L’USS Gerald Ford va-t-il être une source d’inspiration pour le porte-avions de nouvelle génération français?

Lors d’une visite à Lorient, le 29 mars, Florence Parly, la ministre des Armées, a donné le coup d’envoi des travaux d’avant-projet sommaire du Porte-avions de nouvelle génération [PA-NG], lesquels seront suivis par une phase appelée « avant-projet détaillé », puis par la construction du navire, qui débutera en 2025. À cette occasion, elle a inauguré un « plateau » où se réuniront la Direction générale de l’armement [DGA], le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables [CEA] et les industriels impliqués dans ce programmes, dont Naval Group, les Chantiers de l’Atlantique et Technicatome.

Afin de déterminer le meilleur profil possible de la coque du PN-NG, ingénieurs et techniciens ont recours à la simulation numérique ainsi qu’à des maquettes à l’échelle 1/30, dont les profils sont évalués lors d’essais réalisés en bassin… et dans le lac de Castillon [Alpes-de-Haute-Provence]. Parallèlement à ces travaux portant sur l’hydrodynamique ainsi que sur la propulsion du futur navire, il s’agit d’optimiser les systèmes qu’il mettra en oeuvre, sachant qu’il devrait disposer de catapultes électromagnétiques [EMALS – ElectroMagnetic Aircraft Launching System] et d’un Équipement d’arrêt avancé [AAG – Advanced Arresting Gear].

D’où la visite, fin avril, d’une délégation française à bord du nouveau porte-avions américain USS Gerald Ford, qui poursuivant actuellement ses tests et essais post-livraison [post-delivery test and trials – PDT&T], intégre de tels systèmes.

Ainsi, selon un communiqué de l’US Navy, cette délégation française, emmenée par l’ingénieur général de l’armement Nicolas Hué et le vice-amiral Éric Malbrunot, responsable des plans et programmes à l’état-major de la Marine nationale, a pu « observer » le fonctionnement des catapultes électromagnétiques ainsi que le dispositif d’arrêt avancé. Cela permettra « à la France d’affiner la conception » de son porte-avions de nouvelle génération », est-il souligné dans le texte.

« Cette visite a été particulièrement bénéfique pour l’avenir de l’aviation navale » car elle a permis à « nos alliés français […] d’acquérir une expérience de première main avec nos systèmes et de parler avec nos techniciens », a commenté le capitaine de vaisseau Paul Lanzilotta, le « pacha » de l’USS Gerald Ford. Et pour lui, cela ne peut être que bénéfique « alors que nous travaillerons ensemble dans les décennies à venir. »

« La visite de l’USS Ford a permis à la DGA de voir à la fois l’intégration d’EMALS et de l’AAG dans une nouvelle conception de porte-avions et de préparer l’intégration du prochain E-2D Advanced Hawkeye », a déclaré l’IGA Hué. Et d’ajouter : « Tout aussi important, nous avons pu constater de nombreuses innovations dans la conception de l’USS Ford, ce qui sera intéressant pour notre processus de développement du PA-NG. »

Selon l’US Navy, la délégation française s’est fait présenter « 23 nouvelles technologies », dont certaines ont donné lieu à quelques difficultés lors de leur mise au point. C’est d’ailleurs le cas des catapultes électromagnétiques et du système AAG qui, fournis par General Atomics, réprésentent 25% du coût de l’USS Gerald Ford [13,5 milliards de dollars, ndlr].

Pour rappel, le fonctionnement des catapultes électromagnétiques reprose sur un moteur à induction linéraire. Ainsi, des courants électroniques circulant de part et d’autre d’un rail de catapultage générent un champ magnétique afin de mettre en mouvement un chariot mobile sur lequel est fixé l’aéronef. Théoriquement, un tel dispositif permet de « catapulter » un avion [ou un drone] emportant davantage de carburant et de munitions tout en réduisant les contraintes mécaniques sur sa cellule.

Par rapport aux catapulte à vapeur, les EMALS exigent une maintenance beaucoup plus réduite tout offrant une fréquence des catapultages plus élevée.

Cependant, le dernier rapport du directeur des tests opérationnels et de l’évaluation du Pentagone [DOT&E, Director, Operational Test & Evaluation Office], s’est montré une nouvelle fois très critique à l’endroit de ces catapultes électromagnétiques, mettant en cause leur fiabilité, jugée insuffisante.

« La fiabilité médiocre ou inconnue des nouveaux systèmes technologiques essentiels pour les opérations aériennes, dont les EMALS et l’AAG, pourrait nuire à la capacité de l’USS Gerald Ford à générer des sorties [aériennes] », avait résumé le DOT&E, en janvier dernier.

Quoi qu’il en soit, le commandant du Carrier Strike Group [CSG] 12, le groupe aéronaval de l’USS Gerald Ford, s’est dit « convaincu que l’acquisition d’EMALS et d’AAG par la France ainsi que l’adoption d’une configuration de pont d’envol similaire à celle des porte-avions de la classe Ford vont améliorer » l’interopérabilité entre l’US Navy et la Marine nationale.

« La France et les États-Unis restent les deux seuls pays à exploiter des porte-avions à propulsion nucléaire, et cette visite a été cruciale pour nous afin de maintenir ce haut niveau d’interopérabilité pour les futures opérations conjointes », a acquiescé le vice-amiral Malbrunot.

Photos : US Navy

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