Le ministre allemand des Finances s’inquiète du risque de dérapage financier pour le drone MALE européen

En 2013, Airbus, Dassault Aviation et Leonardo firent part de leur intention de s’associer pour développer un drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] européen. Un programme fut donc confié à l’Allemagne, avec la France, l’Italie et l’Espagne pour partenaires, sous l’égide de l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement [OCCAr].

Et, initialement, il était question de pouvoir disposer des premiers appareils dès 2025. Seulement, les choses se compliquèrent. Ayant mis plus d’argent sur la table que les autres, avec l’intention d’en commander 21 exemplaires, l’Allemagne fut en bonne position pour imposer ses vues. Et ce drone MALE européen [appelé MALE RPAS ou EuroDrone] sera un appareil de dix tonnes, doté de deux turbopropulseurs et de capteurs, assure-t-on, très performants.

Évidemment, de telles spécifications ne purent qu’alourdir la note. D’où des négociations compliquées entre les industriels impliqués et les futurs clients. On se souvient que la France, par la voix de Mme Parly, la ministre des Armées, a menacé à plusieurs reprises de mettre fin au programme, dont les coûts étaient supérieurs à 30% par rapport à ce qui avait envisagé au départ.

Finalement, avec près d’un an de retard sur le calendrier, la situation s’est éclaircie en novembre dernier, avec la finalisation d’un projet de contrat par l’OCCAr et Airbus Defence & Space, le maître d’oeuvre du projet. Restait alors à attendre le feu vert des États clients pour passer à la phase suivante. Ce qui était attendu en mars 2021, après un vote du Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand. Et ce devait être une formalité, chrétiens-démocrates [CDU/CSU] et sociaux-démocrates [SPD] s’étant mis d’accord pour valider le programme.

Or, cette échéance passée, l’Eurodrone est toujours au même point… Et de nouvelles complications sont apparues. Ainsi, La Tribune a avancé que l’Espagne n’a plus le budget nécessaire pour ce programme, l’investissement dans le Système de combat aérien du futur [SCAF] ayant été privilégié. Et un autre souci est apparu avec des bisbilles au sujet de la motorisation, Rome menaçant de retirer sa participation financière si la candidature d’Avio Aero, filiale italienne de l’américain General Electric, n’était pas retenue, aux dépens de Safran Helicopter Engines.

Mais un autre charge contre l’Eurodrone est venue… d’Olaf Scholz, le ministre allemand des Finances [et peut-être futur chancelier, si le SPD arrive en tête lors des élections fédérales de septembre prochain].

Ainsi, avance le quotidien économique Handelsblatt, ce dernier n’a pas seulement transmis le contrat négocié entre les industriels et les États clients à la commission budgétaire du Bundestag [qui doit se prononcer sur les 3 milliards d’euros d’investissements nécessaires] mais aussi un document d’une dizaine de pages dans lequel il fait part de ses préoccupations concernant ce programme.

Et la première d’entre-elles porte sur une « répartition des risques inhabituellement unilatérale aux frais des clients, ce qui pourrait entraîner des surcoûts imprévisibles à l’avenir. » Qui plus est, il faudra « disposer de fonds supplémentaires » après la phase de développement [après 2025] « pour lesquels il n’y a pas de provision budgétaire identifiable ». Enfin, le document critique également le fait que le programme soit coordonné par l’OCCAr, une structure où l’Allemagne n’a que peu d’influence.

Selon Handelsblatt, le contrôle fédéral des finances a également identifié un risque de dérapage des coûts… Mais il a également fait valoir que c’est le lot de presque tous les programmes d’armement. Aussi, il revient au Bundestag de prendre une décision « politique » et non pas seulement budgétaire.

Les critiques du ministère allemand des Finances ont trouvé un certain écho. Notamment auprès des Verts, dont le responsable des questions de défense, Tobias Lindner. Pour ce dernier, le projet de contrat pour l’Eurodrone est « le pire » qu’il a vu au cours de « ces dix dernières années ». Et d’ajouter : « La coopération européenne ne peut pas être un prétexte pour conclure de tels mauvais contrats ».

Quoi qu’il en soit, la campagne pour les prochaines élections est lancée… C’est, en tout cas, ce que relève la CDU/CSU, qui soupçonne M Scholz de freiner des quatre fers pour empêcher la Bundeswehr de se doter de drones armés. D’ailleurs, il n’aurait toujours pas transmis au Bundestag la proposition d’achat d’appareils Heron TP auprès d’Israël. Et pour cause : cela lui permettrait de s’assurer du soutien de Rolf Mützenich, le chef de file des sociaux-démocrates, qui incarne l’aile gauche du SPD.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]