Le président Macron parle de retirer les forces françaises du Mali

Au moins trois raisons expliquent la présence militaire française au Mali. La première est que Bamako a demandé une aide à Paris pour agir contre les groupes armés terroristes [GAT] qui y sévissent, dont le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou JNIM, lié à al-Qaïda] et l’État islamique au grand Sahara [EIGS]. La seconde vise à éviter que le Sahel devienne une base arrière pour la mouvance jihadiste pour commettre des attentats en Europe. Enfin, il s’agit d’empêcher qu’une telle menace se propage aux autres pays d’Afrique de l’Ouest, en particulier ceux du golfe de Guinée.

Mais certains pays du Sahel sont confrontés à d’autres risques, comme les tensions interethniques, les difficultés économiques, la persistance des trafics et du banditisme ou encore l’instabilité politique. Et, évidemment, les organisations jihadistes cherchent à en tirer profit.

Au Mali, où l’accord d’Alger qui était censé apaiser les tensions entre Bamako et les mouvements indépendantistes touaregs implantés dans le nord du pays peine à s’appliquer, la situation politique est devenue encore plus compliqué depuis le coup d’État qui, en août 2020, a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, alors contesté par du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques [M5-RFP], dont l’influent imam Mahmoud Dicko, partisan d’un dialogue avec les jihadistes, est « l’autorité morale ».

Réunis au sein d’un « Comité national pour le salut du peuple » [CNSP], les officiers supérieurs des Forces armées maliennes [FAMa] à l’origine de ce putsch, emmenés par le colonel Assimi Goïta, ont ensuite fait adopter une « charte de la transition », avec l’objectif d’arriver à une normalisation politique dans les 18 mois. Un président de la transition a été nommé, en la personne de Bah N’Daw, avec Moctar Ouane comme Premier ministre.

Seulement, tout cela a volé en éclats avec le nouveau coup de force du colonel Goïta qui, au prétexte qu’il n’aurait pas été consulté préalablement avant la formation d’un nouveau gouvernement en sa qualité de vice-président en charge de la défense et de la sécurité, a écarté MM. Bah N’Daw et Ouane du pouvoir. Et, conformément à une décision de la Cour constitutionnelle malienne, il est désormais le président en titre.

Pour la France, dont l’action au Mali fait par ailleurs l’objet d’une « guerre informationnelle » menée par la Russie et la Turquie, une telle évolution n’est pas acceptable. « Le caractère civil de la transition est une condition sine qua non de la crédibilité du processus de transition et du soutien que les partenaires internationaux peuvent apporter aux autorités maliennes. […] Si d’aventure il n’y avait pas un retour à l’ordre de la transition, nous prendrions des mesures immédiates de ciblage contre les responsables militaires et politiques qui entravent la transition », a ainsi averti Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères.

Quant au président Macron, il a mis le maintien des troupes françaises au Mali dans la balance, selon des propos rapportés par le Journal du Dimanche, ce 30 mai. « Je ne resterai pas aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique, ni de transition », a-t-il assuré. Et d’ajouter : « Au président Bah N’Daw, qui était très rigoureux sur l’étanchéité entre le pouvoir et les jihadistes, j’avais dit : ‘L’islamisme radical au Mali avec nos soldats sur place? Jamais de la vie! ».

Or, a continué M. Macron, « il y a aujourd’hui cette tentation au Mali. Mais si cela va dans ce sens, je me retirerai. Depuis trois ans, j’ai dit au sein de plusieurs conseils de défense que nous devions penser à la sortie. Au sommet de Pau, j’ai préparé un chemin de sortie. Je suis resté à la demande des États, parce que je pensais que la sortie était un point de déstabilisation. Mais la question se pose, et nous n’avons pas vocation à rester éternellement là-bas ».

Reste que la décision d’un retrait devrait être prise qu’après une concertation avec les pays européens que la France a entraîné au Mali, via notamment le groupement de forces spéciales Takuba. Et de tels propos risquent fort de compliquer les discussions sur d’éventuelles autres contributions européennes. En outre, elle ne manquerait pas d’avoir des conséquences sur la sécurité régionale, des troupes françaises étant présentes au Burkina Faso [TF Sabre], au Niger [base aérienne projetée à Niamey] et… au Tchad, où est installé le quartier général de la force Barkhane.

Justement, s’agissant du Tchad, la situation politique est également délicate, depuis la mort du président Idriss Déby. Le fils de ce dernier, le général Mahamat Déby, a pris la tête d’un « Conseil national de transition », qui a dissous le gouvernement et l’Assemblée nationale tout en promettant que ces institutions seraient rétablies qu’à l’issue d’élections « libres et démocratiques » devant se tenir d’ici 18 mois.

« Au Tchad, les choses sont claires. Nous venons au secours et en soutien d’un État souverain pour qu’il ne soit pas déstabilisé ou envahi par des groupements rebelles et armés. Mais nous demandons la transition et l’inclusivité politique », a expliqué M. Macron.

« Quand je vais aux obsèques de Déby pour dire qu’on ne laissera pas le Tchad être menacé, c’est parce que je crains une libyanisation du pays – car c’était vraiment ce qui était en train de se jouer avec des groupes descendant de la Libye vers le Tchad. Mais je parle aussi d’une transition qui puisse être inclusive sur le plan politique », a-t-il continué, affirmant qu’une « transition ne pouvait pas être une succession. »

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