Système de combat aérien du futur : L’Allemagne demande à la France de revoir le partage des tâches

Il y a des annonces « imminentes » qui tardent à se concrétiser. Tel est le cas du projet du drone européen MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] « EuroDrone », dont la finalisation du contrat entre les industriels impliqués [Airbus en tant que chef de file ainsi que Dassault Aviation et Leonardo] et les pays clients [Allemagne, France, Italie, Espagne] était attendue à la fin de l’année 2019.

Il faut dire que les négociations ont jusqu’alors été « viriles », pour reprendre le mot de Joël Barre, le Délégué général pour l’armement [DGA], en raison d’un désaccord sur les coûts de ce futur appareil, dont le principe avait été lancé en… 2013. À plusieurs reprises, la ministre française des Armées, Florence Parly, avait mis la pression sur les industriels, en laissant entendre que ce programme pourrait être abandonné si aucun effort n’était consenti pour réduire la facture.

En effet, selon un avis budgétaire publié par le Sénat en novembre 2019, le coût de l’Eurodrone était alors 30% plus cher que le prix attendu par le ministère des Armées. Pour rappel, à la demande de l’Allemagne, ce drone MALE sera doté de deux moteurs pour lui permettre de mouvoir ses 11 tonnes. Pour comparer, la masse maximale d’un MQ-9 Reaper est de 4,5 tonnes [et de 2,2 tonnes à vide].

En septembre, une source du ministère des Armées avait confié à l’AFP qu’un accord sur l’Eurodrone allait sans doute être signé d’ici la fin de l’année 2020. Il n’en aura rien été…

Cependant, en décembre, un rapport du ministère allemand de la Défense sur ses programmes d’armement en cours rapportait qu’un projet de contrat avait été finalisé le mois précédent par l’Organisation Conjointe de Coopération en Matière d’Armement [OCCAr] et Airbus Defence & Space. Il ne restait plus qu’à attendre le feu vert des pays clients.

D’après le blog spécalisé « Augen geradeaus!« , les conservateurs de la CDU/CSU et les sociaux-démocrates du SPD, partenaires au sein de la coalition gouvernementale dirigée par la chancelière Merkel, ont donné leur accord pour permettre à ce programme d’aller de l’avant, en votant les crédits nécessaires au Bundestag [chambre basse du Parlement allemand] d’ici mars prochain.

Seulement, et comme on pouvait s’y attendre au regard des positions qu’il a constamment affichées sur ce sujet, le SPD a posé une condition : l’Eurodrone ne devra pas être armé. Cet appareil est issu d’un « projet multinational conduit avec la France, l’Italie et l’Espagne, conçu principalement comme un système de reconnaissance. Les partenaires de la coalition acceptent de voter les résolutions nécessaires pour que les contrats de développement et d’achat puissent être signés en mars comme prévu. Le contrat industriel ne prévoit pas l’armement du drone », ont écrit les partenaires de la « grande coalition ».

Il n’est pas clair si cette disposition concernant l’armement de l’Eurodrone s’appliquera uniquement à l’Allemagne… En tout cas, cela ne fait pas les affaires de la France, qui veut un Eurodrone armé… Lors du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité tenu ce 5 février, le sujet a été effleuré lors de la conférence donnée par le président Macron et la chancelière Merkel, l’un et l’autre s’étant bornés à dire qu’ils souhaitent voir aboutir ce programme.

Par ailleurs, les programmes relatifs au Système de combat aérien du futur [SCAF] et le Main Ground Combat System [MGCS – futur char de combat] risquent de connaître quelques turbulences dans les semaines à venir.

Dirigé par la France, le SCAF se trouve actuellement dans la phase 1A, pour laquelle 155 millions d’euros ont été débloqués – dans la douleur – l’an passé, en raison des réticences du Bundestag, qui estimait que ce projet faisait la part trop belle à l’industrie française. Pour la phase suivante, qui doit permettre de développer un démonstrateur, un investissement d’un milliard d’euros est nécessaire… Mais les députés allemands auront à se prononcer de nouveau… Et leur sentiment n’a pas évolué depuis la dernière fois.

Pourtant, la partie française a déjà fait quelques concessions, notamment au niveau de la motorisation du « NGF » [New Generation Fighter], l’avion de combat qui sera au centre du SCAF. En effet, le français Safran et l’allemand MTU Aero Engines [dont l’expérience en la matière est limitée] ayant trouvé un accord pour un meilleur partage des tâches, via une co-entreprise.

Mais, visiblement, c’est encore trop peu. Lors de la conférence de presse de ce 5 février, Mme Merkel a longuement abordé le sujet du SCAF, donnant le sentiment de remettre en cause sa conduite par la France.

« Le projet fait l’objet de débats entre les ministres de la Défense. Il s’agit du partage des tâches et du leadership. Là, on a rouvert le sujet de la répartition et de la poursuite des travaux. Nous avons demandé aux ministres […] de créer très rapidement les conditions qui permettront de faire passer le dossier devant le comité des affaires budgétaires du Bundestag », a déclaré la chancelière allemande.

« Mais il faut pour cela que l’on ait bien finalisé le partage des tâches. […] Vous savez que c’est un projet sous leadership français mais il fait quand même que les partenaires allemands puissent être à un niveau satisfaisant face à leurs homologues [français]. Nous devons donc voir très précisément les questions de propriété industrielle, de partage des tâches et de partage de leadership », a insisté Mme Merkel, qui a dit espérer arriver à un résultat dans les semaines à venir. Cela étant, il ne faut pas non plus perdre de vue que l’Espagne a aussi son mot à dire; puisqu’elle est aussi associée à ce programme.

S’agissant du MGCS, la chancelière a été moins loquace… alors que le partage des tâches entre industriels allemands et français est plus délicats, Rheinmetall s’étant fait une place dans ce projet, aux côtés de la co-entreprise formée à 50-50 par Krauss-Maffei Wegmann et Nexter Systems. Mais, a priori, Berlin entend vite régler les questions que posent la partie française puisque Mme Merkel a parlé de trouver une solution d’ici la fin février. Soit dans les trois semaines à venir.

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