Tribune des généraux 2S : Le procureur de Paris n’entend pas donner de suite judiciaire

Lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 4 mai, la ministre des Armées, Florence Parly, a de nouveau assuré que les officiers généraux en 2e section [2S] signataires d’une tribune ayant déchaîné la polémique, fin avril, seraient « traduits devant un conseil supérieur d’armée en vue de leur radiation » pour avoir manqué à leur devoir de réserve.

« Je ne minimise pas du tout cet acte délibéré, celui qui a consisté à violer le devoir de réserve au mépris de leur propre condition militaire. […] Un militaire n’est pas un militant. Les armées ne sont pas là pour faire des campagnes politiques, mais pour protéger les Français. Quiconque aurait un avis différent déshonorerait nos armées, mais aussi notre République », a fait valoir la ministre.

Pour rappel, les officiers généraux en deuxième section ne sont plus en activité. Toutefois, ils restent à la disposition du ministère des Armées en cas de besoin. Aussi sont-ils soumis à un devoir de réserve, que les signataires de la tribune en question sont accusés de s’en être affranchis.

Publiée au début du mois dernier, ce texte a suscité une vive polémique après avoir été repris par l’hebdomadaire Valeurs Actuelles et trouvé un écho auprès de Marine Le Pen, candidate déclarée du Rassemblement nationale à la prochaine élection présidentielle.

Ses signataires y mettent en garde contre le « délitement » de la France, prélude à une « guerre civile ». Un danger déjà souligné avant eux par plusieurs responsables politiques, dont Gérard Collomb [ex-ministre de l’Intérieur]. Et d’en appeler « ceux qui dirigent notre pays » à « impérativement trouver le courage nécessaire à l’éradication de ces dangers », en appliquant « sans faiblesse des lois qui existent déjà. » Sinon, poursuivent-ils, le « laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant, au final une explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national. »

Cette dernière phrase a été perçue différemment par les uns et les autres. En tout cas, à gauche de l’échiquier politique, elle a été comprise comme étant un appel à la sédition, voire à commettre un coup d’État.

Aussi, plusieurs élus de la France Insoumise ont saisi Rémy Heitz, le procureur de la République près du tribunal judiciaire de Paris sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale « au titre de de l’article 413-3 du code pénal et de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse à la suite de la publication par Valeurs Actuelles de la tribune ‘Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants' ». Des sénateurs du groupe « Écologiste, Solidarité & Territoires » en ont fait autant.

Dans leur courrier, les parlementaires dénoncent le champ lexical de ce texte, emprunté selon eux « à l’extrême-droite ». Et d’estimer que les signataires profèrent « ouvertement des menaces contre la forme républicaine de l’État » en citant la conclusion du texte polémique.

A priori, l’affaire ne devrait pas aller plus loin sur le plan judiciaire. En effet, lors de l’audition de la ministre, le député Alexis Corbière, de la France insoumise, a indiqué que le procureur de la République « a émis un avis […] considérant que cette tribune n’entraînait aucune poursuite. » Et d’ajouter : « Il est surprenant que la justice ne voie rien à redire sur ce qui me semble contrevenir à l’article 413-3 du Code pénal », lequel stipule que « le fait, en vue de nuire à la défense nationale, de provoquer à la désobéissance par quelque moyen que ce soit des militaires ou des assujettis affectés à toute forme du service national est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende. »

Effectivement, pour le procureur de la République, le « texte ne recèle en effet pas en lui-même de provocations à commettre des infractions pas plus qu’il ne contient d’appel à la haine, à la discrimination ou à la violence. [..] Le crime de provocation à des rassemblements d’insurgés et le délit de provocation à la désobéissance des militaires ou des assujettis à toute forme du service national, prévus par le code pénal, ne paraissent pas davantage pouvoir trouver à s’appliquer aux développements figurant dans cette tribune ». Aussi, poursuit-il, « si l’appréciation d’une éventuelle qualification disciplinaire des propos concernés, au regard du Code de la défense, relève des autorités compétentes, il doit être constaté qu’aucune suite judiciaire ou pénale ne peut en l’état être réservée à ceux-ci ».

Quoi qu’il en soit, les signataires n’échapperont pas aux sanctions disciplinaires au niveau du ministère des Armées. « Je ne peux que me prononcer et m’exprimer sur la dimension disciplinaire. J’ai dit quelles sont les sont procédures que nous allons engager sur le plan disciplinaire, aussi bien vis-à-vis des militaires d’actives [18 ont signé le texte, ndlr] que vis-à-vis des généraux ‘à la retraite’. Je ne suis pas responsable des appréciations qui sont portées par le procureur général. Donc, je n’ai pas d’autre commentaire à faire là-dessus », a répondu Mme Parly.

Depuis le début de la polémique provoquée par cette tribune, le nombre de signataires a dépassé 24.700, dont désormais 56 officiers généraux en 2e section.

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