La Chine place quatre industriels parmi les 25 premiers producteurs mondiaux d’armement

Tous les ans, à cette période de l’année, l’Institut de recherche sur la paix internationale de Stockholm [Sipri] publiait jusqu’à présent un classement mondial des 100 principaux industriels de l’armement en fonction de leur chiffre d’affaires. Les groupes chinois n’y figuraient, les données fiables les concernant faisant défaut. Aussi, la hiérarchie qui était ainsi établie ne pouvait refléter la réalité.

Cela étant, en janvier dernier, le Sipri a publié une nouvelle étude s’intéressant justement aux principaux acteurs de la base industrielle et technologique de défense [BITD] chinoise. Et il en avait conclu que la Chine était devenue le second producteur mondial d’armement, derrière les États-Unis, grâce à la demande intérieure.

Aussi, le classement des principaux industriels de l’armement établi chaque année par l’institut suédois a évolué. Désormais, les résultats des groupes chinois sont pris en compte et… il ne porte plus que sur les 25 principales entreprises du secteur… Entreprises qui, en 2019, ont généré un chiffre d’affaire total de 361 milliards de dollars, soit un montant supérieur de 8,5% par rapport à l’an passé.

Sans surprise, on trouve les groupes américains aux cinq premières places, Lockheed-Martin faisant toujours la course en tête et a même accentué son avance par rapport à ses concurrents avec plus de 53 milliards de dollars de ventes [+11%]… Soit 20 milliards de plus que Boeing, qui arrive en seconde position. Avec un chiffre d’affaires de 29,2 milliards, Northrop Grumman complète ce podium. Viennent ensuite Raytheon et General Dynamics Corps.

« Ces cinq entreprises ont réalisé à elles seules 166 milliards de dollars de ventes d’armes par an. Au total, 12 entreprises américaines figurent dans le Top 25 en 2019, représentant 61 % des ventes d’armes combinées du Top 25 », souligne le Sipri.

Et cette tendance n’est pas prête de s’inverser. Selon des chiffres donnés le 4 décembre par le département d’État, les ventes d’équipements militaires américains ont encore augmenté de 2,8% lors de l’exercice 2020 [qui s’est terminé le 30 septembre, ndlr], pour atteindre les 175 milliards de dollars, dont 50,78 milliards via le dispositif « Foreign Military Sales » [FMS] et 124.3 milliards de ventes directes [c’est à dire entre entreprises et gouvernements]

En moyenne, les exportations américaines d’armement via les « Foreign Military Sales » [FMS] se sont élevées à 57,5 milliards de dollars par an durant le mandat de Donald Trump, contre 53,9 milliards par an pour son prédécesseur, Barack Obama.

Le sixième du classement est un groupe chinois : Aviation Industry Corporation of China [AVIC]. En outre, China Electronics Technology Group Corporation [CETC] arrive en huitième position, suivi par le spécialiste de l’armement terrestre China North Industries Group Corporation [NORINCO]. La Chine place une quatrième entreprise dans ce « top 25 », avec China South Industries Group Corporation,, qui arrive à la 24e place.

« Les revenus combinés des quatre entreprises chinoises du Top 25 ont augmenté de 4,8 % entre 2018 et 2019 », note le Sipri. Et cela, en grande partie grâce aux commandes passées par l’Armée populaire de libération [APL], qui se modernise à marche forcée… Mais aussi grâce à la demande extérieure. La Chine, qui n’a pas signé le Traité sur le commerce des armes, serait le cinquième pays exportateur d’armes.

Cependant, ce tableau est encore incomplet… Car il manque deux industriels majeurs, à savoir China Shipbuilding Industry Corporation [CSIC] et China State Shipbuilding Corporation [CSSC], deux acteurs clés de la construction navale chinoise, laquelle tourne à plein régime… au point de produire en quatre ans l’équivalent de la flotte française, avec le lancement, en moyenne, d’une frégate ou d’un contre-torpilleur tous les mois et la mise à l’eau d’un sous-marin tous les trimestres. Aussi, ces deux industriels auraient probablement leur place dans le « top 25 » du Sipri.

Le premier industriel européen du classement, le britannique BAE Systems, arrive à la 7e position, malgré un chiffre d’affaires en progression de plus de deux milliards d’une année sur l’autre. Suivent ensuite Leonardo [12e], Airbus [13e], Thales [14e] et Dassault Aviation [17e]. C’est le première fois que l’avionneur français figure parmi les vingts premiers industriels mondiaux de l’armement, grâce à « la plus forte augmentation des ventes annuelles d’armes » [+105%].

« Une forte augmentation des livraisons destinées à l’exportation d’avions de combat Rafale a propulsé Dassault Aviation dans le Top 25 pour la première fois », an effet commenté Lucie Béraud Sudreau, directrice du programme Armement et Dépenses militaires au Sipri.

Par ailleurs, les groupes russes semblent à la peine : seulement deux sont représentés dans le « top 25 », dont Almaz-Antey [le concepteur du système de défense aérienne S-400], qui arrive à la 15e place, avec un chiffre d’affaires de 9 milliards de dollars, et le constructeur naval United Shipbuilding Corp. [25e]. Les résultats de ces deux groupes ont diminué respectivement de -3,7% et de -5,7% entre 2018 et 2019. Et le consortium UTC [qui Sukhoï, MiG, Tupolev, Iliouchine, Yakovlev, etc] a vu ses ventes reculer de 1,3 milliard de dollars.

Pour Lucie Béraud, cette tendance s’explique par le fait que le programme de modernisation des forces armées russes s’est « fortement ralenti », à cause des sanctions décidées après l’annexion de la Crimée et la baisse des prix des matière énergétiques. « La Russie a dû ralentir ses efforts de modernisation des équipements militaires […], il y a eu par conséquent moins de commandes de l’État russe, moins de projets lancés, donc une baisse des revenus », a-t-elle expliqué.

Enfin, les groupes chinois ne sont pas les seuls à faire leur entrée dans ce classement du Sipri : pour la première fois, un conglomérat du Moyen-Orient, en l’occurrence EDGE, qui réunit 25 entreprises des Émirats arabes unis, arrivé à 22e place, avec 1,3% du total des ventes du top 25.

« EDGE est une bonne illustration de la manière dont une forte demande nationale de produits et de services à caractère militaire combinée à une volonté de devenir moins dépendant des fournisseurs étrangers, stimule la croissance des entreprises d’armement au Moyen-Orient », a observé Pieter Wezeman, chercheur principal au Programme d’armement et de dépenses militaires du SIPRI.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]