Des mercenaires russes accusés par des experts de l’ONU de commettre des exactions en Centrafrique

En décembre dernier, à quelques jours de l’élection présidentielle centrafricaine, plusieurs groupes armés dénoncèrent l’accord de paix signé à Khartoum en février 2019 et annoncèrent leur regroupement au sein d’une « Coalition des patriotes pour le changement » [CPC] tout affirmant leur intention de « marcher sur Bangui », la capitale.

Cette coalition lança donc à cette fin des attaques simultanées et coordonnées à partir de trois axes principaux, notamment vers les localité de Bozoum, Bambari ou encore Sibut.

La reprise des hostilités obligea les Casques bleus de la Mission des Nations unies en République centrafricaine [MINUSCA] à intervenir, avec, parfois, le concours des mercenaires russes présents dans le pays… étant donné que les forces de sécurité locales ne furent pas en mesure de le faire.

« Le plan de sécurité électorale prévoyait que les forces nationales seraient les premières à intervenir en cas de menaces contre la sécurité. La MINUSCA a été contrainte de se charger de la plupart des tâches en matière de sécurité en raison de l’incapacité des forces nationales à déployer les effectifs convenus avant les élections et des nombreuses défections et désertions parmi ceux qui ont été déployés. Sur les 2.500 membres des forces armées nationales initialement prévus, 296 ont été déployés et sur les 759 membres des forces de sécurité intérieure prévus, 394 ont été déployés », a récemment relevé Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, dans son dernier rapport sur la situation en Centrafrique.

À la demande du président centrafricain, Faustin-Archange Touadera, les forces françaises effectuèrent deux « démonstrations de présence » avec les Mirage 2000D basés à N’Djamena. Quant à la Russie, qui n’a cessé de renforcer son influence dans le pays en signant avec Bangui plusieurs accords de coopération ayant ouvert la voie à la présence, notamment, de la société militaire privée [SMP] Wagner, elle annonça l’envoi d’un renfort de « 300 instructeurs militaires pour la formation de l’armée nationale. » Le Rwanda en fit de même.

Depuis, le président Touadéra a été réélu. Pour autant, la situation est loin d’être stabilisée. D’autant plus que l’ex-président François Bozizé, renversé en 2013 par la coalition de la Séléka, a pris la tête de la CPC, qui compte pourtant des groupes qui furent à l’origine de sa chute…

En mars, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution qui, proposée par la France, prévoit d’augmenter progressivement l’effectif de la MINUSCA de 3.700 Casques bleus supplémentaires pour éviter, le cas échéant, « une future détérioration de la situation sécuritaire, tout en créant un espace pour faire progresser le processus politique. » La Russie, membre permanent, s’est abstenue sur ce texte, sans donner d’explication.

Or, le 31 mars, le groupe de travail de l’ONU sur les mercenaires a publié un communiqué pour faire part de son « trouble » face aux actions « interconnectées de Sewa Security Services, de Lobaye Invest SARLU et du groupe Wagner » et exprimer ses « préoccupations quant à leurs implications dans une série d’attaques violentes survenues depuis les élections présidentielles du 27 décembre 2020. » À noter que l’activité de ces SMP russe n’a nullement été évoquée dans le dernier rapport de M. Guterres…

Or, les experts de ce groupe de travail ont également exprimé « leurs préoccupations quant à la proximité et l’interopérabilité entre ces entrepreneurs et la MINUSCA », faisant état de « réunions coordonnées en présence de ‘conseillers russes’, y-inclut dans les bases de la MINUSCA, ainsi que des évacuations médicales de ‘formateurs russes’ blessés vers les bases de la MINUSCA. »

« Cette indistinction entre les opérations civiles, militaires et de maintien de la paix pendant les hostilités crée une confusion quant aux cibles légitimes et augmente les risques de violations généralisées des droits de l’homme et du droit humanitaire », ont-ils souligné.

Qui plus est, ce groupe de travail de l’ONU dit avoir reçu et continuer de recevoir des rapports faisant état de « graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international, imputables aux militaires privés opérant conjointement avec les forces armées centrafricaines et, dans certains cas, avec les forces de maintien de la paix des Nations unies. »

Il est ainsi question « d’exécutions sommaires massives, de détentions arbitraires, de torture pendant les interrogatoires, de disparition forcées, de déplacements forcés de la population civile, de ciblage indiscriminé d’installations civiles, de violations du droit à la santé et d’attaques croissantes contre les acteurs humanitaires. »

S’agissant des organisations humanitaires, le rapport de M. Guterres a recensé 66 incidents les concernant en janvier 2021, « soit le plus grand nombre jamais enregistré ». Et d’ajouter que « les zones les plus dangereuses pour les travailleurs humanitaires ont Bangui, suivie de Ndélé, Batangafo, Kaga-Bandoro et Bria » et que les « incidents les plus récents concernent l’ingérence dans l’acheminement de l’aide d’urgence, les menaces, le détournement
de l’aide, le prélèvement illégal de taxes et les restrictions de mouvement. » Les auteurs de ces actes ne sont à aucun moment désignés dans le document.

Quoi qu’il en soit, « le groupe de travail déplore l’absence d’enquêtes ainsi que le manque de détermination afin d’identifier les responsables de ces abus », ont affirmé les experts, pour qui « les liens étroits entre les différents acteurs, ainsi que le manque de transparence, compromettent encore plus les chances de mener une enquête impartiale et de faire en sorte que les responsables de ces abus et violations rendent des comptes. » Aussi, ils estiment qu’il est « urgent de clarifier le rôle des ‘partenaires internationaux’ et l’obligation de rendre des comptes afin d’instaurer une paix et une stabilité durables en République centrafricaine. »

 

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