Comme le SCAF, le projet de char de combat franco-allemand est embourbé… Et l’Italie pourrait en profiter

S’il est fait grand actuellement des vicissitudes du Système de combat aérien du futur [SCAF], un autre programme franco-allemand, cette fois dirigé par l’Allemagne, est à l’arrêt. En effet, le MGCS [Main Ground Combat System], c’est à dire le char de combat du futur appelé à succéder au Leclerc et au Leopard 2, connaît également des difficultés.

Pourtant, au départ, ce programme s’annonçait plutôt bien grâce au rapprochement de Nexter et de Krauss-Maffei Wegmann [KMW], une co-entreprise qui, détenue à parts égales par Giat Industries et Wegmann & Co Gmbh, était appelée à jouer un rôle central. Ce qui devait par ailleurs simplifier la question du partage des tâches.

Seulement, les choses commencèrent par se gâter quand l’allemand Rheinmetall fit part de son intention de mettre la main sur [KMW], au risque de déséquilibrer KNDS. Puis le Bundestag y mit son grain de sel, exigeant de lier le sort du MGCS à celui du SCAF.

Finalement, les députés allemandes débloquèrent les fonds pour financer les études de concept de ce programme, après avoir obtenu la participation de Rheinmetall. Et, pour respecter la répartition à 50-50, il fut décidé de diviser ses études en 9 lots, attribués à parts égales entre les industriels impliqués.

Cela étant, lors d’une audition parlementaire, en 2018, le général Jean-Pierre Bosser, alors chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], avait prévenu : la coopération franco-allemande en matière de chars de combat n’allait pas être simple pour des raisons historiques. D’où, d’ailleurs, de précédents échecs antérieurs, comme avec l’EPC [Engin principal de combat] qui, au début des années 1980, devait remplacer les AMX-30 français et les Leopard 1 allemands…

« Le poids de l’histoire […] se retrouve dans la reconstruction de l’armée de Terre allemande, qui reste marquée par deux facteurs : d’une part le poids de l’Otan, y compris en matière d’organisation et d’interopérabilité, d’autre part la volonté d’être prioritairement tournée vers l’Est », avait expliqué l’ancien CEMA. Et d’ajouter : Le char est un « élément structurant » de la Bundeswehr et les Allemands sont [donc] « sensibles aux question de l’armement principal, de la motorisation et de la protection. »

S’il avait dit, à l’époque, qu’il arriverait bien à se mettre d’accord avec son homologue allemand sur l’expression des besoins militaires que devait couvrir le MGCS, le général Bosser avait prédit des « échanges plus compliqués » pour la « partie industrielle. »

Et c’est effectivement le cas, selon le quotidien économique Les Échos, qui a fait état des difficultés du programme MGCS dans son édition du 15 mars. « Quand les Français, fort de leur expérience sur de multiples terrains de guerre, imaginent pour l’avenir un char mobile, souple, capable de faire du combat urbain, les Allemands continuent à penser guerre de position face à une invasion venue de l’Est », écrit-il. Et de citer une source proche du dossier : « Nous découvrons avec surprise que les Allemands sont très conservateurs sur la technologie et ont du mal à se projeter à 2040. »

Pourtant, les mésaventures des Leopard 2A4 engagés par la Turquie en Syrie auraient dû faire évoluer la pensée allemande dans ce domaine. En effet, lors des combats contre Daesh à al-Bab, plusieurs de ces chars avaient été mis hors de combat car les jihadistes avaient vite compris que leurs flancs et que leur arrière étaient vulnérables, l’accent ayant été mise sur leur blindage avant, en vue d’un choc frontal.

Quoi qu’il en soit, indique le journal économique, le MGCS fait l’objet de différends au sujet du partage des tâches, Rheinmetall revendiquant la responsabilité sur les points les plus sensibles. Et viennent aussi s’ajouter les questions de propriété intellectuelle, avec la crainte de voir les savoir-faire de l’industrie française s’évanouir…

Reste que ces difficultés entre la France et l’Allemagne [auxquelles il faut ajouter les interrogations sur le projet de patrouille maritime et la modernisation des hélicoptères d’attaque Tigre] sont vues d’un bon oeil… par l’Italie. « Des espaces s’ouvrent », avance le mensuel transalpin Formiche, alors que le ministre italien de la Défense, Lorenzo Guerini, doit se rendre à Berlin, ce 16 mars, pour évoquer de possibles coopérations industrielles en matière d’armement. D’autant plus que Rome n’a jamais fait mystère de son intérêt pour le MGCS…

« Sur le concept d’autonomie stratégique [européenne], la vision allemande recoupe la vision italienne, tout comme elle l’était pour une coopération structurée permanente [CSP/PESCO] inclusive et ouverte autant que possible, » souligne Formiche. Et d’insister : « Ce qui divise Macron et Merkel unit l’Italie et l’Allemagne. »

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