Après l’attaque jihadiste contre Palma, le Portugal annonce l’envoi de 60 militaires au Mozambique

C’est par la messagerie Telegram que, le 29 mars, l’État islamique a revendiqué la prise de Palma, ville de plusieurs dizaines de milliers d’habitants située à dix kilomètres du site gazier d’Afungi, dans la province de Cabo Delgado, au Mozambique.

Pour rappel, la branche locale de l’EI [ISCAP], issue du groupe jihadiste Ahlu Sunnah wal Jamaa [les « adeptes de la tradition du prophète »], encore appelé « al-Shabab », avait lancé une offensive « suprise » contre la ville cinq jours plus tôt, piégeant ainsi les expatriés qui s’y trouvaient. Des informations parcellaires ont fait état de dizaines de civils et d’au moins 21 soldats mozambicains tués.

En tout cas, cette attaque jihadiste a provoqué l’exode de milliers de civils. Et, selon les autorités mozambicaines, une centaine de personnes sont actuellement portées disparues.

Dans son communiqué, l’EI affirme avoir attaqué « des casernes militaires et des quartiers généraux du gouvernement » et tué des « dizaines de militaires et de chrétiens, dont des ressortissants d’États croisés », dans une allusion aux pays occidentaux.

Depuis octobre 2017, et le début de l’insurrection lancée par Ahlu Sunnah wal Jamaa, les jihadistes n’ont cessé du gagner du terrain au Cabo Delgado, allant jusqu’à s’emparer du port de Mocimboa da Praia, essentiel pour la logistique des installations du site d’Afungi. Aussi, la première des conséquences est que, si rien n’est fait, l’EI est susceptible de disposer à nouveau d’un territoire où il aurait toute latitude pour recruter et former de nouveaux sympathisants… dans une région – le canal du Mozambique – qui ne manque pas d’intérêts stratégiques, à commencer par ceux liés à l’exploitation gazière.

Sur ce point, d’ailleurs, l’avancée des jihadistes risque de plonger le Mozambique dans de grandes difficultés financières étant donné qu’il s’est beaucoup endetté en misant sur les recettes gazières pour rembourser ses emprunts.

En outre, la France est également concernée pour plusieurs raisons : elle est un pays de la région, avec Mayotte et La Réunion, elle est toujours dans le collimateur de l’EI et le groupe Total est très impliqué au Cabo Delgado. D’où l’aide militaire que Paris envisage d’apporter à Maputo, sous forme d’entraînements et de formations.

Cela étant, ancienne puissance coloniale, le Portugal est particulièrement concerné par la situation dans le nord du Mozambique. En décembre, le ministre portugais de la Défense, João Gomes Cravinho, avait évoqué une aide logistique ainsi que la formation de militaires des forces armées mozambicaines pour « faire face au terrorisme dans la province de Cabo Delgado ».

« Ce que nous allons faire, c’est soutenir les autorités mozambicaines pour qu’elles puissent exercer leur souveraineté », avait alors expliqué le ministre. « L’émergence du terrorisme dans le nord du pays a des caractéristiques communes avec le terrorisme dans d’autres parties du monde […]. Mais elle a aussi des spécificités locales. Par conséquent, il est essentiel de comprendre ce qui vient de l’extérieur et ce qui s’est développé avec des racines nationales », avait-il également estimé.

Cette aide militaire ne s’est pas concrétisée. La prise de Palma par l’ISCAP a-t-elle accéléré les choses? Rien n’est moins sûr… même si, le 29 mars, le ministre lusitanien des Affaires étrangères, Augusto Santos Silva, a confirmé l’envoi au Mozambique de 60 militaires portugais « pour des actions de formation avec les forces spéciales mozambicaines, dans le cadre d’un plan de renforcement coopération technico-militaire bilatérale. »

En réalité, cet envoi de militaires portugais au Mozambique avait déjà été évoqué par João Gomes Cravinho, le mois dernier. « Les forces armées portugaises et mozambicaines travaillent pour que les travaux de formations puissent commencer sur le terrain bientôt, c’est à dire, espérons-le, au moins d’avril », avait-il dit. Ce sera « une mission de formation des commandos et des marines, donc des troupes spéciales mozambicaines », avait-il précisé.

En février, M. Santos Silva, dont le pays assure actuellement la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, avait plaidé pour une aide européenne en faveur du Mozambique dans le domaine de la sécurité.

« Il faut prendre des mesures pour lutter contre le terrorisme au Mozambique. Il est dans l’intérêt de l’Europe de participer à la gestion de la crise et de lancer des actions pour ce faire », avait-il dit. Et d’ajouter : « Nous ne pouvons pas accepter que l’islamisme radical, et le terrorisme issu de l’islamisme politique radical puissent étendre sa sphère d’influence dans l’est de l’Afrique. »

Pour le moment, il n’est pas question d’aller au-delà d’une aide en matière de formation dans la mesure où le gouvernement mozambicain n’a pas demandé d’intervention militaire extérieure au Cabo Delgado.

Par ailleurs, ayant déjà lancé une mission de formation au profit des forces spéciales de la marine mozambicaine, les États-Unis ont fait part de leur détermination à cooperer avec Maputo pour lutter contre les jihadistes, sans toutefois préciser les modalités de leur éventuelle contribution.

« Je n’ai aucun détail opérationnel à donner, mais nous condamnons les attaques terroristes contre la ville de Palma », a en effet déclaré John Kirby, le porte-parole du Pentagone. « Nous restons déterminés à coopérer avec le gouvernement du Mozambique en matière d’antiterrorisme et de lutte contre l’extrémisme violent, et pour vaincre l’EI », a-t-il conclu.

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