La défense héroïque du village de Champien par le peloton du sous-lieutenant Francis Vincent

Nommé le 17 mai 1940 à la tête des armées française en remplacement du général Maurice Gamelin, alors jugé trop passif et dont la stratégie était manifestement mise en échec, le général Maxime Weygand trouve une situation compromise, les forces allemandes ayant percé le front à la hauteur de Sedan quelques jours plus tôt. Pour arrêter cette avancée fulgurante, il décide alors d’établir une ligne défensive [appelée « ligne Weygand »] passant par la Somme, le canal Crozat, l’Ailette et l’Aisne.

Pour tenir cette ligne, le général Weygand dispose de deux groupes d’armées [GA]. Ainsi, le GA n°4 a pour mission de bloquer l’avancée allemande sur l’Aisne tandis que le GA n°3, composé de 10e armée [général Altmayer], de la 7e armée [général Frère] et de la 6e armée [général Touchon], se concentre sur la Somme.

Relevant de la 7e armée, la 29e Division d’Infanterie alpine [DIAlp] se voit confier la charge de tenir la rive sud de la Somme, de Cizancourt à Caniay. Le poste de commandant de son commandant, le général Gerodias, est alors installé dans le village de Champien, où se déploie le 34e Groupe de reconnaissance de division d’infanterie [GRDI], une unité issue du 10e Régiment de Dragons [RD].

Les ordres sont clairs : afin de permettre une contre-offensive [qui ne viendra jamais…], il est impératif de tenir à n’importe quel prix les points d’appui que sont les villages d’Omiecourt, Dreslincourt, Le Mesnil, St Nicaise, Liancourt et Nesle. Face à ce dispositif, la supériorité numérique allemande est écrasante, avec huit divisions d’infanterie, quatre divisions blindées, un corps motorisé, des unités d’artillerie [canons de 105 automoteurs et mortiers]. Sans oublier les bombardiers en piqué Ju-87 Stuka…

Telle est la situation à l’aube du 5 juin 1940, alors que les troupes allemandes se préparent à lancer l’assaut contre la ligne Weygand. Cela étant, en dépit d’un rapport de forces largement en leur faveur, elles vont se heurter à une vive résistance française. « Il s’est allumé une lutte acharnée, où l’on ne se bat pas pour chaque village mais pour chaque maison », racontera un chef de bataillon de char de la IVe Panzer. « À la sommation de se rendre, les Français répondent négativement et par un redoublement de leur feu. Ce sont des soldats qui ne connaissent ni faiblesse, ni hésitation », écrirat-il encore.

Et les cavaliers du 34e GRDI ne sont pas en reste. Alors que les villages environnants sont en flammes, le peloton du sous-lieutenant Francis Vincent, alors âgé de 27 ans, doit tenir coûte que coûte celui de Champien.

Originaire de Nîmes, Francis Vincent fit son service militaire à l’École de cavalerie de Saumur. Mobilisé en 1939, il avait rejoint le 10e Régiment de Dragons, dont était issu le 34e GRDI.

À 13 heures, un déluge de feu, venu du ciel, s’abat sur les défenseurs du village. Et, à l’action des Stuka succède l’assaut de chars allemands. Selon le témoignage du capitaine Guizard, affecté au PC du général Gerodias, les Allemands ont « attaqué Champien à 15 heures ». Et, « repoussés de tous les côtés », ils ont alors cherché à contourner le village. « Leurs chars en nombre imposant [j’en ai compté moi-même 67 en très peu de temps] défilaient devant la sortie du village et se dirigeaient vers un autre village, non sans laisser devant » le sous-lieutenant Vincent « un certain nombre d’engins et d’hommes, qui l’attaquèrent immédiatement. »

À 20h55, le peloton du sous-lieutenant Vincent tient toujours ses positions, repoussant inlassalablement les tentatives de l’ennemi. « Il faudra qu’ils me passent sur le corps pour avancer », dit-il dans son ultime message qu’il fera transmettre au capitaine Guizard. Car, malheureusement, le jeune officier sera mortellement blessé par un obus de mortier. Trois de ses hommes seront également touchés, dont son ordonnance, le cavalier Marcel Azema. Affreusement mutilé et se sentant partir, il aurait murmuré : « Ne vous occupez pas de moi, sauvez mon lieutenant ».

L’action du peloton commandé par le sous-lieutenant Vincent aura permis le retrait du 34e GRDI.

En novembre 1940, le sous-lieutenant Vincent sera fait chevalier de la Légion d’Honneur et cité à l’ordre de l’Armée. « Jeune officier d’une foi patriotique ardente et animé du moral le plus élevé. Le 6 juin 1940, à Champien, chargé avec son peloton d’assurer la défense des lisières ouest de ce village, a arrêté l’ennemi en lui infligeant des pertes sensibles. Soumis à un sévère bombardement, a inspiré à sa troupe le calme et l’énergie par son exemple personnel. A trouvé un mort glorieuse quelques instants après avoir dit : ‘Que mon capitaine sache que je resterai sur place jusqu’à la mort », est-il rappelé dans le texte de cette citation.

Photo : Illustration – Panzer IV – Bundesarchiv, Bild 101I-055-1599-31 / Eckert, Erhardt / CC-BY-SA 3.0, CC BY-SA 3.0 de

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