Sahel : L’armée algérienne dit avoir saisi une partie de la rançon des otages libérés par le GSIM en octobre

Les conditions de la libération, en octobre, de quatre otages détenus par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou RVIM], lié à al-Qaïda, demeurent encore obscures. On sait que les autorités maliennes ont consenti à relâcher entre 100 et 200 jihadistes, dont l’identité n’a, à ce jour, pas été précisée. Il a été avancé qu’il s’agissait essentiellement de « combattants de base » et de quelques chefs. En outre, une rançon, dont le montant n’a jamais été confirmé officiellement, aurait également été versée à l’organisation terroriste.

Pour rappel, parmi les otages libérés figuraient la française Sophie « Mariam » Pétronin, enlevée à Gao en décembre 2016, ainsi que deux ressortissants italiens, à savoir le missionnaire Pier Luigi Maccalli et Nicola Chiacchio, qui faisait du tourisme au moment de son rapt, en février 2019. Et surtout il y avait Soumaïla Cissé, un homme politique malien de premier plan, décédé depuis de la covid-19. L’importance de sa libération par le GSIM explique probablement les concessions faites par Bamako.

Évidemment, la libération d’une grosse centaine de jihadistes a été une pilule amère à avaler pour les forces françaises, d’autant plus qu’ils avaient été capturés, pour la plupart, par Barkhane… Mais, comme l’a assuré la ministre des Armées, Florence Parly, la France n’a pas été impliquée dans les négociations. Ce qu’a confirmé le Premier ministre, Jean Castex, le 12 octobre. Et Paris a démenti tout versement de rançon pour que Mme Pétronin soit relâchée par ses ravisseurs.

Mais selon le quotidien Il Foglio, Rome aurait payé une rançon – dont le montant n’a pas été précisé – pour la libération du père Maccalli et celle de Nicola Chiacchio, via un médiateur touareg. Et citant une source au courant des tractations, le journal a affirmé que le gouvernement malien avait également versé de l’argent au GSIM pour récupérer Soumaïla Cissé.

Reste que l’Algérie a critiqué les négocations concernant les otages et dénoncé des « pratiques douteuses ». Pour Alger, le risque était alors de voir une partie des jihadistes relâchés par Bamako revenir sur son territoire.

Et, le 6 décembre, lors de la 14e Session extraordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine, le Premier ministre algérien, Abdelaziz Djerad, a dit « prendre acte, avec une grande préoccupation, de la poursuite des tranferts, au profit de groupes terroristes, de fonds colossaux au titre de rançons pour la libération d’otages. » Et d’insister : De tels démarches « sapent nos efforts de lutte antiterroriste ».

Plusieurs plusieurs semaines plus tôt, soit le 27 octobre, le renseignement militaire algérien avait mis la main sur Mustapha Derrar lors d’une opération conduite à Tlemcen. Cet individu avait rejoint le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest [MUJAO] en 2012, avant d’être capturé un an plus tard lors de l’opération Serval. Emprisonné depuis à Bamako, il a fait parti des jihadistes libérés en échange des quatre otages.

Dans un entretien accordé au quotidien El Watan, dans lequel il a confirmé la mort, en Libye, du chef jihadiste Mokthar Belmokthar, Derrar a confié qu’il avait été transféré à Tigherghart [nord du Mali] avec d’autres anciens détenus. Ces derniers, a-t-il dit, ont été pris en charge par la Mission des Nations unies au Mali [MINUSMA] pour ensuite être confiés au Mouvement national de libération de l’Azawad [MNLA], lequel les a remis au GSIM, « à quelques centaines de kilomètres de Kidal. » Puis il a pris la décision de revenir en Algérie. Au passage, il a précisé que le montant de la rançon des otages était de 30 millions d’euros… Ce qui n’a pas été corroboré depuis.

Mais, visiblement, Derrar, n’a pas été le seul jihadiste à être revenu en Algérie. Sur la base de renseignement obtenus lors d’une opération menée le 1er décembre dans la localité d’Oued Bouayache, près de la commune d’El-Ancer, à Jijel, et au cours de laquelle trois terroristes ont été abattus, l’armée algérienne a dit avoir capturé, deux semaines plus tard et dans le même secteur, un « dangereux terroriste dénommé ‘Rezkane Ahcene’, dit « Abou Dahdah » qui avait rallié les groupes terroristes en 1994. »

Sur l’une des photographies accompagnant le communiqué publié pour annoncer cette arrestation, on voit sept liasses de billets de 200 euros côtoyant une kalachnikov, des munitions et des téléphones portables. À ce moment, le ministère algérien de la Défense n’a pas fait le lien entre cet argent et la rançon évoquée pour la libération des otages du GSIM.

La capture de Rezkane Ahcene, dont on ne sait pas grand chose,  a permis de monter une autre opération « de recherche et de ratissage », le 28 décembre. Au cours de cette dernière, conduite « près de la commune d’El-Ancer à Jijel », avance le ministère algérien de la Défense, les militaires ont « découvert et détruit […] dans la localité de Djebel Boutouil dans la même zone, cinq casemates pour terroristes » et ont « récupéré la somme de 80.000 euros, qui s’est avérée être la première tranche de la rançon, objet du marché conclu le mois d’octobre passé au Sahel, et supposée être versée au profit des résidus des groupes terroristes traqués par les services de sécurité » dans le nord de l’Algérie.

Et sur l’une des photographies publiées à l’occasion, on voit encore sept liasses de billets de 200 euros.

Cela étant, une telle affirmation interroge. Comment les autorités algériennes peuvent-elles dire qu’elles ont saisi une partie de la rançon en question sans connaître les éléments d’identification des billets ont servi à la payer? De telles informations leur ont-elles été communiquées? Si tel est le cas, ce ne peut être que par ceux qui l’ont versée…

Photo : Ministère algérien de la Défense

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