Ankara met la pression sur la base d’Incirlik, qui abrite des armes nucléaires de l’Otan et des forces américaines

Durant le mandat de Donald Trump à la Maison Blanche, les États-Unis ont renforcé leur coopération militaire avec la Grèce. Lancées en 2018, des négociations entre Washington et Athènes aboutirent, un an plus tard, à la signature d’un accord permettant aux forces américaines d’accroître leur présence en Méditerranée orientale grâce à un accès privilégié à certaines emprises militaires grecques.

« Si vous regardez la géographie ainsi que les opérations actuelles en Libye et en Syrie tout en considérant les autres opérations potentielles en Méditerranée orientale, la Grèce offre des opportunités importantes », avait expliqué le général Joseph Dunford, peu avant de quitter ses fonctions de chef d’état-major interarmées.

En octobre 2020, à l’occasion d’une visite en Grèce de Mike Pompeo, alors chef de la diplomatie américaine, le quotidien grec Estia avait évoqué un possible transfert de la base turque d’Incirlik vers celle de Souda [Crète] du dépôt de bombes nucléaires tactiques B-61 mises à la disposition de l’Otan par les États-Unis. Ce qui n’a, depuis, pas été confirmé.

Cela étant, une telle hypothèse n’était pas sans fondement. Construite en 1951 par les États-Unis, la base d’Incirlik joua un rôle important durant la Guerre Froide dans la mesure où sa situation permettait aux forces américaines  – et à l’US Air Force en particulier – de surveiller les activités soviétiques sur le front sud de l’Otan. Actuellement, elle est une plaque tournante pour les opérations militaires américaines au Moyen-Orient, et, dans une moindre mesure, en Méditerranée orientale.

Cela étant, Ankara remet régulièrement en question la présence des forces américaines sur cette base, en particulier quand les relations avec Washington battent de l’aile. En août 2018, une association d’avocats, proche du président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait ainsi déposé une plainte pour exiger l’arrestation d’officiers américains affectés à Incirlik. Le motif? Leur participation présumée à la tentative coup d’État de juillet 2016, attribuée au mouvement güleniste.

Plus récemment, le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu, avait parlé de « réévaluer » le statut des bases d’Incirlik et de Kurecik [qui abrite un radar d’alerte avancée de l’Otan] en cas de sanctions américaines pour l’achat, par Ankara, de systèmes russes de défense aérienne S-400.

D’où la recherche par le Pentagone d’une alternative à la base Incirlik… Et la trouver risque de devenir urgent, tant les relations entre Washington et Ankara deviennent de plus en plus compliquées.

Alors que, après avoir exclu la Turquie du programme F-35, l’une des dernières décisions de l’administration Trump aura été de sanctionner l’industrie turque de l’armement, les États-Unis ont officiellement reconnu, le 24 avril et à l’initiative du président Biden, l’existence du génocide arménien, commis en avril 1915 par l’Empire ottoman.

Son homologue turc a mis deux jours pour réagir. Et, le 26 avril, M. Erdogan a en effet fini par estimer que cette décision allait avoir un « impact destructeur » sur les « relations » entre Washington et Ankara. Et, comme on pouvait s’y attendre, la pression est de nouveau mise sur la présence militaire américaine à Incirlik.

Suite à des manifestations organisées par des mouvements nationalistes pour exiger le départ des forces américaines, l’agence officielle Anadolu a rapporté des propos tenus par des sources du ministère turc de la Défense.

Ainsi, affirme-t-elle, une « discussion sur la base d’Incirlik a été mise à l’ordre du jour après que le président Biden a qualifié les événements de 1915 de génocide ». Et il a été dit que les « drapeaux américains devraient retirés ».

« L’utilisation de certaines installations à la base d’Incirlik se fait conformément à l’accord de défense et de coopération économique signé entre la Turquie et les États-Unis le 29 mars 1980. Et cet accord stipule que « le gouvernement de la République de Turquie autorise le gouvernement des États-Unis à participer à des mesures de défense conjointes dans les installations des forces armées turques à Incirlik », ont souligné les interlocuteurs d’Anadolu.

Aussi, ces derniers ont affirmé qu' »Incirlik est l’une des bases des forces turques et que toutes les installations qui s’y trouvent appartiennent à la Turquie. » Y compris le dépôts des bombes nucléaires tactiques B-61 et les infrastructures utilisées par les forces américaines?

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