Les capacités de l’US Air Force mises « en péril » par des problèmes de ravitaillement en vol

Il y a exactement dix ans, et au terme d’une longue saga marquée par maints rebondissements, le Pentagone annonçait son choix en faveur de Boeing pour livrer 179 nouveaux avions ravitailleurs KC-46 Pegasus, aux dépens de l’A330 MRTT [ou KC-45A], alors proposé par le tandem formé par Airbus [ex-EADS] et Northrop-Grumann. Le prix fut un facteur déterminant dans ce choix, le constructeur américain ayant consenti un rabais très généreux pour remporter la mise.

Le développement du KC-46 Pegasus, à partir du B-767, ne devait alors pas poser trop de soucis. Du moins pouvait-on le penser à l’époque. Seulement, la suite montra le contraire, Boeing ayant été confronté à une succession de problèmes [système défectueux de distribution du carburant, câblage électrique pas aux normes, etc]. Ce qui l’obligea a provisionner près de 5 milliards d’euros dans ses comptes pour y remédier.

Le premier KC-46A Pegasus aurait dû être livré à l’US Air Force en 2017… Il le fut finalement en janvier 2019, avec des plusieurs défauts détectés lors de tests préliminaires. Puis, les livraisons des appareils furent supendues, après la découverte de « débris » et de « corps étrangers » dans les compartiments des avions qu’elle venait de recevoir.

Même si cette question fut assez rapidement réglée, Boeing n’en avait pas pour autant fini puisqu’il devait encore trouver des solutions à neuf problèmes « critiques » identifiés sur le KC-46A, dont un concernant le « Remote Vision System » [RVS], c’est à dire le système de caméra permettant de contrôler avec précision les opérations de ravitaillement en vol.

En mars 2020, le général David Godfein, alors chef d’état-major de l’US Air Force, indiqua que les KC-46A livrés ne pouvaient pas être engagés dans des opérations de guerre, sauf en cas d’absolue nécessité et à la condition d’être mis en oeuvre par des équipages justifiant une grande expérience.

Et, à la même époque, et alors qu’il était question de retirer du service 29 avions ravitailleurs KC-135 et KC-10 car remplacés par autant de KC-46A, l’US Transportation Command [US TRANSCOM], chargé d’assurer la projection des forces américaines, estima qu’en raison de ces difficutés, il faudrait recourir à des opérateurs privés pour maintenir les capacités de ravitaillement en vol.

Près d’un an plus tard, la situation reste critique. Via Twitter, le 1er février, l’US TRANSCOM n’y est pas allé par quatre chemins : avec une flotte vieillissante d’avions ravitailleurs, les retards du KC-46 pour devenir pleinement opérationnel « mettent en péril la capacité des États-Unis à exécuter efficacement les opérations quotidiennes et les plans de guerre. »

Dans un entretien accordé à Defense One, Mme le général Jacqueline Van Ovost, responsable de l’Air Mobility Command, a estimé que le KC-46A serait pleinement opérationnel à la fin de l’année 2023… au plus tôt. « Nous faisons tout notre possible pour accélérer cela », a-t-elle assuré. Et pour le moment, a-t-elle ajouté, sans préciser les missions concernées, « nous étudions un capacité opérationnelle limitée. »

Actuellement, l’US Air Force possède 42 KC-46 sur les 179 qu’il est prévu de commander. Deux exemplaires lui seront prochainement livrés tous les mois. Et, pour le moment, cet appareil est qualifié pour ravitailleurs 10 types d’avions différents, avec cependant des restrictions.

Cela étant, certains industriels ont senti le coup… En 2018, Airbus et Lockheed-Martin annoncèrent leur association pour proposer solution reposant sur l’A330 MRTT afin de « remédier aux déficits capacitaires identifiés et de satisfaire aux exigences des ravitailleurs de nouvelle génération, capables d’opérer dans les environnements complexes des futurs théâtres d’opérations. »

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