Des signaux faibles laissent supposer que la Guyane sera bientôt confrontée à la pêche illégale chinoise

S’il est souvent question de la lutte contre l’orpaillage clandestin dans le cadre de l’opération Harpie, la pêche illégale est un autre fléau qui affecte la Guyane, dont l’espace maritime s’étend sur 126.000 km². Un fléau qui mobilise des moyens assez importants des Forces armées en Guyane [FAG] et de la Gendarmerie maritime.

En 2020, les Patrouilleurs Antilles-Guyane [PAG] « La Confiance » et « La Résolue », l’Embarcation remonte-filets « Caouanne » et les Vedettes côtières de surveillance maritime [VCSM] « Organabo » et « Mahury » ont ainsi cumulé 351 jours ede mer, dont 202 exclusivement dédé à la mission de police des pêches [POLPECHE], conduite sous la responsabilité du préfet de Guyane, délégué du gouvernement pour l’Action de l’État en mer [AEM]. Ces navires ont par ailleurs été appuyés par des moyens aériens de l’Escadron de transport 00.68 « Antilles-Guyanne », avec 103 heures de vol.

Et le bilan est assez éloquent. Selon l’État-major des armées [EMA], 131 contrôles d’embarcations suspectes ont été effectués, ce qui a donné lieu à 127 traitements administratifs, à 2 déroutements à des saisies de pirogues. Et 223 km de filets ont été saisies, de même que 834,5 kg de vessies natatoires et, surtout, 161,6 tonnes de poissons pêchés illégalement. Soit deux fois plus qu’en 2019.

Le plus souvent, les pêcheurs surpris dans les eaux guyanaises viennent du Brésil et du Surinam.

« Au Brésil il y a 30 pêcheurs par kilomètre de côte, au Surinam il y a 60 pêcheurs par kilomètre et en Guyane seulement un pêcheur par kilomètre de côte. Sachant que le linéaire des côtes de Guyane française représente 378 km. Par comparaison, le Suriname 386 km, le Brésil 7.367 km. La France en référence, c’est 19.193 km, la Chine 15.274 et le Royaume-Uni 15.910 km. Il est important de mettre ces chiffres en comparaison », a ainsi expliqué le sénateur Jacques Le Nay. lors d’un compte-rendu sur la récente visite d’une délégation parlementaire dans cette région française d’outre-Mer.

Toujours selon ce sénateur, ces pêcheurs illégaux font « preuve de capacités permanentes d’adaptation les dissimulation dans la mangrove des navires surinamais qui pêchent de nuit, invention de dispositifs ‘anti-équipes de visite’ du côté des pêcheurs brésiliens, avec un niveau de violence élevé pour les plus déterminés. »

Cela étant, la lutte contre la pêche illégale risque fort de se compliquer dans les années, si ce n’est dans les mois, à venir. Ainsi, en 2020, 45 navires vénézuéliens ont obtenu une licence de pêche attribuée par… l’Union européenne [UE]. Seulement, cette pêche légale s’est doublée d’une pêche illégale, selon M. Le Nay, qui a donné le chiffre d’environ 10 pêcheurs vénézuéliens illégaux par jour dans la zone économique exclusive [ZEE] française.

Mais les marins français pourraient bien se trouver en face de pêcheurs illégaux venus de… Chine.

« Dans un avenir proche, la Guyane pourrait être confrontée à une pêche illégale chinoise. Un certain nombre de signaux faibles permettent d’envisager cette hypothèse, dont la présence de pêcheurs chinois dans les eaux du Surinam ou à quelques milles nautiques au-delà de la ZEE », a en effet indiqué le parlementaire.

« La stratégie chinoise est globale et bien connue : déploiements de flottilles dans tous les océans, accompagnés d’investissements portuaires permettant le traitement et la distribution du produit de la pêche », a-t-il rappelé.

Cela étant, on n’en pas encore à la situation que vit l’Équateur chaque année, avec la présence de plusieurs centaines de chalutiers chinois dans les environs de la réserve maritime des Galapagos.

Les « vessies natatoires » sont susceptibles d’intéresser plus particulièrement les pêcheurs chinois. Les « Asiatiques considèrent [qu’elles sont] aphrodisiaques », a rappelé M. Le Nay. Le kilo se négocie effectivement 1.000 euros à Hong Kong… Et il faut 30 kg de poisson pour en extraire 1 kg…

« Protéger nos ressources c’est un enjeu économique mais c’est aussi un enjeu de souveraineté. Car, suivant la phrase désormais bien connue : ‘ce qui n’est pas surveillé est pillé, ce qui est pillé finit toujours par être contesté' », a par ailleurs fait valoir le sénateur.

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