Barkhane : Le manque d’hélicoptères est un casse-tête pour la planification des opérations

Lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale [le compte-rendu vient d’être publié, ndlr], le général Marc Conruyt, le commandant de la force Barkhane, a déclaré que, s’il disposait de « moyens suffisants » pour les objectifs qui lui ont été assignés, sa « marge de manoeuvre » était cependant « ténue ». « Il n’y a rien de superflu », a-t-il insisté, avant de citer deux exemples.

« Une section de soldats estoniens chargés de la force protection à Gao, cela peut paraître peu, mais cela permet par ricochet de compléter une compagnie française et de disposer d’un pion de manœuvre supplémentaire sur le terrain, pour conduire les opérations et accompagner nos partenaires », a ainsi dit le général Conruyt. « La même démonstration peut être faite pour les hélicoptères : je perdrai deux hélicoptères Merlin danois fin décembre, dont le mandat n’est pas renouvelé. Ce sera 20 % en moins de ma capacité d’héliportage, déjà juste suffisante », a-t-il ensuite ajouté.

Au total, le groupement aéromobile de Barkhane compte 16 hélicoptères, auxquels sont venus s’ajouter, en 2020, cinq appareils de transport lourd, dont les deux EH-101 Merlin évoqués par le général Conruyt, et trois CH-47D britanniques. Ces moyens seront donc réduits l’an prochain….

Or, ces hélicoptères sont indispensables pour intervenir sur un théâtre où il faut parcourir de longues distances pour intervenir. Ils « jouent un rôle très important dans le fonctionnement d’ensemble, ne serait-ce qu’en permettant d’aller chercher très rapidement nos blessés. Le seul fait de savoir qu’à bref délai, un médecin peut être auprès de vous et qu’un hélicoptère peut vous emmener à l’hôpital, a un effet considérable sur le moral de nos soldats », a fait valoir le général Conruyt. « Pour nos partenaires locaux, les moyens d’évacuation médicale [EVM] sont aussi souvent le soutien le plus important de Barkhane », a-t-il ajouté.

En outre, « toutes les composantes de notre groupement d’hélicoptères, qu’il s’agisse du transport, de la reconnaissance avec les Gazelle, de l’appui au sol avec nos Tigre ou du transport des blessés jouent un rôle fondamental », a insisté le commandant de Barkhane. Et il faut faire tout cela avec seulement une dizaine d’appareils pour un théâtre d’opération aussi vaste que l’Europe. Cela « impose une gestion dynamique d’une très grande complexité », a souligné le général Conruyt.

Et d’insister : « Le colonel qui commande le groupement d’hélicoptères doit quotidiennement résoudre un véritable Tetris [*] pour déterminer comment à la fois appuyer telle opération, assurer l’évacuation sanitaire de telle autre ou réagir à toute demande d’opération d’opportunité car à chaque fois qu’arrive un renseignement estimé pertinent, il faut l’exploiter au plus vite pour obtenir un résultat face à l’ennemi. »

Qui plus est, il est semble compliqué d’en faire davantage. « L’Aviation légère de l’armée de Terre [ALAT] consent un effort considérable pour offrir en permanence ces seize hélicoptères à Barkhane, et je sais combien cela pèse sur l’entraînement de nos pilotes en France », a fait observer le général Conruyt. Aussi, il estime qu’il faut « continuer à plaider auprès de nos alliés européens afin qu’ils viennent nous aider […] pour tout ce qui pourrait être fait dans le domaine de l’aéromobilité. »

Ce qui probablement le cas dans le cadre du groupement européen de forces spéciales « Takuba », qui relève de la force Barkhane. « Nous attendons une contribution en hélicoptères de la part des Suédois et des Italiens ; ces derniers seront plus centrés sur l’évacuation militaire par voie aérienne [MEDEVAC], les Suédois davantage sur l’appui des troupes au sol : ce sera également pour Barkhane un apport très intéressant », a expliqué le général Conruyt. « Le message à retenir est l’importance cruciale de l’hélicoptère pour le succès des opérations. Tout apport extérieur de nos partenaires européens en contribution directe à Barkhane serait d’une grande utilité », a-t-il fait valoir.

Cela étant, le chef de la force Barkhane a également tenu à souligner que le succès des opérations dépend aussi de cette capacité « à combiner les différentes composantes » à sa disposition. « On n’obtient des résultats que si l’on est capable d’utiliser le plus efficacement possible et en parfaite combinaison nos moyens aériens, chasseurs, avions de renseignement, drones, nos unités au sol dans leurs différentes spécialités, nos hélicoptères et nos forces spéciales. Le résultat de chacun dépend des résultats de tous », a-t-il dit.

« Je me garde toujours de dire que tel résultat a été obtenu grâce à telle composante ou à tel outil, car il n’est pas une opération dans laquelle des résultats n’aient été obtenus par la combinaison des composantes. On parle beaucoup des drones et des forces spéciales. Mais c’est passer sous silence nombre de réalités tactiques. Sur un théâtre comme le Sahel, la fulgurance et l’ubiquité ne sont possibles que grâce à l’emploi de toutes la panoplie des autres moyens. Il serait illusoire de croire que les résultats obtenus pourraient l’être en l’absence de ceux-ci », a conclu le général Conruyt.

[*] jeu vidéo consistant à empiler des éléments de formes différentes

Photo : © EMA

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