Pour le COS, les forces spéciales françaises n’ont « pas assez d’hélicoptères et pas assez en ordre de marche »

Dans son dernier livre, « Les guerriers sans nom« , Jean-Christophe Notin a donné la parole à une vingtaine de militaires des forces spéciales françaises pour permettre au lecteur de savoir « ce qu’ils sont et ce qu’ils font. » Et aucun aspect des opérations spéciales n’a été oublié. Et le chapitre dédié à l’innovation est particulièrement éclairant sur les difficultés qu’elles peuvent rencontrer.

« Au COS [Commandement des opérations spéciales], il y a à la fois les combat sur les théâtres d’opérations et les combats face à certaines pesanteurs de l’administration française… En sachant que le COS n’a quasiment aucune autonomie financière, en particulier pour l’achat, ce qui est assez pénalisant », résume ainsi le lieutenant-colonel Gildas.

Et ce dernier de poursuivre : « Pour tous les gros équipements, le COS dépend de l’interarmées, des armées et de la Direction générale de l’armement. Sa difficulté est qu’il n’est quasiment pas reconnu comme une entité capable d’exprimer des besoins capacitaires. Même si chaque année notre voix porte un peu plus, on doit se reposer sur les trois armées qui fournissent des commandos ».

Ce qui explique, en partie, les difficultés à progresser sur le dossier des hélicoptères de transport lourd [HTL], en souffrance depuis près de vingt ans. En 2014, un rapport du Sénat sur les forces spéciales avait déploré ce déficit capacitaire. Depuis, le sujet revient régulièrement dans le débat… Pour autant, les choses n’avancent pas, même si, l’an passé, l’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace avait dit songer à louer de tels appareils, en l’occurrence des MH-47G.

Reste que le besoin existe bel et bien pour les forces spéciales, comme l’a expliqué le colonel Michel à Jean-Christophe Notin. « Le HTL serait un game changer. Par fortes chaleurs, l’hélicoptère dont nous sommes dotés ne peut emporter que quatre hommes. Difficile de réaliser une opération fulgurante dans ces conditions… Et il n’a que deux heures d’autonomie. Donc, si votre cible est à trois heures, il faut d’abord larguer du carburant avec des chuteurs ops, afin que les hélicos puissent se ravitailler en route. On le fait, bien sûr, mais cela complique toujours les choses… ».

Pour le lieutenant-colonel Gildas, quatre hélicoptères de transport lourd suffiraient aux forces spéciales, tandis que d’autres pourraient très bien équiper les forces classiques. « Mais tout le monde n’est pas convaincu de son utilité. Il faut sans doute avoir employé le HTL en opération pour comprendre son extraordinaire potentiel », dit-il.

Pour le moment, les forces spéciales françaises sont bien obligées de compter sur des moyens alliés pour profiter d’une telle capacité. Tel était le cas en Afghanistan [avec des CH-47 Chinook américains]. Et tel est le cas actuellement au Sahel, grâce aux contributions du Royaume-Uni [et récemment du Danemark, avec des EH101 Merlin].

« Derrière, en filigrane, c’est une question d’autonomie stratégique et d’interopérabilité avec les forces spéciales alliées qui en sont toutes équipées », fait observer le lieutenant-colonel Gildas.

Ancien commandant des opérations spéciales, le général Grégoire de Saint-Quentin a identifié deux raisons pour expliquer ce « blocage » au niveau des hélicoptères de transport lourd. La première est « industrielle », parce que la France ne produit pas de tels appareils. Et la seconde est budgétaire. « Si on en achète, il faudra retirer d’autres matériels inscrits dans la Loi de programmation [militaire]. Nous avons déjà planifié la modernisation des NH-90, cela nous permettra de rester dans le peloton de tête des forces spéciales européennes. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il faudra y venir », a-t-il estimé.

Pour rappel, le 4e Régiment d’Hélicoptères des Forces Spéciales [RHFS] doit effectivement quatre NH-90 en version « forces spéciales ».

Selon l’actuel COS, le général Éric Vidaud, « pour le genre de combats que nous menons , le NH-90 FS sera parfait. Mais à condition que les appareils soient en meilleur ordre de marche que ce que nous avons actuellement. » Et, pour cette raison, l’achat d’hélicoptère de transport lourd n’est pas forcément la priorité.

« D’une manière générale, nous n’avons pas assez d’hélicoptères et pas assez en ordre de marche. C’est fort regrettable, car, très clairement, cela limite nos interventions dans des zones aussi vastes que le Sahel », a insisté le général Vidaud. Aussi, a-t-il affirmé, « dans l’immédiat, si on me laissait le choixn plus qu’un hélicoptère lourd, je préférerais que mon parc d’hélicoptères puisse voler correctement… »

Et pour cause. Pour le colonel Cerbère, « on vit une période complexe » car « très souvent, c’est l’hélicoptère le premier facteur limitant du nombre d’opérations réalisables. Et on peut le mesurer, parce qu’il y a des moments où on réussit à en effecter deux de plus au Sahel et on voit la courbe remonter. ». Aussi, « pour compenser un peu nos manques, nous avons un système d’emprunt réciproque avec Barkhane. Souvent, ils nous prêtent l’EVASAN [évacuation sanitaire] qui nous évite de dédier un de nos appareils à cette fonction, mais aujourd’hui on gère vraiment ça au millimètre », a-t-il expliqué.

À Lire : Les guerriers sans nom – Jean Christophe Notin – Editions Tallandier – 20,90€

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