La Force conjointe du G5 Sahel souffre toujours de déficits capacitaires importants, selon l’ONU

Si, durant ces derniers mois, les opérations menées par la force Barkhane dans la partie malienne du Liptako-Gourma ont permis d’y réduire la menace jihadiste, cette dernière prend de l’ampleur dans d’autres régions de la bande sahélo-saharienne.

Ainsi, la population civile du nord-est du Burkina Faso est régulièrement la cible d’attaques jihadistes, comme encore au début de ce mois, « plusieurs dizaines de personnes » ayant été tuées à Kodyel, localité située dans province de la Komandjari. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou JNIM, lié à al-Qaïda] serait à la manoeuvre, comme l’a indiqué un récent rapport des Nations unies.

Le GSIM « continue de gagner du terrain en étendant son influence régionale et en consolidant son organisation. À l’heure actuelle, le groupe déstabilise les périphéries au centre et dans le nord du Mali, ainsi que les frontières nord du Burkina Faso, et il représente la plus grande menace », lit-on dans le document. L’organisation jihadiste serait par ailleurs bien implantée dans les environs de la forêt de Wagadou, près de la Mauritanie.

En outre, le 20 mai, dans la région de Tillabéry [sud-ouest du Niger], il a été rapporté que 10.000 civils avaient fui leurs villages vers la capitale régionale, pour échapper aux exactions attribuées à l’État islamique au grand Sahara [EIGS]. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU [Ocha], cet exode s’explique en effet par « les attaques récurrentes […], notamment les assassinats, les viols, les extorsions de biens et les vols de bétail, perpétrés par les éléments présumés de groupes armés non étatiques opérant le long de la frontière avec le Mali. » Et d’ajouter : « Un ultimatum de trois jours pour vider les villages d’Anzourou a été donné par les groupes armés à la fin de la semaine. »

Deux jours plus tôt, devant le Conseil de sécurité des Nations unies, le chef des opérations de paix de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, a souligné que le renforcement de la force Barkhane, décidé lors du sommet de Pau, en janvier 2020, ainsi que les efforts des armées locales et de la Force conjointe du G5 Sahel avaient « permis d’enregistrer des résultats dans la lutte contre le terrorisme dans la région. » Cependant, a-t-il ajouté, « en dépit de ces progrès encourageants, il reste beaucoup à faire ».

Aussi, pour M. Lacroix, la Force conjointe du G5 Sahel [FC-G5S] reste un « élément essentiel des réponses sécuritaires pour lutter contre les groupes armés extrémistes dans la région, ainsi que d’autres problèmes transfrontaliers, notamment le trafic de personnes, de marchandises illicites, d’armes et de drogues. »

Forte de sept bataillons [soit 5.000 hommes], la FC-G5S a été créée en juillet 2017 par le Tchad, le Mali, la Mauritanie, le Burkina Faso et le Niger. Après des débuts compliqués, et en coordination avec Barkhane, elle a déjà conduit plusieurs opérations majeures sur les trois fuseaux [ouest – centre – est] où elle est déployée, la dernière en date étant SAMA 3, dont l’objectif est de consolider les acquis obtenu lors des opérations SAMA 1 et SAMA 2, lesquelles ont « permis de maintenir la pression sur les groupes armés et terroristes et de renforcer la confiance entre les populations civiles. »

Pour autant, selon le secrétaire général des Nations unis, Antonio Guterres, cette force conjointe du G5 Sahel fait encore face à des problèmes et à des défis importants, identifiés de longue date.

« Ses capacités opérationnelles et logistiques étant limitées, la Force conjointe a toujours énormément de mal à approvisionner ses troupes, un problème aggravé par le manque de moyens de transport adéquats », souligne en effet M. Guterres, dans un rapport récemment remis au Conseil de sécurité.

Et, ajoute-t-il, « de façon plus générale, l’insuffisance du matériel est restée une préoccupation quotidienne, entravant l’efficacité et les opérations des militaires déployés dans les garnisons et sapant leur moral. »

Ainsi, récemment déployé dans le Liptako-Gourma, le 8e Bataillon des forces armées tchadiennes a dû parcourir plus de 2.000 km entre N’guigmi et Niamey, au prix de « difficultés logistiques, liées notamment aux problèmes d’approvisionnement en carburant et à la panne de certains équipements militaires. »

Autre insuffisance : le manque de capacités pour les évacuations sanitaires. Un problème également lié à la quasi-absence de moyens aériens, lesquels sont pourtant « indispensables dans le cadre des efforts antiterroristes en cours », insiste M. Guterres.

Quant aux capacités en matière de renseignement, la Force conjointe peut s’appuyer sur celles de Barkhane. Mais dans ce domaine, elle devrait bénéficer d’une aide l’Union européenne pour se doter de capteurs, de radars au sol à courte portée et de drones. Cette aide est « prévue dans la deuxième tranche du financement » de l’UE, précise le secrétaire général de l’ONU.

Le manque de moyens de transmission complique à la fois la coordination avec les autres forces ainsi que le partage des informations. Or, sur ce point, le rapport estime que les « contingents des différentes opérations doivent renforcer leur coopération en matière de renseignement afin d’avoir une compréhension commune de la situation, en particulier lorsqu’ils sont établis dans un même camp, comme c’est le cas à Gao. »

Enfin, pour M. Guterres, le « fait que les bataillons détachés auprès de la Force conjointe opèrent sous un double commandement continue d’être problématique » dans la mesure où cela rend plus difficile de « distinguer les opérations menées au nom des pays dont originaires » ces unités de celles conduites « sous le commandement de la Force ». Et cela, souligne-t-il, ne permet pas de « déterminer les responsabilités en cas de problèmes concernant les civils et d’autres violation grave des droits humains », en particulier quand elles sont commises dans le cadre d’opérations transfrontalières.

« La plupart des contingents organisent certes des séances de sensibilisation avant le déploiement de leurs forces, mais il a également été jugé essentiel de mener davantage d’activités de formation adaptées pour renforcer les capacités et faire mieux connaître le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme avant et pendant les opérations conjointes, notamment par la formation des formateurs », a-t-il conclu sur ce point.

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