Manille envoie des navires près du récif « Julian Felipe », contesté par Pékin

Le 21 mars, le ministre philippin de la Défense, Delfin Lorenzana, a indiqué que 220 navires de pêche soupçonnés d’appartenir à la milice maritime chinoise avaient, deux semaines plus tôt, jeté l’ancre près du récif de Whitsun [encore appelé « Julian Felipe » à Manille], situé au sud-ouest de l’archipel Spratley, à 320 km de l’île philippine de Palawan.

« Nous appelons la Chine à immédiatement cesser cette incursion et à rappeler ces bateaux qui violent nos droits maritimes et s’infiltrent dans notre territoire souverain. […] Ceci est clairement une action provocatrice visant à militariser la zone. Il s’agit de territoires qui se trouvent largement à l’intérieur de la zone économique exclusive des Philippines », a déclaré M. Lorenzana. Dans la foulée, une note de protestation diplomatique a été adressée à Pékin par le ministère philippin des Affaires étrangères.

L’ambassade de Chine aux Philippines a fait savoir qu’elle avait pris note de la protestation du gouvernement philippin. Désignant le récif en question par son nom chinois [Niú è jiāo], elle a nié la présence de « prétendus navires de la milice maritime chinoise ». Et d’expliquer qu’il s’agissait de bateaux de pêche chinois qui y avaient trouvé refuge « en raison de conditions de mer agitées. »

Seulement, les reconnaissances effectuées par les forces armées philippines [AFP] ont établi que, au 21 mars, environ 180 navires de pêche chinois étaient encore présents dans les environs du récif « Julian Felipe ».

Par le passé, Pékin a mis la main sur des îlots et des récifs contestés en mer de Chine méridionale en y envoyant une imposante flottille de sa milice maritime, parfois sous la protection de sa garde-côtière, laquelle est désormais autorisée à faire usage de la force, sans sommation, contre tout navire étranger naviguant dans les eaux « sous juridiction » chinoise. C’est ainsi que les récifs philippins de Mischief et de Scarborough sont passés sous son contrôle. Et, s’agissant du second, Manille a bien pu obtenir un jugement favorable de la part de la Cour permanente d’arbitrage [CPA] de La Haye en 2016, rien n’a y fait.

Le récif « Julian Felipe » va-t-il connaître le même sort? Le président philippin, Rodrigo Duterte, qui réorienté la politique étrangère de son pays vers la Chine, a dit vouloir régler ce différend « par une approche diplomatique », « entre deux amis ».

Cela étant, le 25 mars, le chef d’état-major philippin, le général Cirilito Sobejana, a ordonné le déploiement de « navires supplémentaires » pour « renforcer la conduite des patrouilles de souveraineté maritime dans la mer des Philippines occidentale », selon un communiqué du porte-parole des forces armées philippines.

Et ce dernier d’ajouter : « Par une présence navale accrue dans la région, nous cherchons à rassurer nos populations sur l’engagement fort et inébranlable de l’AFP à les protéger et à les défendre contre le harcèlement et à faire en sorte qu’elles puissent jouir de leurs droits en matière de pêche, activité qui est à l’origine de leurs moyens de subsistance. »

Cependant, aucune précision n’a été donnée sur le nombre et le type de navires que l’AFP va envoyer près du récif « Julian Felipe ». La marine des Philippines a des moyens contraints, ne disposant que de deux frégates très récentes de classe « Jose Rizal », d’une corvette et de six patrouilleurs. La garde-côtière est quant à elle dotée d’une vingtaine de patrouilleurs hauturiers.

Le 23 mars, le général Sobejana a indiqué que, dans cette affaire, l’AFP s’opposerait à « toute incursion dans ce territoire souverain » [le récif « Julian Felipe », ndlr] mais dans une « approche pacifique, fondée sur des principes et des règles » pour résoudre les problèmes.

En attendant, les États-Unis ont apporté leur soutien aux Philippines. « Nous partageons les préoccupations de nos alliés philippins. La République populaire de Chine utilise des milices maritimes pour intimider, provoquer et menacer d’autres nations, ce qui nuit à la paix et à la sécurité dans la région », a déclaré l’ambassade américaine à Manille, ajoutant que les « bateaux chinois sont présents dans la région depuis de nombreux mois, en nombre toujours croissant et quelle que soit la météo ». Et d’insister : « Nous sommes aux côtés des Philippines, notre plus ancien allié en Asie ».

L’ambassade de Chine aux Philippines a répondu, via Twitter, à son homologue américaine, en lui rétorquant, en substance, de se mêler de ses affaires. « Les États-Unis ne sont pas partie à la question de la mer de Chine méridionale. Attiser les flammes et provoquer la confrontation dans la région ne servira que les intérêts égoïstes de chaque pays et sapera la paix et la stabilité régionales », a-t-elle affirmé. « La Chine et les Philippines sont des pays souverains et indépendants. Nous avons la volonté, la sagesse et la capacité de traiter correctement ces questions par le biais de canaux bilatéraux », a-t-elle conclu.

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