Quel rôle ont tenu les mercenaires russes dans l’incident frontalier entre le Tchad et la Centrafrique?

Le 31 mai, le gouvernement centrafricain a fini par réagir aux accusations portées contre lui par N’Djamena, au sujet de l’attaque d’un poste avancé tchadien par les forces armées centraficaines [FACA], situé à Sourou, dans la région du Logone Oriental [sud-ouest du Tchad, ndlr]

Pour rappel, le Tchad a affirmé que, la veille, ces dernières avaient tué six de ses soldats, dont cinq « enlevés et ensuite exécutés » en territoire centrafricain. Et le ministre tchadien des Affaires étrangères, Chérif Mahamat Zene, de prévenir : Ce « crime de guerre d’une gravité extrême et cette attaque meurtrière préméditée, planifiée et opérée à l’intérieur du Tchad […] ne sauraient rester impunis. »

Dans un communiqué, le porte-parole du gouvernement centrafricain, Maxime Ange Kazagui, a fait savoir que Bangui « déplore les pertes en vies humaines et les blessés au sein des armées tchadienne et centrafricaine. » Mais la version qu’il a donnée n’est pas exactement la même que celle avancée par N’Djamena.

En effet, M. Kazagui a rejeté la responsabilité de cet incident sur des combattants de la « Coalition des patriotes pour le changement » [CPC, qui réunit six groupes rebelles centrafricains, ndlr], lesquels auraient traversé la frontière pour échapper aux FACA. Ensuite, il a souligné la volonté de Bangui de « raffermir » ses relations avec N’Djamena et fait part de la « disposition » du gouvernement centrafricain à « entamer, dans les plus brefs délais, toutes les actions de sécurisation des frontières communes dans l’intérêt des deux peuples. » Enfin, il a proposé la mise en place d’une « mission d’enquête conjointe. »

Reste que le communiqué du gouvenement centrafricain n’a pas dit un mot sur l’enlèvement et l’exécution des cinq soldats tchadiens… Et il ne nie pas non plus l’incursion des FACA au Tchad.

Cela étant, quelques zones d’ombre demeurent. Ainsi, le site centrafrican d’informations « Corbeau News » affirme que des mercenaires de la société militaire privée [SMP] russe Wagner, laquelle appuie les FACA dans leurs opérations, ont été impliqués dans l’attaque du poste tchadien.

Pour rappel, la SMP Wagner est présente en Centrafrique depuis 2018. Initialement, il s’agissait de former les soldats centrafricains au maniement des armes livrées à Bangui par Moscou, après avoir obtenu un dérogation à l’embargo décrété par le Conseil de sécurité des Nations unies. Depuis, leur nombre n’a cessé d’augmenter [600 autres sont prochainement attendus…] et leur rôle a évolué étant donné qu’ils s’impliquent désormais dans les combats livrés contre les groupes rebelles armés.

Et selon la version de l’incident donnée par Corbeau News, l’armée tchadienne aurait riposté et poursuivi les assaillants « jusqu’à la commune centrafricaine de Mbang » où cinq de ses soldats « capturés par les mercenaires russes ont été tués. »

Citées par l’AFP, des sources des Nations unies ont confié, sous le couvert de l’anonymat, que des affrontements avaient bien eu lieu à Mini, une localité tchadienne située près de la frontière. Ces combats ont « opposé des militaires centrafricains appuyés par leurs alliés paramilitaires russes, d’un côté, à des rebelles centrafricains ainsi que des soldats tchadiens, de l’autre », ont-elle affirmé.

L’implication de paramilitaires russes a également été évoquée par le gouverneur de la province du Logone Oriental, le général Moussa Haroun Tirgo, rapporte le site Tchad Infos. « C’est une attaque sciemment préparée par les FACA, avec des mercenaires russes. […] sont venus vérifier le nombre de nos soldats à ce poste avant d’attaquer. Donc c’est une agression extérieure », a-t-il dit, avant de féliciter les forces tchadiennes pour avoir « vigoureusement répondu à cette agression. »

En attendant d’y voir plus clair, N’Djamena peut compter sur l’appui de Paris dans cette affaire. « La France condamne fermement l’attaque du poste avancé tchadien de Sourou, près de la frontière centrafricaine, survenue le dimanche 30 mai, qui a fait plusieurs victimes. Elle rappelle son ferme attachement à la stabilité et l’intégrité territoriale du Tchad et de tous les États de la région », a en effet réagi la diplomatie française.

Quoi qu’il en soit, N’Djamena n’entend pas en rester là. Ce 1er juin, Chérif Mahamat Zene a été clair à se sujet. « L’absence du réaction de notre part pourrait encourager ces assaillants à revenir. Nous ne pouvons permettre à personne de porter atteinte à la sécurité et à l’intégrité territoriale du Tchad », a-t-il fait valoir sur les ondes de RFI.

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