Barkhane : Paris estime que des discussions sont possibles avec des groupes jihadistes ayant un agenda local

Dans un récent entretien donné à Jeune Afrique, le prédident Macron avait été très clair s’agissant de la conduite à tenir au Sahel, où des voix, comme celle du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, plaident pour engager des discussions avec certains groupes jihadistes. « Avec les terroristes, on ne discute pas. On combat », avait-il affirmé.

Et le chef de l’Élysée d’ajouter : « Il faut s’inscrire dans la feuille de route claire que sont les accords [de paix] d’Alger. Ceux-ci prévoient un dialogue avec différents groupes politiques et autonomistes. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut dialoguer avec des groupes terroristes, qui continuent à tuer des civils et des soldats, y compris nos soldats. »

Lors d’un déplacement au Mali, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, défendit la même ligne alors que le Premier ministre malien de transition, Moctar Ouane, s’était dit ouvert à des « discussions. »

Puis, la semaine passée, de retour du Sahel, le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA] a laissé entendre qu’un dialogue n’était pas forcément exclu. « Ce n’est pas un choix de militaires » mais « un choix des politiques, à commencer par les politiques maliens. […] Il y a effectivement un positionnement de principe de la France qui considère qu’on ne négocie pas avec des terroristes, [ce qui] ne veut pas dire pour autant qu’on ne négocie pas avec un ennemi », a-t-il en effet déclaré lors d’un entretien accordé à RFI.

Et de continuer : « Si on veut […] s’entendre avec quelqu’un qu’on a combattu, il faut être capable de choisir le bon partenaire avec lequel s’entendre, celui qui est représentatif, qui est légitime. Et donc ça posera un jour la question d’un accord politique qui se fera avec des gens qui à un moment ou à un autre ont été des ennemis de la force Barkhane, ont été les ennemis de la force armée . »

Et on comprend mieux de tels propos à la faveur de ceux qu’a tenus un responsable de l’Élysée auprès de l’AFP, ce 21 décembre. Ainsi, des discussions avec l’État islamique au grand Sahara [EIGS] et al-Qaïda, dont la katiba sahélienne fait partie du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou JNIM], sont exclues. En revanche, il en irait autrement avec les mouvements jihadistes ayant un agenda local.

« On mène une guerre contre deux organisations qui ne sont pas sahéliennes mais internationales et qui mènent un combat terroriste au-delà de la région », a commencé par dire cette source élyséenne. Avec l’EIGS, « il n’y a pas de négociation possible, il n’y en aura pas et personne ne le demande dans la région », a-t-elle continué.

S’agissant du GSIM, l’affaire est plus compliquée car cette formation réunit des groupes locaux, comme la katiba Macina ou Ansar Dine, mais aussi des combattants d’al-Qaïda au Maghreb islamique [AQMI].

L’état-major du GSIM « répond à la hiérarchie centrale d’al-Qaïda et sont totalement intégré dans son organigramme. [Or], personne n’a jamais réussi à négocier avec al-Qaïda et ce n’est pas la France qui va le faire », a expliqué cette source. Mais, a-t-elle poursuivi, certains éléments du GSIM « ont un agenda beaucoup plus national, souvent opportuniste, parfois régional. Avec ces interlocuteurs-là, il est possible d’avoir une autre réponse que celle de la lutte antiterroriste […]. Il n’y a aucune raison pour la France de faire obstruction à de telles discussions. »

Cela étant, si l’idée est de discuter avec Iyad Ag Ghali, qui a la double casquette de chef d’Ansar Dine et du GSIM, ainsi qu’avec Amadou Koufa, « l’émir » de la katiba Macina, la conversation risque de tourner court : ils ont déjà fait savoir qu’ils exigent le retrait des « forces étrangères » du Mali avant de négocier.

Reste que, a fait observer la source de l’Élysée, « à chaque fois que des interlocuteurs du Nord-Mali ont voulu s’asseoir pour discuter des ‘accords d’Alger’, il y a eu des représailles immédiates avec des assassinats ciblés. » Aussi, « notre objectif est bien, en éliminant certains leaders, de permettre aux Maliens et aux autres de s’asseoir à une table », a-t-elle affirmé.

Quoi qu’il en soit, il en sera certainement question lors du prochain sommet entre la France et les pays du G5 Sahel [Niger, Mali, Mauritanie, Tchad, Burkina Faso]. Comme il sera évoqué une possible réduction des effectifs de la force Barkhane, l’idée étant de retirer les renforts envoyés en janvier dernier. Mais pour l’instant, rien n’a encore été décidé. « 

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