Chammal : Engagés dans les opérations anti-Daesh, les Atlantique 2 ont aussi fait la chasse aux sous-marins

L’Atlantique 2 [ATL2] est bien plus qu’un avion de patrouille maritime. Grâce à ses capacités, il est en mesure d’effectuer des missions bien différentes de celles pour lesquelles il a été initialement conçu. Ce qui fait qu’il est quasiment incontournable pour les opérations des forces françaises… C’est ce qui ressort de l’ouvrage « Patrouilleurs du désert » que vient de publier le capitaine de frégate Jean-Marc Molina qui, totalisant plus de 7.000 heures de vol, a participé à au moins huit opérations aux commandes de cet appareil.

Ainsi, outre la chasse aux sous-marins et la lutte anti-navire, un Atlantique 2 peut effectuer des missions de renseignement et de surveillance, coordonner un raid aérien [SCAR-C pour Strike coordination and reconnaissance – coordinator], détruire des positions ennemies avec ses quatre bombes GBU-12 ou encore établir le bilan de frappes aériennes [Battle Damage Assessment, BDA]. Il peut aussi être engagé dans des opérations de sauvetage.

De telles missions peuvent être très risquées. L’une qui a été décrite par le capitaine de frégate Molina aurait pu très mal se terminer. Ainsi, dans la nuit du 6 au 7 juillet 2011, lors de l’opération Harmattan, en Libye, l’un de ces ATL2 engagé dans le secteur de New Brega, alors en proie à des combats entre les forces pro-kadhafi et celles de l’opposition, pour le compte de la Direction du renseignement militaire [DRM] a bien failli ne pas revenir.

« À 00h55, un premier tir tendu contre l’ATL2 est observé. Puis à 1h08, ‘perception de trois salves de deux projectiles en direction de l’avion. Les tirs proviennent de trois sites différents, espacés de 400 à 600 mètres’. Il s’agit certainement de tirs de DCA. L’équipage investigue la zone de départ au FLIR, mais de détecte pas de véhicule. À 02h06, nouveau tir, mais cette fois il s’agit d’un missile sol-air dont le propulseur produit une intense lumière blanche. Le missile explose à bonne distance de l’avion. Il est observé durant toute la durée de son vol, soit vingt longues secondes angoissantes. La séance de tir au pigeon ne s’arrête pas là. À 02h17, puis à 02h36, l’ATL2 essuie deux nouveaux tirs de missile qui explosent toujours sous l’avion. Le plancher de sécurité, qui ce jour-là a sauvé l’avion, a été déterminé , étroite collaboration avec la DRM », raconte le CF Molina.

Cela étant, il est arrivé que l’ATL2 ait été engagé dans une opération où il a dû utiliser l’ensemble de ses capacités, y compris celles concernant la lutte anti-sous-marine. Tel a en effet été le cas au Levant, lors de l’opération Chammal [nom de la participation française à la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis, ndlr], lancée en septembre 2014.

Dans un premier temps, un ATL2 avait été affecté à la base d’al-Dhafra, aux Émirats arabes unis. Cet appareil fut d’ailleurs intensivement sollicité puisqu’il comptait déjà plus de 1.000 heures de vol a bout de huit mois d’opération. Beaucoup a été dit sur les missions que cet appareil a effectué au-dessus de l’Irak [et de la Syrie]. Mais il ne fit pas que cela…

« Les équipages déployés aux EAU ne font pas que des missions aéroterrestres. ALINDIEN [amiral commandant de la zone maritime de l’océan Indien, ndlr], dont la zone de responsabilité s’étend de Suez aux côtes australiennes, est préoccupé par la présence d’un sous-marin nucléaire d’attaque [SNA] chinois. En l’espace de quelques heures, les détecteurs acoustiques remplacent la MX-20 [boule optronique], et voilà l’ATL2 prêt à réaliser des missions anti-sous-marines. Ce basculement de mission sera réalisé plusieurs fois par mois », écrit le CF Molina.

Sans doute que l’ATL2 récemment engagé dans l’opération Agenor, menée dans le secteur du détroit d’Ormuz, a dû s’employer à surveiller les mouvements des SNA chinois… Mais ces derniers ne sont pas les seuls à avoir inquiété l’état-major français.

En septembre 2015, l’Atlantique 2 mis à la disposition de Chammal fut transféré des Émirats vers la base H5, en Jordanie, afin de le rapprocher des zones de combat en Syrie. Un autre appareil, indique le CF Molina, avait été envoyé à Chypre pour escorter le porte-avions Charles de Gaulle et son groupe aéronaval, car, « comme au temps de la Guerre Froide, la Russie est bien décidée à montrer ses griffes. L’Ours n’hésite pas à envoyer, en plus de ses chasseurs et frégates, ses sous-marins pour harceler les unités françaises. »

Ce point avait été évoqué dans un dossier de presse publié par l’Élysée, en décembre 2015, à l’occasion de la venue du président Hollande à bord du « Charles de Gaulle ». Il avait été en effet question d’un sous-marin russe « étroitement surveillé » par les marins français, en coopération avec un navire américain.

Un an plus tard, il fut rapporté qu’un sous-marin russe de type Oscar II avait été repéré près des porte-avions Charles de Gaulle et USS Dwight Eisenhower, alors déployés en Méditerranée orientale. Est-ce le sous-marin qu’évoque le CF Molina?

« En novembre 2016, lors d’un vol maritime d’escorte, un ATL2 détecte un sous-marin à l’intérieur de la zone de sécurité du porte-avions [Charles de Gaulle]. Ce dernier était passé inaperçu des frégates d’escorte », écrit-il en effet.

Quoi qu’il en soit, les ATL2 successivement engagés au Levant auront surtout assuré des missions « aéroterrestres ». Pour cet avion, « le concept de reconnaissance armée atteint son niveau le plus abouti durant Chammal », avance le CF Molina. Et d’ajouter : « L’endurance de l’avion, le détail de ses capteurs optroniques et électromagnétiques, le panel de ses moyens de communication, combinés à une force de frappe, le tout réuni sur une même plateforme, est ce qui se fait de mieux en termes de reconnaissance. »

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