Les forces spéciales identifient quatre enjeux capacitaires majeurs pour s’adapter aux conflits hybrides

Outre le rôle qu’elles tiennent dans la lutte contre les organisations terroristes, tant au Sahel qu’au Levant, les forces spéciales françaises auront à s’adapter à « l’hybridation » des conflits, c’est à dire à la combinaison de moyens conventionnels, irréguliers et asymétriques dans le but de créer des tensions afin d’affaiblir un pays cible. Ce qui fait qu’elles auront tout leur place dans un engagement de « haute intensité », auquel se préparent les armées françaises.

« Les forces spéciales sont des précurseurs, à travers le combat hybride. Si la désescalade n’a pu être obtenue et que le conflit a mué en haute intensité, elles peuvent venir en appui des forces conventionnelles sur des points spécifiques ou en intervenant dans des zones particulières », a en effet résumé le général Éric Vidaud, le « patron » du Commandement des opérations spéciales [COS], lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale.

Ce qui n’est pas sans conséquences dans le domaine capacitaire. Ainsi, pour le COS, cette « hybridation » revêt quatre enjeux majeurs. Le premier est la résilience de ses systèmes, selon deux axes, qui sont « la souveraineté nationale dans l’accès aux capacités les plus structurantes et la capacité à opérer dans des environnements perturbés ou contestés. »

Sur ce point, le général Vidaud estime que le COS est encore trop dépendant, par exemple, dans le domaine des liaisons de données, lesquelles « ne peuvent pourtant plus être garanties en tout temps et en tout lieu, soit parce qu’elles peuvent être brouillées ou interceptées, soit parce qu’elles ne permettent pas la discrétion indispensable à la conduite d’opérations spéciales. »

Un second enjeu identifié par le GCOS concerne « l’accès aux zones de conflit en toute discrétion », que ce soit dans les milieux terrestres, aériens et maritimes mais également dans les champs « cyber et informationnels ». Sur ce point, il a fait remarquer que les forces spéciales utilisent des avions de transport C-130H Hercules « équipés d’une avionique qui date des années 1980 ».

Aussi, la modernisation de ces derniers ainsi que le recours à l’A400M [trois équipages de l’escadron 3/61 Poitou seront formés sur cet appareil, ndlr] sont les « deux conditons nécessaires au maintien d’un outil opérations spéciales ‘haut du spectre' », a estimé le général Vidaud, qui a fait l’impasse sur le sujet des hélicoptères de transport lourd [HTL]. Du moins, c’est ce qu’il en ressort du compte-rendu de l’audition, qui s’est tenue à huis-clos.

Dans le domaine terrestre, ce dernier a évoqué « l’aboutissement du programme VFS » [Véhicules Forces Spéciales], qui se décline en trois version [Véhicule léger pour forces spéciales, Poifs lourds pour forces spéciales et fadiers aérolargables, ndlr].

S’agissant du milieu marin, les commandos marine attendent beaucoup du PSM3G [Propulseur sous-marin de troisième génération], qui sera mis en oeuvre depuis les sous-marins nucléaire d’attaques [SNA] de type Suffren. Ils « sont un véritable atout stratégique pour accéder aux zones côtières » et il « s’agit aujourd’hui de consolider et de diversifier ses vecteurs de mise en place », a dit GCOS. Cela étant, « le développement de drones maritimes, notamment subaquatiques, pourraient nous conférer une plus grande autonomie et réduire les risques pris dans un milieu très exigeant », a-t-il ajouté.

Quant aux champs immatériels [cyberespace, espace, influence, etc], le général Vidaud a fait observer aux députés que ce domaine capacitaire étant « marqué par un tempo d’innovation particulièrement rapide, le moindre retard dans l’équipement est synonyme de déclassement. » Et que la « capacité à mener des actions d’influence doit être professionnalisée et pérennisée », ces deux « volets sont indispensables pour répondre aux stratégies hybrides de nos compétiteurs et adversaires stratégiques. »

Le quatrième enjeu concerne le « système d’information des opérations spéciales » [SIOS], qui devra permettre de tirer le bon grain de l’ivraie parmi la masse des informations collectées. « Il est indispensable pour distinguer les opportunités opérationnelles, alors que l’’infobésité’ génère un nouveau brouillard de la guerre, susceptible de paralyser la décision. Notre capacité à digérer ces masses d’informations conditionnera notre efficacité en matière d’information, de ciblage et d’influence », a expliqué le général Vidaud.

Ce SIOS, appelé à devenir la clé de voûte du système de combat des opérations spéciales, constitue par conséquent « l’enjeu majeur des dix années à venir », ce qui fait que c’est un « un défi à la fois conceptuel, technologique et national » car « dans ce domaine, l’autonomie n’est pas une option, c’est une obligation », a souligné le GCOS.

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