SCAF : Safran, MTU et ITP Aero ont trouvé un accord sur le moteur du futur avion de combat européen

Ces dernières semaines, les discussions – compliquées – entre Dassault Aviation et Airbus [avec ses filiales allemande et espagnole] ont alimenté la chronique, les industriels peinant à s’entendre sur le partage des tâches et les questions de propriété intellectuelle concernant le développement de l’aviation de combat [le NGF pour New Generation Fighter], sur lequel reposera le Système de combat aérien du futur [SCAF]. Un accord a cependant fini par être trouvé et le dossier est désormais entre les mains des États clients, à savoir la France [qui dirige ce programme], l’Allemagne et l’Espagne.

Le 20 avril dernier, recevant son homologue allemande, Annegret Kramp-Karrenbauer, la ministre française des Armées, Florence Parly, a affirmé qu’il fallait un accord entre les États d’ici la fin du mois afin de pouvoir lancer la phase 1B du programme, celle ouvrant la voie à la mise au point d’un démonstrateur. Nous y sommes… Et, pour le moment, on attend toujours la fumée blanche, la question de la propriété intellectuelle faisant a priori obstacle.

Cela étant, pendant que Dassault Aviation et Airbus négociaient ferme et alors qu’on la croyait réglée avec la création d’une co-entreprise par le français Safran et l’allemand MTU, la question de la motorisation du futur avion de combat est revenue sur le tapis, en partie à cause de l’arrivée du motoriste espagnol ITP Aero [filiale de Rolls Royce] dans l’équation de départ.

En effet, MTU et ITP Aero auraient voulu imposer le moteur Eurojet, lequel équipe l’avion de combat européen Eurofighter Typhoon aux dépens du M-88 du Rafale, développé par Safran. En outre, le motoriste espagnol n’adhérait pas au principe du « meilleur athlète », pourtant à la base du programme SCAF. Finalement, les trois industriels ont fini par s’entendre.

« Safran Aircraft Engines, MTU Aero Engines et ITP Aero ont finalisé un accord de coopération pour le développement, la production et le soutien communs du moteur du futur avion de combat européen [NGF], qui est un élément central du SCAF [Système de Combat Aérien du Futur] », ont-ils en effet annoncé, via un communiqué publié le 29 avril.

Dans le détail, ITP Aero sera le « partenaire majeur » d’EUMET [European Military Engine Team], la co-entreprise créée par Safran et MTU sous la pression de la chambre basse du Parlement allemand [Bundestag]. Cette disposition permettra ainsi d’assurer une « répartition à parts égales entre la France, l’Allemagne et l’Espagne » des tâches et de la charge de travail relatives aux moteurs du NGF. En outre, ce sera bien le moteur M88 qui propulsera le démonstrateur de ce futur avion de combat. Du moins si ce dernier finit par voir le jour.

« Le SCAF est un programme hautement stratégique, car il nous permettra de maintenir nos compétences fondamentales dans la propulsion militaire, tout en renforçant les capacités de défense nationale et européenne », a fait valoir Jean-Paul Alary, le Pdg de Safran Aircraft Engines. « En tant que leader de la conception et de l’intégration du moteur du NGF, Safran Aircraft Engines se réjouit de bâtir des fondations solides et de renforcer le partenariat avec les équipes de MTU et d’ITP Aero », a-t-il ajouté.

Directeur des programmes de MTU et président non-exécutif de l’assemblée générale d’EUMET, Michael Schreyögg a expliqué que cet accord établit un « cadre sécurisé et solide qui permettra aux partenaires de prendre des décisions pragmatiques et ciblées, pendant tout le cycle de vie du moteur. » Désormais, a-t-il continué, « nous allons nous concentrer ensemble sur les prochaines étapes majeures : sécuriser le contrat pour la phase de démonstration au cours des prochains mois et monter en cadence sur les activités de développement, conformément au calendrier très ambitieux qui a été défini jusqu’en 2040. »

Quant au Pdg de ITP Aero, Carlos Alzola, cet accord « marque une étape très importante » pour le motoriste espagnol. « Nous pensons que ce programme sera déterminant pour l’avenir d’ITP Aero, mettant en valeur le rôle et les capacités de l’industrie de défense espagnole pour contribuer à l’avenir de la souveraineté européenne », a-t-il dit.

Les responsabilités sont maintenant clairement établies : au sein d’EUMET, Safran sera chargé de la conception et de l’intégration des moteurs, avec le soin confié à ITP Aero de s’occuper des turbines bassse pression et de la tuyère. De son côté, MTU sera le chef de file pour les services associés.

« Selon le calendrier défini par les autorités nationales, la prochaine phase de recherche et technologie [R&T 1B/2] devrait franchir les processus d’approbation nationaux d’ici le milieu de cette année, afin de faire avancer le programme SCAF à l’étape supérieure », rappellent les trois industriels. Mais pour l’instant, la balle est dans le camp des États… Et tout dépendra de ce que décidera le Bundestag quand il sera saisi des accords qui viennent d’être obtenus, si possible avant l’été… et les prochaines élections fédérales allemandes, dont l’issue pourrait tout remettre en cause.

Photo : Moteur M88

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