D’importants mouvements de troupes russes signalés près de l’Ukraine et en Crimée

En juillet 2020, soit sept mois après leur première rencontre à Paris, et à l’issue de discussions menées sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe [OSCE], Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, les présidents russe et ukrainien, annoncèrent un nouvel accord de cessez-le-feu le long de la ligne de front séparant les rebelles pro-russes du Donbass [sud-est de l’Ukraine] et les forces pro-gouvernementales ukrainiennes. Comme les précédentes, cette trève fut régulièrement violée par des échanges de tirs entre les deux parties… sans pour autant remettre en cause le statu quo.

Cependant, ces derniers jours, il a été constaté par la Mission spéciale surveillance [MSS] de l’OSCE, dont la tâche est rendue plus compliquée par le brouillage de ses drones d’observation, une hausse significative du nombre de violations du cessez-le-feu, assortie d’une intensification des combats.

Ainsi, le 26 mars, 493 violations ont été signalées dans la région de Donetsk par la MSS [.pdf]. Et, ce jour-là, quatre soldats ukrainiens ont perdu la vie et deux autres ont été blessés. Selon Kiev, ils auraient été visés par une attaque au mortier. À noter que, depuis le début de cette année, 19 militaires ukrainiens, au total, ont été tués sur la ligne de front.

Dans le même temps, il a été observé une accumulation de nouveaux équipements militaires du côté des séparatistes [comme ici]. Trois jours avant l’acccrochage meurtrier de Donetsk, une vidéo montrant six chars [4 T-72 et 2 T-64BV] dans un convoi rebelle avait été diffusée sur les réseaux sociaux. Plus généralement, les derniers rapports quotidiens de la MSS signalent la présence non seulement de chars [dont le type n’est pas précisé] mais aussi celle d’obusiers dans les zones non tenues par les troupes gouvernementales ukrainiennes.

Qui plus est, d’importants mouvements de troupes ont eu lieu [et sont a priori encore en cours] dans le sud-ouest de la Russie et la Crimée. Pour cela, l’état-major russe a privilégié le rail. On ignore l’ampleur de cette manoeuvre. Mais elle est assez importante pour perturber le transport ferroviaire d’autres marchandises. Le 29 mars, le quotidien Kommersant s’est fait l’écho d’une plainte d’un responsable d’une usine de tracteurs de Saint-Petersbourg parce qu’il n’arrivait pas à trouver les « 8 à 10 plateformes par jour » pour livrer ses clients.

Cela étant, d’après les rapports hebdomadaires de la MSS, le trafic ferroviaire entre la Russie et le Donbass n’a pas augmenté significativement au cours de ces derniers jours.

Quoi qu’il en soit, Kiev et Moscou se renvoient la responsabilité des violations du cessez-le-feu récemment constatées. Le chef d’état-major ukrainien, le général Rouslan Khomtchak, a estimé que les forces séparatistes comptaient 28.000 combattants, encadrés par 2.000 « instructeurs et conseillers militaires russes ». Et de voir dans les mouvements de troupes russes une « menace pour la sécurité ».

Les autorités russes ont en quelque sorte pris les devants. Le 30 mars, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a accusé le président ukrainien de « rejeter toute idée de dialogue » avec les séparatistes du Donbass. « Comment régler un conflit si une partie ne veut pas communiquer avec l’autre? », a-t-il demandé.

Et d’ajouter : « Nous voyons maintenant une escalade des tensions sur la ligne de contact. En fait, les modestes réalisations qui ont été accomplies auparavant ont été effacées » et les « tensions augmentent et personne ne voit de raison de se rassembler au plus haut niveau ».

Le lendemain, et alors que M. Poutine venait d’avoir une conversation avec le président Macron et la chancelière Merkel [la France et l’Allemagne étant impliqués dans la recherche d’une solution au conflit, dans le cadre du dialogue au format dit de « Normandie », ndlr], le porte-parole du Kremlin a enfoncé le clou. « Nous exprimons notre inquiétude face aux tensions croissantes et au fait que, sous une forme ou une autre, la partie ukrainienne puisse prendre des mesures conduisant à la guerre. Nous ne voulons vraiment pas voir cela », a-t-il dit.

Apportant leur soutien à l’Ukraine, les États-Unis fait part de leur inquiétude au sujet de la situation dans le Donbass.

« Nous sommes inquiets des récentes escalades de l’agression russe dans l’est de l’Ukraine, y compris des violations de l’accord de cessez-le-feu du 20 juillet qui a mené à la mort de quatre soldats ukrainiens le 26 mars, alors que deux autres ont été blessés », a ainsi déclaré John Kirby, le porte-parole du Pentagone. « Les actions déstabilisatrices de la Russie sapent la désescalade des tensions qui avait été réalisée » depuis la trêve, a-t-il continué. « De plus, nous sommes au courant des rapports militaires ukrainiens concernant les mouvements de troupes russes aux frontières de l’Ukraine », a-t-il dit

Alors que le chef des forces américaines en Europe [qui coiffe aussi la casquette de Commandant suprême des forces alliées en Europe – SACEUR], le général Tod D. Wolters, a placé ses troupes au niveau d’alerte « Crise imminente potentielle », le Kremlin a assuré que les mouvements des forces russes récemment observés ne vise qu’à « assurer la sécurité de la Russie » et qu’ils « ne constituent en rien une menace. »

Ce n’est évidemment pas la première fois que, depuis que le crise du Donbass a éclaté, en 2014, des mouvements de troupes russes sont signalés à la frontière et/ou en Crimée. Cette année là, l’Otan avait jugé « incroyablement inquiétante » la présence militaire russe qui avait été observée à la frontière ukrainienne. Et, plus récemment, la péninsule a accueilli un important exercice militaire, mêlant assaut aéroporté et opération amphibie. Comme en 2020, du reste.

Reste à voir les raisons de ce déploiement russe apparemment massif à la fontière urkrainienne et en Crimée. Un objectif possible pourrait concerner l’approvisionnement en eau. En effet, les canaux qui dirigeant les eaux du Dniepr vers la péninsule ont été coupés par Kiev, ce qui provoque régulièrement de pénuries. Il peut aussi s’agir pour Moscou de tester la nouvelle administration américaine, le président Biden tenant un discours « musclé » à l’égard de son homologue russe.

Si Washington marque régulièrement son soutien à Kiev, il est à noter que le chef de la Maison Blanche n’a toujours pas eu d’échange avec le président ukrainien depuis son investiture. Ce qui, note le New York Times, « soulève des questions », même si les États-Unis fournissent une aide relativement importante aux forces armées ukrainiennes.

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