Un projet visant à doter l’Union européenne d’une force de réaction rapide refait surface

Les initiatives visant à créer des « forces de réaction rapide » se sont multipliées ces dernières années. Ainsi, dans le cadre des accords de Lancaster House, le Royaume-Uni et la France ont mis sur pied la « Force conjointe expéditionnaire » [ou Combined joint expeditonary force – CJEF], laquelle compte 5.000 militaires. Les Britanniques ont également été à la manoeuvre pour établir une « Joint expiditionary force » [JEF], avec le Danemark, la Norvège, la Suède, les Pays-Bas, la Finlande, l’Estonie, de Lettonie et la Lituanie.

Dans le même temps, l’Otan, qui disposait déjà d’une force de réaction rapide [la NRF, pour Nato Response Force], est allée encore plus loin après l’annexion de la Crimée par la Russie, avec la création de la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation [VJTF], appelée, le cas échéant, à intervenir à très court préavis avec ses 5.000 militaires. Et il est question de mettre en oeuvre une « nouvelle initiative de réactivité » [NRI] avec le concept dit 4×30 [30 bataillons mécanisés, 30 escadrons et 30 navires de combat mobilisables dans un délai de 30 jours].

Bien que n’étant pas, à l’origine, une alliance militaire, l’Union européenne a également cherché à se doter d’une capacité d’intervention militaire. Un tel objectif figurait en effet dans la déclaration de Petersberg [1992]. « Les États membres déclarent qu’ils sont prêts à mettre à la disposition de l’UEO [Union de l’Europe occidentale, dissoute en 2011, ndlr] des unités militaires provenant de tout l’éventail de leurs forces conventionnelles en vue de missions militaires qui seraient menées sous l’autorité de l’UEO », y était-il affirmé.

Puis, en 1999, et alors qu’elle venait de lancer une « Politique européenne de sécurité et de défense » [PESD], le Conseil européen d’Helsinki évoqua la création d’une force de réaction rapide forte de 60.000 militaires, pour des missions définies dans la déclaration de Petersberg.

Et, un an plus tard, lors du sommet de Nice, les chefs d’État et de gouvernement des pays membres adoptèrent le Rapport de la présidence française sur la politique européenne de sécurité et de défense, lequel prévoyait la création de plusieurs structures [état-major et comité militaire de l’UE] et d’une force de réaction rapide européenne. Dans la foulée, l’UE lança ses premières opérations militaires [EUFOR Concordia en Macédoine, en 2003, EUFOR Althea en Bosnie-Herzégovine et Artémis, en République démocratique du Congo].

Quant à la Force de réaction rapide, elle devait reposer sur les groupements tactiques de l’Union européenne [GTUE], créés en 2007 et placés en alerte à tour de rôle [tous les six mois, ndlr]. Seulement, ils n’ont depuis jamais été sollicités. Même quand l’occasion s’était présentée au moment de l’opération Serval, au Mali.

« L’Europe tâtonne en quête d’une réactivité collective, dont on voit bien qu’elle serait un succès décisif sur la voie d’une défense européenne. Parmi ces tentatives, la création des groupements tactiques de l’UE est emblématique des difficultés rencontrées. Ils n’ont jamais été déployés à ce jour faute d’accord politique mais ont permis des rapprochements multinationaux dont l’avenir dira s’ils peuvent être fructueux », a ainsi résumé un rapport du Sénat sur l’autonomie stratégique européenne, publié en 2019.

Le souci est que les régles d’engagement et les contraintes politiques sont différentes d’un pays membre à l’autre. Pour qu’une telle capacité européenne puisse être déployée un jour, il faut une culture stratégique commune, de l’interopérabilité et des règles d’engagement uniques. C’est d’ailleurs le sens de l’Initiative européenne d’intervention [IEI], qui, voulue par le président Macron, ne relève toutefois pas de l’Union européenne.

Ce qui n’a jamais marché jusqu’à présent peut il fonctionner à l’avenir? Lors d’une réunion des ministres de la Défense des États membres de l’UE, le 6 mai, une proposition soutenue par 14 pays et visant à créer une force d’intervention rapide a ainsi été évoquée.

Selon l’AFP, l’idée est de former une force de 5.000 militaires, dotée de moyens de transports capables de les acheminer avec leurs équipements sur le théâtre d’intervention. » Et elle pourrait être également mise à la disposition de l’Otan et des Nations unies.

Un tel projet est soutenu par la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, l’Autriche, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Grèce, Chypre, la République tchèque, le Portugal, l’Irlande et la Slovénie. Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, s’il n’y a pas de convergence politique, culturelle et opérationnelle, il y a tout lieu de penser qu’il restera dans un tiroir.

Le compte-rendu du ministère des Armées au sujet de cette réunion ne parle pas de créer une « force de réaction rapide » mais de la « nécessité pour l’UE d’être en mesure de conduire, lorsque cela est nécessaire, des opérations militaires plus robustes ».

« Dans cette perspective, [la ministre des Armées] Florence Parly a souligné le besoin d’accroître la flexibilité et la réactivité des opérations militaires de l’UE, ainsi que sa capacité de projection. Elle a notamment insisté sur l’importance de tirer les leçons de l’engagement des Européens au Sahel, mais également de la continuité entre la mission de formation EUTM et la task force Takuba », lit-on dans ce compte-rendu.

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