateur quantique de bureau« , commercialisé au prix de 5’000 dollars Ce qui reste à voir… Quoi qu’il en soit, il est indéniable qu’il y a eu des avancées dans ce domaine au cours des dernières années.

Ainsi, en 2009, l’Université de Yale a annoncé avoir réussi à créer un premier processeur quantique rudimentaire de 2 qbits. Un an plus tôt, il avait été fait état par la revue Scientific American de travaux portant sur un calculateur quantique utilisant l’effet Hall quantique fractionnaire. En 2016, un laboratoire de l’Université du Maryland aurait mis au point un premier ordinateur quantique reprogrammable

La France n’est pas en reste. Et elle dispose même d’une entreprise qui est à la pointe des recherches menées en matière d’informatique quantique, à savoir Pasqal, dont la création remonte à 2019. Adossée à l’Institut d’optique de l’Université Paris-Saclay, à Palaiseau, cette « start-up », qui emploie actuellement une vingtaine de personnes, a déjà mis au point un calculateur quantique. Et elle doit en livrer deux exemplaires d’ici 2023 au GENCI [Grand équipement national de calcul intensif] et au centre de recherche allemand de Jülich.

Et, ce 8 juin, Pasqal vient de finaliser une levée de 25 millions d’euros, menée par le Quantonation et le nouveau Fonds innovation défense qui, lancé en décembre 2020 par l’Agence de l’Innovation de Défense [AID], est géré par Bpifrance. RunA Capital, Daphni et Eni Nex ont également participé à ce tour de table, qui inclut un engagement du fonds de l’European innovation council [EIC].

« Le ministère des Armées se félicite de soutenir le développement de la pépite française Pasqal grâce au premier investissement du nouveau fonds Innovation Défense », a commenté Florence Parly, la ministre des Armées, dans un communiqué publié ce 8 juin. « Dotée d’une équipe de chercheurs des plus renommées au monde, Pasqal comptera à l’avenir parmi les leaders des calculateurs quantiques. Les applications pour la défense sont multiples et parfois hautement stratégiques », a-t-elle ajouté.

Cette levée de fonds permettra à Pasqal de finaliser ses « premiers processeurs quantiques analogues et digitaux », de « construire son offre de calcul quantique hybride via le cloud » et de « s’implanter à l’international ».

En outre, l’entreprise entend également développer des applications et des logiciels pour exploiter les capacités de calcul offertes par ses processeurs.

« Pasqal s’appuie sur la tradition d’excellence de la recherche académique française dans le domaine des atomes refroidis par laser. […] Les processeurs de Pasqal utilisent des atomes neutres manipulés par laser avec une précision remarquable qui permettent de réaliser des calculs à la demande avec un haut degré de connectivité et avec une puissance de calcul inédite, au-delà de 100 qubits et avec l’objectif d’atteindre les 1000 qubits dans les années à venir », explique le ministère des Armées.

Pour donner un ordre d’idée, et selon l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique [INRIA], il est estimé que « près de 300 qubits parfaitement enchevêtrés en superposition pourraient cartographier toutes les informations de l’univers à partir du Big Bang. »

Les applications de la physique quantique dans le domaine militaire sont nombreuses. On pense évidemment au chiffrement, au traitement rapide de grandes quantités d’informations ou bien encore à la simulation. Mais il est question de radars dotés de propriétés quantiques ou encore de capteurs 1000 à 1 million de fois plus performants. L’actuelle Loi de programmation militaire [LPM] prévoit une enveloppe de 30 millions de d’euros pour financer « un large spectre de projets, allant de la recherche exploratoire jusqu’à l’intégration de technologies quantiques dans des opérations d’armement. »

Photo : Pasqal

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