Les Chantiers de l’Atlantique resteront dans le giron de l’État pour le moment

Tout ça pour ça! Cela fait maintenant de quatre ans qu’il est question d’une reprise des Chantiers de l’Atlantique [ex-STX France] par le constructeur naval italien Fincantieri. Et d’établir ainsi une sorte d' »Airbus de la mer ». Et, après maints rebondissements, cette opération vient d’être définitivement abandonnée. L’annonce en a été faite via un communiqué publié conjointement par les gouvernements français et italien, le 27 janvier.

« La France et l’Italie prennent acte du fait que le contexte économique actuel ne permet pas de poursuivre le rapprochement envisagé entre les Chantiers de l’Atlantique et Fincantieri », est-il affirmé dans ce communiqué, publié à l’issue d’un entretien ayant réuni les ministres de l’Économie français et italien, à savoir Bruno Le Maire et Stefano Patuanelli, ainsi que la vice-présidente exécutive de la Commission européenne, Margrethe Vestager.

Cela étant, les deux pays resteront « pleinement engagés pour approfondir leur coopération dans le secteur maritime et de la construction navale », notamment avec la co-entreprise Naviris, détenue à parts égales par Naval Group et Fincantieri.

Pour rappel, quand l’actionnaire sud-coréen des Chantiers de l’Atlantique fit faillit, en 2017, le gouvernement français trouva un accord pour assurer la poursuite des activités de l’entreprise. Ainsi, Fincantieri devait prendre 48% du capital, le tour de table étant complété par l’État français [33%, avec un droit de veto], Naval Group [12%] et la Fundazione CR Trieste.

L’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée changea la donne. Craignant que la proximité de Fincantieri avec le chinois CSSC dans le secteur des navires de croisière allait se traduire par une perte du savoir-faire des Chantiers de l’Atlantique [une crainte partagée par les syndicats et les élus locaux, ndlr], le projet d’accord fut revu et corrigé. Un nouveau compromis fut trouvé en septembre 2017, avec, à la clé, un accord de coopération dans le naval militaire.

Dans le détail, l’industriel italien devait détenir 50% des parts pendant 12 ans, le 1% manquant pour s’assurer de la majorité lui étant prêté par l’État français, qui, en cas de manquement aux engagements pris par Fincantieri, s’était réservé le droit de le conserver.

Ce dossier ne pouvait qu’être suivi de très près par le ministère des Armées [et la Marine nationale] étant donné que les Chantiers de l’Atlantique sont les seuls, en France, à disposer des infrastructures capables d’accueillir des coques aussi imposantes que peut l’être celle d’un porte-avions. Ce qui fait que le gouvernement français a laissé le sentiment qu’il n’était pas pressé de voir la reprise des Chantiers de l’Atlantique se concrétiser…

En effet, il se joignit avec son homologue allemand pour saisir la Commission européenne sur le projet de reprise porté par Fincantieri. Projet vu d’un mauvais oeil à Berlin dans la mesure où il était susceptible de faire de l’ombre au groupe Meyer Werft, l’un des trois constructeurs européens de navires de croisière. Évidemment, cette attitude me manqua pas de susciter de l’incompréhension à Rome.

Pour les besoins de son enquête, la Commission européenne exigea de Fincanteri des informations sur ses intentions, afin de pouvoir évaluer les conséquences de la reprise des Chantiers de l’Atlantique sur la concurrence. Alors que le délai pour finaliser ce rachat avait été fixé au 31 décembre 2020, puis au 31 janvier 2021, l’industriel italien ne répondit pas aux sollicitations de l’exécutif européen. Était-ce un moyen de sortir de cette affaire en sauvant les apparences?

« Afin de permettre aux deux entreprises de se concentrer sur leur stratégie de sortie de crise et sur de nouveaux projets, la France et l’Italie ont tiré les conclusions de l’absence de décision de la Commission européenne et du contexte économique et sanitaire », indique le communiqué conjoint.

En outre, soutient le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, « l’État français reste l’actionnaire principal des Chantiers de l’Atlantique et soutiendra l’entreprise aussi longtemps que la crise durera. »

Pour rappel, et dans l’attente de la concrétisation de leur reprise par Fincantiera, les Chantiers de l’Atlantique ont été nationalisés, l’État disposant actuellement de 84,3% des parts, le reste étant partagé entre Naval Group [11,7%], les salariés [2,4%] et des entreprises locales [1,6%]. Et la question d’un autre repreneur ne se pose pas pour le moment. Du moins, il n’y a pas d’urgence.

« Attendons que la poussière retombe et voyons quelles marques d’intérêt sont confirmées. Les chantiers ont tous les moyens pour se développer, sont soutenus par l’Etat actionnaire, et ont un bon carnet de commandes », fait-on valoir à Bercy.

Effectivement, le chantier naval de Saint-Nazaire a dix paquebots à livrer dans les cinq à venir, auxquels s’ajoute, pour la Marine nationale, la construction de quatre Bâtiments ravitailleurs de forces [BRF] de 31.000 tonnes du programme FLOTLOG d’ici 2030 ainsi que celle, à venir, du porte-avions de nouvelle génération [PA NG].

Photo : BRF

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