La Russie justifie ses activités militaires dans le Grand Nord et adresse une mise en garde à l’Otan

Avec le changement climatique, l’importance stratégique de l’Arctique ne pourra que s’accroître dans la mesure où de nouvelles voies navigables réduiront la durée des trajets entre l’Europe et l’Asie et que les ressources naturelles [pétrole, gaz et terres rares] qu’il recèle pourront être plus facilement exploitées. D’où l’intérêt que porte la Chine au Groenland, dont la sécurité est récemment devenue l’une des priorités du renseignement militaire danois.

La Russie a très vite pris conscience des enjeux de cette région, en publiant une stratégie pour le Grand Nord dès 2009, laquelle met l’accent sur un renforcement significatif de ses capacités militaires, avec la remise en état de bases abandonnées depuis la fin de l’Union soviétique, l’installation de moyens d’interdiction et de déni d’accès, la création d’unités spécialisées ou encore l’organisation fréquente d’exercices.

Ce qui préoccupe les pays riverains, d’autant plus que Moscou considère les dorsales Lomonossov et Mendeleïev comme étant des extensions de son plateau continental, ce qui lui permet de revendiquer une superfice de 1,2 millions de km2 supplémentaires de la région, notamment aux dépens du Canada et du Danemark.

En outre, à Washington, on s’inquiète également de l’activité militaire russe dans le Grand Nord. « L’Arctique est une région sur laquelle nous devons vraiment nous concentrer et investir avant tout. Ce n’est plus une zone tampon. […] La Chine et la Russie y ont établi une assise sensiblement plus solide, le long des approches nord des États-Unis et du Canada », avait ainsi commenté le général Terrence O’Shaughnessy, alors à la tête du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord [NORAD]. Et d’ajouter qu’il fallait « prendre des mesures actives pour assurer notre capacité à détecter, contrecarrer et contrecarrer les menaces potentielles dans cette région. »

Quoi qu’il en soit, et alors qu’elle a enchaîné les démonstrations de force dans la région depuis le début de cette année, comme par exemple avec trois sous-marins ayant simultanément fait surface en brisant la glace, la Russie a tenu à faire une mise au point à quelques jours de la tenue d’une réunion, à Reykjavik, du Conseil de l’Arctique, réunissant également le Canada, le Danemark, les États-Unis, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède.

« Nous voyons des critiques sur le fait que la Russie développe son activité militaire dans l’Arctique. Mais il est clair pour tout le monde depuis longtemps que ce sont nos terres, notre territoire, nous répondons de la sécurité de notre littoral et tout ce que nous faisons là-bas est parfaitement légal et légitime », a en effet affirmé Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, ce 17 mai.

En revanche, les autres pays de la région, pour certains membres de l’Otan quand ils n’entretiennent pas des liens étroits avec cette dernière, ont également augmenté leurs activités militaires, via de nombreux exercices. Et cela, expliquent-ils, afin de répondre à celles de la Russie. Évidemment, à Moscou, on ne voit pas les choses de cette manière…

« Quand l’Otan essaye de justifier son offensive dans l’Arctique, ce n’est pas la même situation et nous avons des questions pour nos voisins, comme la Norvège, qui essayent de justifier la venue de l’Alliance en Arctique », a ainsi affirmé M. Lavrov, qui entend bien aborder le sujet à Reykjavik.

« Si quelqu’un veut plus de prédictibilité, baisser les risques au niveau militaire, je propose alors de retourner à notre proposition de longue date visant à relancer l’activité du mécanisme des rencontres régulières des chefs des états-majors des forces armées des pays membres du Conseil de l’Arctique », a ensuite poursuivi le chef de la diplomatie russe. « Ce mécanisme avait fonctionné, mais il y a à peu près sept ans, nos collègues occidentaux ont décidé de le geler. Si vous avez décidé de le geler, ne vous fâchez pas contre l’absence de dialogue – nous ne l’avons pas arrêté », a-t-il conclu.

Pour rappel, le Conseil de l’Arctique a été créé en 1996, via la déclaration d’Ottawa. Or, ce texte précise bien que cette organisation a vocation à « favoriser la coopération, la coordination et l’interaction entre les États de l’Arctique » et qu’elle n’est pas « saisie des questions intéressant la sécurité militaire. »

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