L’US Air Force va déployer des bombardiers B-1 Lancer en Norvège pour la première fois

Sous l’effet du changement climatique annoncé, l’Arctique prendra de plus en plus d’importance au niveau stratégique compte tenu de la perspective de l’exploitation des ressources naturelles qu’il recèle et de l’ouverture de nouvelles routes maritimes. Les grandes manoeuvres ont d’ailleurs déjà commencé : les pays riverains y ont affiché leurs prétentions territoriales, la Russie a fait de cette région l’une de ses priorités et la Chine ne cache pas son intérêt.

En 2019, alors chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo n’y était pas allé par quatre chemins. La région est « devenue espace de pouvoir mondial et de concurrence », avait-il commencé par dire, avant de décocher quelques flèches. « L’attitude agressive de la Chine ailleurs nous donnera une idée de la manière dont elle traitera l’Arctique » et « la Russie [y] laisse déjà des empreintes de bottes dans la neige », avait-il lancé.

Quoi qu’il en soit, plusieurs « stratégies » pour l’Arctique ont récemment été rendues publiques aux États-Unis, la dernière étant celle dévoilée par l’US Navy le 5 janvier dernier. L’US Air Force en avait fait autant quelques mois plus tôt, en insistant sur quatre points : vigilance, projection de puissance, coopération(s) et préparation.

Cela étant, les forces américaines ont déjà eu l’occasion de montrer leur intérêt pour cette région, qui ne peut plus être considérée comme une « zone tampon » pour les États-Unis. L’an passé, et pour la première fois depuis la fin de la Guerre Froide, l’US Navy a envoyé quatre navires [les USS Donald Cook, USS Porter et USS Roosevelt ainsi que l’USNS Supply] en mer de Barents, point de départ des sous-marins russes susceptibles d’opérer dans le passage appelée GIUK [Groenland – Islande – Royaume-Uni], d’une importance capitale pour les liaisons entre l’Europe et l’Amérique du Nord.

De son côté, l’US Air Force a mené plusieurs exercices dans la région, notamment en envoyant des bombardiers B-1 « Lancer » survoler la Norvège et la Suède. Les appareils avaient décollé du territoire américain pour rejoindre, d’une seule traite, leurs zones d’entraînement.

Une première « mission stratégique à longue portée » fut ainsi effectuée en mai 2020 par deux B-1 « Lancer » du 34th Bomb Squadron. Partis de la base d’Ellsworth, ils s’étaient intégrés à une formation de F-35 norvégiens avant d’effectuer une approche à basse altitude au-dessus de la base d’Ørland. Puis ils retournèrent à leur base, le vol ayant duré une vingtaine d’heures.

La seconde se déroula en septembre, mais selon des modalités différentes, les B-1 « Lancer » sollicités, appartenant cette fois, au 345th Expeditionary Bomb Squadron, ayant traversé le cercle polaire arctique pour un entraînement avec des F-35A norvégiens. Puis les bombardiers se posèrent aux États-Unis, après 16 heures de vol.

Cette année, et après ces deux démonstrations, l’US Air Force a l’intention de déployer, pour la première fois, quatre B-1 Lancer en Norvège, d’ici quelques semaines. Les bombardiers décolleront de Dyess [Texas] et rejoindront la base aérienne d’Ørland. Cette mission visera à améliorer l’interopérabilité avec les « alliés et les partenaires » en Europe et à s’habituer aux opérations dans le Grand Nord.

« La disponibilité opérationnelle et notre capacité à soutenir nos alliés et nos partenaires et à réagir rapidement sont essentielles au succès », a fait valoir le général Jeff Harrigian, le commandant des forces aériennes américaines en Europe et en Afrique. « Nous apprécions le partenariat durable que nous avons avec la Norvège et attendons avec impatience les opportunités futures pour renforcer notre défense collective », a-t-il ajouté.

Pour rappel, le B-1 « Lancer » n’a plus la capacité d’emporter des armes nucléaires depuis les années 1990. En clair, il s’agit d’un bombardier conventionnel pouvant emporter 56.000 kg de munitions, dont 24 missiles anti-navires AGM-158C LRASM, d’une portée de 500 nautiques. En outre, il est probable que cet appareil, dont 17 exemplaires – sur 45 – seront retirés du service en 2021 – puisse à l’avenir mettre en oeuvre le missile hypersonique AGM-183A.

Jusqu’à présent, la région du Grand-Nord a été le terrain de jeu quasiment exclusif des bombardiers stratégiques russes [Tu-160 et Tu-95], lequels sondent régulièrement les défenses aériennes de l’Otan [ainsi que celles de la Suède et de la Finlande, ndlr].

Pour l’expert militaire Jerry Hendrix, ce déploiement de B-1 en Norvège viser à « commencer à faire pression sur les Russes d’une manière qu’ils comprennent. » Et de préciser, dans les colonnes de Forbes : Les Russes « font voler leurs bombardiers dans l’Atlantique Nord et autour du Royaume-Uni, et cela suggère que le jeu peut se jouer à deux. »

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