Sahel : Mme Parly annonce une participation hongroise au groupement européen de forces spéciales Takuba

Lors du sommet ayant réuni la France et les pays du G5 Sahel [Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad], il fut convenu que la stratégie française au Sahel s’appuierait sur quatre piliers : lutte contre les groupes terroristes, renforcement des capacités des forces régionales, appui au retour de l’État dans les territoires reconquis et aide au développement.

Et l’accent devait être mis sur la région dite des trois frontières, où l’État islamique dans le grand Sahara [EGIS] multipliait les attaques d’envergure, tout en insistant sur l’amélioration de la coordination entre Barkhane et la Force conjoint du G5 Sahel [FC-G5S]. Un autre objectif poursuivi par Paris était « d’européaniser » les actions militaires conduites dans la région.

La mise en oeuvre de cette stratégie, qui aura par ailleurs exigé l’envoi 600 soldats français supplémentaires pour renforcer Barkhane, a donné quelques résultats. De par l’action militaire des forces engagées, l’EIGS n’a plus été mesure de lancer des attaques de la même ampleur que celles revendiquées en 2019 et il a perdu du terrain. En outre, plusieurs cadres jihadistes de haut rangs ont été éliminés, comme Abdelmalek Droukdel, le chef d’al-Qaïda au Maghreb islamique [AQMI].

Cela étant, a reconnu Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’une audition au Sénat, le 20 janvier, « nous ne parviendrons pas à la paix si nous concentrons uniquement nos efforts sur les opérations militaires » car « nous ne pouvons pas gagner une guerre comme celle-ci seulement […] en neutralisant les terroristes, car avec le temps ils se régénèrent. » Aussi, a-t-elle continué, « nous devons réussir à transformer les gains tactiques chèrement acquis sur le terrain en progrès politiques, économiques et sociaux », l’objectif de l’action militaire étant de « de préparer le terrain et de créer un espace pour l’action politique et pour le développement. »

S’agissant du renforcement des capacités des forces locales, la ministre, a indiqué que 6.000 soldats de la Force conjointe du G5 Sahel avait été formés au combat par Barkhane « au cours de la seule année 2020 ». Et d’ajouter : C’est « trois fois plus que les années précédentes. »

Cet effort de formation des forces locales va être amplifié avec le groupement de forces spéciales européennes Takuba, dont la capacité opérationnelle initiale a été prononcée en juillet dernier, avec des commandos français et estoniens.

Cette unité, placée sous l’autorité de Barkhane, a la mission de former, d’entraîner et d’accompagner au combat les forces locales, en l’occurrence malienne pour le moment. Et elle va prendre du volume avec les contributions annoncées par plusieurs pays européens, dont certaines se sont déjà concrétisées.

« Takuba, c’est aujourd’hui 8 pays européens partenaires mobilisés à nos côtés : la Suède, la République Tchèque, l’Estonie, l’Italie, le Danemark, le Portugal, la Belgique et les Pays-Bas. Et par ailleurs, il faut rappeler que nous sommes politiquement soutenus par l’Allemagne, la Norvège et la Grande-Bretagne », a rappelé Mme Parly.

« Le groupe franco-tchèque vient d’achever son déploiement et a déjà entamé son entrainement avec une unité malienne. Il sera d’ailleurs bientôt engagé à son tour en opération » et le « contingent suédois a également commencé son déploiement et il monte en puissance », avec 150 militaires stationnés à Ménaka, 3 hélicoptères de manœuvre, un avion de transport tactique et une équipe chirurgicale », a indiqué la ministre Parly. Ce détachement sera au complet « dans quelques semaines », a-t-elle précisé.

Bien que ne faisant pas partie des pays ayant affiché leur soutien politique à Takuba, l’Italie poursuit actuellement ses travaux de planification, avec 200 militaires et 8 hélicoptères de manœuvre, en vue d’un « déploiement à partir de mars de cette année », a annoncé Mme Parly, qui a fait état d’autres contributions à venir, en précisant, cette fois, les pays concernés.

« Par ailleurs, d’autres contributions sont annoncées pour les prochains mois, notamment de la part du Danemark, du Portugal, de l’Ukraine, de la Grèce, de la Hongrie », a-t-elle en effet affirmé.

Si l’intérêt des pays cités par Takuba a déjà été évoqué, celui de la Hongrie est en revanche nouveau. A priori, Budapest envisagerait donc d’engager des éléments de la 2e Brigade d’opérations spéciales « Vitéz Bertalan Árpád » de ses forces armées. Cela étant, des militaires hongrois ont déjà été déployés au Mali, notamment au sein d’EUTM Mali, la mission de l’Union européenne lancée en 2013 pour former les forces armées malienne [FAMa]

Quoi qu’il en soit, ces contributions européennes au groupement de forces spéciales Takuba s’expliquent par une analyse partagée des enjeux sahéliens.

« Si Daesh et al-Qaïda s’emparent du Sahel, s’ils en font un sanctuaire, alors il y a un risque de les voir s’étendre du Sahel à toute l’Afrique de l’Ouest. Il y a aussi un risque de voir la région déstabilisée devenir une sorte de base-arrière de multinationales terroristes […] où il serait possible d’entraîner des jihadistes et de préparer de nouveaux attentats. On a d’ailleurs déjà vu ce que cela a donné en Afghanistan avant 2001, au Levant avant 2014. Et cela, c’est évidemment un risque pour la France et pour l’Europe. […]C’est parce que nos partenaires européens partagent pleinement cette évaluation qu’ils s’investissent chaque jour un peu plus au Sahel, chacun selon ses moyens, ses traditions, ses pratiques », a expliqué Mme Parly.

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