Un avion espion américain U-2 « Dragon Lady » a volé avec une intelligence artificielle comme navigateur

Ayant effectué son premier vol en 1955, l’avion espion américain U-2 « Dragon Lady » n’en finit pas d’évoluer… alors que son existence était un temps menacée par le drone HALE [Haute Altitude Longue Endurance] RQ-4 Global Hawk, en raison de contraintes budgétaires.

Mais la qualité de ses capteurs, beaucoup plus performants que ceux d’un RQ-4, le fait qu’il peut se passer d’une liaison satellite ainsi que sa capacité à emporter une charge utile deux fois plus importante et à voler par n’importe quel temps et à très haute altitude [70.000 pieds] au-dessus des environnements contestés lui auront sauvé la mise. Et, ironie de l’histoire, l’US Air Force cherchant désormais à se débarrasser de se 24 de ses 34 Global Hawk [ce que le Congrès ne lui a cependant pas autorisé à faire…].

Quoi qu’il en soit, il question de maintenir 31 U-2 au moins jusqu’en 2025 [soit 70 ans après le vol inaugural du premier appareil!]. Ce qui suppose une mise à niveau constante de l’avionique et des senseurs, comme cela a été le cas en février dernier, avec l’intégration du capteur à haute résolution à dix bandes spectrale SYERS-2C, lequel, selon Collins Aerospace, offre une « capacité inégalée pour trouver, suivre et évaluer les cibles mobiles et fixes. »

Mais l’évolution de cet avion est visiblement loin d’être encore terminée. En effet, le 15 décembre, un U-2 Dragon Lady du 9th Reconnaissance Wing, piloté par le commandant « Vudu », a décollé de la base de Beale [Californie] avec « ARTUµ », un algorithme d’intelligence artificielle mis au point par le U-2 Federal Laboratory pour qu’il fasse office de navigateur officier système d’armes.

Dans le détail, pendant que le commandant « Vudu » se concentrait sur le pilotage, « ARTUµ » s’est occupé des capteurs et de la navigation tactique. Ce vol d’essai a consisté à reproduire une mission de reconnaissance, avec la simulation d’une frappe de missile [le U-2 n’est pas armé, ndlr]

« La responsabilité première d’ARTUµ était de trouver des lanceurs ennemis pendant que le pilote était à l’affût des avions menaçants, tous deux se partageant le radar du U-2 », a expliqué l’US Air Force.

Le secrétaire à l’Air Force pour la technologie, les acquisitions et la logistique, le Dr Bill Roper, s’est enthousiasmé en qualifiant de « révolutionnaire » ce vol d’un U-2 avec une intelligence artificielle comme membre d’équipage. C’est « l’aboutissement de trois ans d’efforts pour devenir une force numérique », s’est-il félicité.

« Mettre l’intelligence artificielle en toute sécurité aux commandes d’un système militaire américain pour la première fois inaugure une nouvelle ère pour l’association homme-machine et la compétition algorithmique. Ne pas réaliser le plein potentiel de l’IA reviendrait à céder l’avantage décisionnel à nos adversaires », a plaidé le Dr Roper.

Après le décollage, le contrôle des capteurs a été confié à ARTUµ, lequel a donc pu les mettre en oeuvre en se basant sur des informations accumulées lors d’un demi-million d’itérations simulées par ordinateur.

« Avec l’indicatif d’appel ARTUµ , nous avons formé µZero – un programme informatique de premier plan qui maîtrise les échecs, le jeu de Go et même les jeux vidéo sans connaissance préalable de leurs règles – à utiliser un avion espion U-2. […] Il a été le commandant de mission, l’autorité de décision finale de l’équipe homme-machine », a ensuite expliqué le Dr Roper dans un article publié par Popular Science [et truffé de références à Star Wars, le nom du robot R2D2 se prononçant « Artoo-Deetoo »].

D’après l’US Air Force, le laboratoire fédéral U-2 a conçu cet algorithme de telle sorte qu’il est facilement transférable à d’autres systèmes. Et il compte bien le perfectionner encore.

« Alliant l’expertise d’un pilote aux capacités d’apprentissage automatique, ce vol historique répond directement à la directive de la stratégie de défense nationale appelant à investir dans des systèmes autonomes. Les innovations en matière d’intelligence artificielle transformeront à la fois les domaines aérien et spatial », a conclu Barbara Barrett, la secrétaire à l’Air Force.

Par ailleurs, ce vol d’essai avec une intelligence artificielle a été précédé par une autre « première » dont les U-2 sont aussi à l’origine. En effet, l’ordinateur de mission de l’un de ces appareils a pu être mis à jour en vol grâce à Kubernetes, un logiciel open source d’orchestration de conteneurs, lesquels regroupent le code, le moteur d’exécution, les outils système, les bibliothèques système et les configurations d’une application en une seule instance et qui partagent un système d’exploitation installé sur le matériel. « Cette capacité supplémentaire permet de s’adapter rapidement à des environnements de menaces changeants sans mises à niveau système coûteuses ou chronophages », a expliqué Lockheed-Martin.

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