L’Agence spatiale européenne a donné son feu vert au projet de drone orbital Space Rider

En mai dernier, et pour la sixième fois depuis 2010, le drone spatial américain X-37B a décollé à bord d’une fusée Atlas V, lancée depuis Cap Canaveral [Floride], pour une mission en orbite d’une durée indéterminée. Conçu par la division Phantom Works de Boeing, cet engin manoeuvrant est mis en oeuvre par l’US Space Force, nouvellement créée.

Depuis son premier lancement, le X-37B suscite d’autant plus de nombreuses interrogations que ses missions, toujours de plus en plus longues [la dernière dura 780 jours], sont confidentielles. Ou du moins, il faut faire avec les précisions que veut bien lâcher le Pentagone. Officiellement, ce drone spatial sert à faire de la « réduction de risque », à développer des concepts opérationnels, à placer de petits satellites en orbite et à réaliser des expériences. Il ainsi été avancé qu’il avait permis de tester de nouveaux matériaux ou bien encore un moteur ionique pouvant fournir une impulsion dix fois supérieures à celle fournie par des propulseurs chimiques.

Dans leur rapport sur l’avenir de la Base industrielle et technologique de Défense [BITD], les députés Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot avaient indiqué qu’un drone spatial comme le X-37B faisait partie des priorités du commandement de l’Espace [CdE]. Ce que le chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE], le général Philippe Lavigne, avait déjà laissé entendre. « La question d’un drone spatial tel que le X-37B sera certainement abordée un jour », avait-il en effet affirmé.

Mais, pour le moment, il faudra patienter… même si, le 9 décembre, l’Agence spatiale européenne [ESA] a confié à quatre entreprises le le projet de navette spatiale automatique Space Rider, pour 167 millions d’euros. Dans le détail, Thales Alenia Space Italy et Avio auront à construire l’engin, le module de maintien orbital AVUM et le système de rentrée atmosphérique. Quant au développement système de contrôle au sol, il est revenu à Telespazio et Altec.

Ce drone spatial affichera une masse de 2,4 tonnes et pourra transporter une charge utile de 800 kg. Il sera mis sur orbite par une fusée Vega-C et son premier vol devrait se produire en 2023. Mais, par rapport au X-37B, Space Rider n’aura visiblement pas vocation a rester des centaines de jours à tourner autour de la Terre, l’ESA ayant évoqué des missions de deux mois. À l’issue, il se posera au Centre spatial guyanais [CSG] de Kourou ou, en cas d’empêchement, aux Açores [Portugal].

En tout cas, Space Rider n’aura pas vocation à réaliser des missions militaires. Cependant, il pourra être utilisé pour effectuer des expériences en orbite basse, ce qui favorisa certainement le développement de nouvelles technologies susceptibles d’intéresser les armées. En attendant, l’ESA a précisé avoir déjà commencé à partager les détails techniques sur l’accueil des charges utiles pour le premier vol de ce drone spatial. Leur sélection sera effectuée au cours du premier semestre 2021.

Cela étant, pendant que ce projet prend forme, un autre connaît quelques difficultés. En effet, le développement de la fusée Ariane 6 [qui ne sera pas réutilisable, à la différence des Falcon-9 de l’américain SpaceX] a pris du retard, en raison de difficultés techniques, amplifiées par les conséquences de la crise sanitaire. Le premier vol a été reporté au second trimestre 2022 et il est même question d’une rallonge budgétaire de 230 millions d’euros. Toutefois, Paris et Berlin, qui ont par ailleurs donné leur feu vert au démonstrateur de lanceur réutilisable Callisto, ont fait part de leur détermination sur ce dossier, via un communiqué conjoint publié le 11 décembre.

« L’accès européen indépendant à l’espace, basé sur une approche ouverte à la technologie au sein des entreprises européennes, doit être maintenu et renforcé. Pour cette raison, l’Allemagne et la France sont déterminées à mener à bien le projet Ariane 6 tout en appelant l’industrie à gagner en efficacité et en compétitivité », affirme ce texte.

Et appelant à une « augmentation du financement privé des activités spatiales », d’ajouter, en : « En outre, le développement et l’industrialisation futurs de micro-lanceurs constituent une orientation cruciale. La coopération entre les entreprises européennes dans ce domaine continuera de suivre une logique de marché. La France et l’Allemagne favoriseront la coopération dans ce domaine. »

Il est vrai que le marché des petits satellites, sans cesse en expansion, donne lieu à une myriade de projets pour les mettre en orbite. L’Italien Avio travaille sur une version légère de sa fusée Vega. Et, outre-Rhin, OHB développe, à sa « Rocket Factory Augsburg », une mini-fusée pouvant mettre une charge utile de 200 kg en orbite à moindre coût.

Mais ces projets sont assez classiques… par rapport au Ravn X de l’entreprise américaine Aevum. Il s’agit en effet d’un imposant drone [24 mètres de long pour 5,48 mètres de haut et une envergure de 18 mètres] pouvant mettre en orbite basse des satellites de 100 kg. Et cela, depuis n’importe où [à condition d’avoir une piste assez longue pour le décollage et l’atterrissage] et avec une disponilité de 96% dans des délais réduits. Une mission typique ne durerait ainsi pas plus de trois heures!

Mais à la différence de l’Europe, les entreprises américaines du New Space peuvent compter sur les contrats du Pentagone pour assurer leur développement. Et Aevum a déjà obtenu un contrat de la part de l’US Space Force pour la mission Agile Small Launch Operational Normalizer [ASLON] 45″, pour quatre millions de dollars.

Photo : © ESA

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