Berlin fait un blocage sur la modernisation de l’hélicoptère d’attaque franco-allemand Tigre

En mai 2018, la ministre française des Armées, Florence Parly, annonçait le lancement, en coopération avec l’Allemagne, de la modernisation des hélicoptères d’attaque et de reconnaissance EC665 Tigre, développé par Airbus Helicopters. C’est une « nouvelle étape pour l’Europe de la défense et la consolidation de notre industrie », avait-elle dit à l’époque.

Puis, en septembre de la même année, et au nom de la France, de l’Allemagne et de l’Espagne, l’Organisme conjoint de coopération en matière d’armement [OCCAr] notifia à Airbus Helicopters, Thales et MBDA des études de levée de risques relative à cette modernisation à mi-vie du Tigre.

Dans le détail, il s’agit de porter cet hélicoptère au standard Mk3, en améliorant ses capacités et en le dotant de nouvelles, notamment dans le domaine du combat collaboratif. Pour l’Aviation légère de l’armée de Terre [ALAT], cela passe par la connexion de l’appareil au système d’information et de communication [SICS] du programme Scorpion. Plus généralement, il est question de le doter du système de gestion aéroporté MUM-T pour qu’il soit capable de communiquer avec des drones ou encore de l’armer du futur missile MHT [missile haut de trame] conçu par MBDA.

On pouvait donc penser que ce programme, dont le coût est évalué à 5,5 milliards d’euros, suivait son cours… En réalité, les choses sont plus compliquées. D’ailleurs, à l’issue du conseil franco-allemand du 5 février dernier, la chancelière Angela Merkel en a dit très brièvement un mot.

« Pour le Tigre standard 3, il y a toute une série de négociations à conduire, en particulier avec Airbus pour la partie allemande. Mais là encore, du côté français, on a souligné l’importance stratégique d’une bonne coopération sur ce dossier », a en effet dit Mme Merkel, en résumant les échanges qu’elle venait d’avoir avec le président Macron.

Selon l’agence Reuters, la Bundeswehr [forces armées allemandes, nldr], qui dispose d’une cinquantaine d’hélicoptères Tigre UHT, va à reculons dans cette affaire.

« La France tient à la modernisation, mais une partie de la Bundeswehr s’oppose à toute mise à niveau étant donné la faible disponibilité opérationnelle » de ses appareils, affirme l’agence de presse, citant des sources proches du dossier.

Pourtant, en novembre 2019, l’OCCAr a attribué un contrat de soutien de soutien global à Airbus Helicopters afin d’accroître la disponibilité des Tigre en service au sein des forces françaises, allemandes et espagnoles.

« Cet accord de soutien à long terme garantit la disponibilité et la facilité de maintenance du Tigre au-delà des dix prochaines années » et il « couvre des éléments critiques tels que l’amélioration continue et le traitement des obsolescences, ainsi que les réparations et la livraison des pièces de rechange garanties par tous les fournisseurs concernés », avait alors expliqué Airbus Helicopters.

En outre, avait précisé le constructeur, ce contrat « répond par ailleurs aux besoins individuels de chaque client, en fonction de ses scénarios opérationnels et de déploiement. » Ce qui devait se traduire, s’agissant de la France, par la garantie d’un taux de disponibilité des pièces de rechange allant jusqu’à 98 % et la simplification de la logistique.

D’après les derniers chiffres disponibles, la disponibilité des Tigre de l’ALAT s’élevait à 31% en 2020, contre 26% trois ans plus tôt.

En revanche, il est vrai que la situation des Tigre allemands est plus… compliquée. En janvier 2020, le quotidien Bild affirmait que, deux mois plus tôt,  seulement 8 appareils sur 53 étaient en état de voler. En outre, la flotte avait dû être immobilisée en août 2019, en raison de la découverte de boulons défectueux au niveau du système de contrôle des rotors. Un problème qui n’avait pas affecté les hélicoptères Tigre de l’ALAT, ni ceux de la FAMET [Fuerzas aeromobiles del Ejercito de tierra].

Quoi qu’il en soit, faute de modernisation, le Tigre sera condamné à plus ou moins longue échéance. Ce qui laisserait le champ libre à l’Agusta A.129 Mangusta italien ou bien à des appareils américains. D’où l’insistance de Paris à trouver un accord avec Berlin… Mais cette affaire donne un avant-goût des difficultés auxquelles il faudra s’attendre quand viendra le moment de moderniser d’autres systèmes d’armes conçu en coopération, comme le Système de combat aérien du futur [SCAF] ou le MGCS [le char de combat du futur].

« Pour être honnête, il serait beaucoup plus facile pour nous de travailler avec la Grande-Bretagne parce que nous partageons la même culture militaire », a confié un parlementaire français à Reuters [qui ne l’a pas identifié], au sujet du SCAF.

Photo : EMA

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