Manille met en garde Pékin contre des « hostilités indésirables » en Mer de Chine méridionale

Depuis plusieurs semaines, plus de 200 « navires de pêche » soupçonnés d’appartenir à la milice maritime chinoise ont jeté l’ancre près du récif philippin « Julian Felipe » [ou Whitsun Reef], officiellement, selon Pékin, pour se protéger des mauvaises conditions météorologiques.

À Manille, on sait à quoi s’en tenir : à deux reprises, la Chine a envoyé sa milice maritime dans près de îlots et récifs philippins qu’elle convoitait. Cela s’est en effet produit pour l’atoll de Mishief, dans les années 1990, ainsi que pour celui de Scaroborough, en 2012.

Aussi, les ministres philippin de la Défense et des Affaires étrangères ont eu beau protester et multiplier les annonces sur l’envoi des garde-côtes et d’avions de combat dans les environs du récif Julian Felipe, rien n’y fait. Et, dans ses réponses, la Chine affirme invariablement que ce dernier fait partie des îles Spratleys [ou Nansha], dont elle revendique la propriété.

Alors qu’il avait amorcé un rapprochement avec Pékin au début de son mandant, en 2016, le président philippin, Rodrigo Duterte, est jusqu’à présent resté en retrait dans cette affaire. Mais son principal conseiller, Salvador Panelo, est monté au créneau, le 5 avril. « Les incursions chinoises produisent une tache » sur les relations entre les Philippines et la Chine et « peuvent déclencher des hostilités indésirables que les deux pays préféreraient éviteré », a-t-il dit. Et d’ajouter : « La question du différend territorial doit être réglée par des négociations diplomatiques ou par le droit international » mais « notre souveraineté n’est pas négociable. »

Le porte-parole de M. Duterte, Harry Roque, a ensuite enfoncé le clou lors d’une conférence de presse. « Nous n’abandonnerons même pas un seul pouce de notre territoire national ou de notre zone économique exclusive », a-t-il dit.

La diplomatie chinoise n’a pas réagi aux propos des proches de Rodrigo Duterte. En revanche, elle ne s’est pas privée de le faire avec ceux que le ministre philippin de la Défense, Delfin Lorenzana, a tenus, les 3 et 4 avril.

Dans un premier temps, M. Lorenzana a de nouveau exigé le départ des navires de pêche chinois du récif Julian Felipe, contestant l’argument du mauvais temps avancé par Pékin.

« L’ambassadeur de Chine a beaucoup d’explications à donner. Selon notre dernière surveillance maritime et aérienne, il y a encore 44 navires chinois qui se trouvent près du récif Julian Felipe Reef. […] Je ne suis pas un imbécile. Le temps a été clément jusqu’à présent, ils n’ont donc aucune autre raison de rester là-bas. Ces navires devraient être sur le point de partir. Partez maintenant! », a affirmé le ministre philippin.

Puis, le lendemain, il s’en est pris aux revendications de Pékin en mer de Chine mériodionale. Revendications qui, selon un avis rendu en 2016 par la Cour permanente d’arbitrage [CPA] de La Haye, « n’ont aucun fondement juridique. » C’est d’ailleurs ce qu’il a rappelé. « Le mépris total de l’ambassade de Chine à Manille à l’égard du droit international est consternant », a-t-il lancé. « Les revendications des Philippines reposent sur des bases solides, contrairement à celles de la Chine », a-t-il insisté.

L’ambassade de Chine a réagi en produisant la même réponse qu’elle avait faite il y a deux semaines. « Niu’e Jiao [nom chinois du récif Julian Felipe, ndlr] fait partie des îles chinoises Nansha. Les eaux autour de Niu’e Jiao sont un lieu de pêche traditionnel pour les pêcheurs chinois depuis de nombreuses années. Les pêcheurs chinois pêchent dans les eaux pour leur subsistance chaque année. Il est tout à fait normal que les bateaux de pêche chinois pêchent dans les eaux et s’abritent près du récif en cas de mer agitée. Personne n’a le droit de faire des remarques gratuites sur de telles activités », a-t-elle affirmé, appelant les autorités philippines concernées à éviter « toute remarque non professionnelle susceptible de susciter davantage d’émotions irrationnelles. »

Puis, ce 6 avril, le ministère chinois des Affaires étrangères a haussé le ton. « La Chine exhorte les Philippines à cesser les allégations sans fondement sur la question de la mer de Chine méridionale », a déclaré Zhao Lijian, un porte-parole, avant de qualifier « d’illégale » la « sentence » rendue en 2016 par la CPA de La Haye.

« Nous espérons que les Philippines adopteront un point de vue objectif et correct et cesseront immédiatement leurs allégations sans fondement afin d’éviter tout impact négatif sur les relations bilatérales ainsi que sur la paix et la stabilité en mer de Chine méridionale », a-t-il ensuite conclu.

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