Soldes : Le ministère des Armées liquide (enfin) le système LOUVOIS

Quand, à l’automne 2011, remontèrent les premières informations concernant des défaillances dans le paiement des soldes dues aux militaires, on ne se doutait problablement encore de l’étendue des dégâts qu’allait provoquer le Logiciel unique à vocation interarmées de la solde [LOUVOIS].

D’autant plus que, à l’époque, l’armée de Terre avait semblé minimiser le phénomène au regard des 130.000 bulletins mensuels de solde édités chaque mois. Les dysfonctionnements alors constatés semblent « très majoritairement provenir d’absence de vérifications des administrés eux-mêmes ou d’erreurs de saisies par les services administratifs », avait-elle expliqué, assurant que ces problèmes allaient être rapidement réglés pour « l’essentiel ».

Seulement, il n’en fut rien… La machine infernale s’étant mise en route, nombreux furent les militaires, principalement de l’armée de Terre, à connaître des erreurs dans le versement de leurs soldes… quand ces dernières leur étaient payées. Puis il fallut composer avec les « trop versés », source d’autres problèmes, au regard de l’administration fiscale et des services sociaux.

Évidemment, cela fut pas sans conséquences sur la vie des militaires victimes de tels dysfonctionnements… Ainsi que sur celle des familles.

Sans doute en aurait-il été autrement si, par prudence, les Centre de traitement administratif du commissariat [CTAC] n’avaient pas été dissous avant de raccorder les systèmes de gestion des ressources humaines [SIRH] au calculateur LOUVOIS… D’ailleurs, les dysfonctionnements de ce dernier donnèrent une charge de travail énorme au personnel des Centres Expert des Ressources Humaines et de la Solde [CERHS] de Nancy pour l’armée de Terre et de Toulon pour la Marine nationale.

« Depuis son entrée en fonction le 1er octobre 2011, le logiciel LOUVOIS s’est fait un nom, celui du désastre, et une sinistre réputation, celle du fiasco. Pendant des années, c’est un calculateur incontrôlable qui a arrêté le montant de la solde des hommes et des femmes qui servent notre pays. Pendant des années, ce sont les erreurs d’un logiciel qui ont rythmé la vie des militaires et lourdement pesé sur leur quotidien », a ainsi résumé Florence Parly, la ministre des Armées, dans une allocution au personnel du Service du commissariat des armées [SCA], ce 8 février.

En novembre 2013, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, annonça la décision d’abandonner LOUVOIS… Ce qui supposait de lui trouver un successeur, appelé « Source Solde ». Mais sa mise au point devait se faire autrement, c’est à dire en s’inspirant des programmes d’armement. Aussi fut-elle confiée à la Direction générale de l’armement [DGA]. À l’époque, il était dit que cela prendrait au moins trois ans… Il en aura fallu cinq ans de plus, notamment en raison de la nécessité de prendre en compte les évolutions législatives [comme la retenue de l’impôt sur le revenu à la source, par exemple].

« Tout vient à point à qui sait attendre », dit-on… Et après un premier déploiement réussi pour la Marine nationale, qui aura très prudente dans cette affaire, Source Solde est désormais utilisé pour calculer les rémunérations de l’ensemble des 250.000 militaires. C’est ce que la ministre est venue annoncer au personnel du SCA.

« Nous ne devrions pas tirer de gloire de quelque chose de complètement ordinaire. Et je ne devrais pas être là devant vous aujourd’hui, à nous féliciter de ce qui constitue, en définitive, la moindre des choses : les hommes et les femmes qui protègent la France ont enfin une solde qui ne ment pas, et un bulletin de paie en lequel ils peuvent avoir confiance », a déclaré Mme Parly.

« Source Solde assure […] une qualité optimale de calcul de la rémunération de plus de 250 000 militaires et offre des capacités de contrôle accrues », a relevé la ministre. « Mais, Source Solde n’améliore pas seulement l’existant, il prépare aussi l’avenir. Il a été en effet conçu pour intégrer, au fur et à mesure de leur adoption, les différentes étapes de la nouvelle politique de rémunération des militaires [NPRM] », a-t-elle ajouté.

Justement, s’agissant de cette NPRM, qui commence à se mettre en place, Mme Parly expliqué que les militaires seront « rémunérés pour ce qu’ils sont, en tenant mieux compte des sujétions du métier militaire » et « aussi pour ce qu’ils font, selon leurs absences opérationnelles et leurs responsabilités ; et enfin pour ce qu’ils apportent, c’est-à-dire pour leurs compétences et leur pour performance. »

Si elle a insisté sur les dégâts causés par LOUVOIS, y compris sur les risques que ses dysfonctionnements ont pu faire peser au niveau opérationnel [« un militaire qui devait s’inquiéter de sa solde
plus que de sa mission, c’était une anomalie de notre système, c’était aussi mettre en danger le succès de nos opérations », a-t-elle estimé], la ministre n’a pas évoqué les responsabilités de ce « fiasco ». Mais il faut dire que ce n’était pas non plus la priorité de M. Le Drian, son prédécesseur, qui ne voulait pas « ajouter de la polémique à la catastrophe. »

Cependant, en 2013, dénonçant un pilotage insuffisant du projet, le télescopage des réformes, le manque de rigueur lors des tests, la mauvaise appréciation des risques ou encore l’absence de plan B, les auteurs d’un rapport parlementaire sur les dysfonctionnements de LOUVOIS avaient estimé que, « compte tenu de [leurs] graves impacts […] sur la vie des militaires et de leurs familles ainsi que sur le bon fonctionnement du ministère, il serait scandaleux qu’aucune responsabilité ne soit recherchée. » Et d’ajouter : « Non qu’il s’agisse de désigner un coupable – ou un bouc-émissaire – à la vindicte de la communauté de Défense, mais il serait inadmissible que l’irresponsabilité devienne la règle dans la gestion des affaires publiques.

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